L’Espagne, la Pologne et le Japon ont les ressources pour tirer leur épingle du jeu en cette année qui s’annonce mouvementée.

Alors que s’ouvre l’année 2025, nombre de regards sont tournés vers les États-Unis, dont l’économie a connu d’excellentes performances l’an passé, et devrait poursuivre sur sa lancée. Mais ce tropisme américain peut masquer d’autres marchés tout aussi prometteurs, susceptibles de faire au moins aussi bien en 2025, sans le facteur d’instabilité que constitue Donald Trump. Petit tour d’horizon.

L’Espagne prouve que les pays européens ne sont pas condamnés à stagner

The Economist a pour tradition de choisir à chaque fin d’année le pays qui a réalisé les meilleures performances sur l’année écoulée. En 2024, c’est l’Espagne qui s’est vue attribuer la couronne. Avec un taux de croissance de 3 %, l’économie ibérique a progressé quatre fois plus vite que la moyenne de l’UE. Et là où nombre de ses voisins peinent encore à récupérer de la pandémie, elle compte 1,8 million d’emplois supplémentaires par rapport à fin 2019. Les investisseurs ont pris bonne note : le rendement de l’obligation française à dix ans a pour la première fois dépassé celui de sa consœur ibérique sur le marché secondaire, selon l’agence Reuters.

Derrière ces bonnes performances, on trouve un boom du tourisme, l’un des moteurs de la croissance espagnole : le secteur, qui a cru de 5% en 2024, compte désormais pour 13% du PIB. Mais le pays n’est pas uniquement une destination ensoleillée pour les vacanciers. L’Espagne compte ainsi une culture de l’innovation de plus en plus dynamique. L’écosystème tech espagnol est 3,6 fois plus gros qu’il ne l’était en 2018, et a dépassé les cent milliards de dollars de valorisation. Il a notamment pour atout d’être décentralisé, selon Julio Martinez, fondateur et dirigeant de la jeune pousse Abacum.

«Contrairement à des hubs technologiques européens plus anciens comme la France et le Royaume-Uni, les talents technologiques espagnols ne sont pas concentrés dans une seule ville. Chaque métropole espagnole a développé sa propre niche en fonction de ses ressources, de ses industries et de ses forces académiques. Barcelone excelle dans les start-ups et le mobile. Madrid domine dans la technologie corporate et l’IA. Valence est championne des technologies durables, tandis que Malaga est un leader émergent de la cybersécurité», résume-t-il.

La principale faiblesse de l’économie espagnole réside dans la très faible natalité du pays, qui l’oblige à recourir massivement à l’immigration. Or, il n’est pas dit que ce modèle soit soutenable alors que l’extrême droite gagne en popularité et que le pays connaît une crise du logement.

La Pologne, une puissance industrielle en passe de devenir un hub des nouvelles technologies

Le 19 janvier dernier, Donald Tusk a affirmé sur son compte X que son pays serait leader européen en matière de croissance en 2025. S’il serait aisé d’y voir une bravade de la part d’un chef d’État souhaitant vanter les capacités de son pays (et, au passage, son art de gouverner), le Premier ministre polonais peut citer à l’appui de ses affirmations un rapport très optimiste du FMI, qui prévoit que la Pologne connaîtra une croissance trois fois supérieure à la moyenne de la zone euro cette année.

Cet ancien pays du bloc de l’Est s’est métamorphosé, grâce à une solide base industrielle exportatrice (30 % du PIB), notamment autour de l’automobile et de la chimie, un secteur tertiaire dynamique, en particulier pour tout ce qui touche aux services aux entreprises, et un secteur IT s’appuyant sur une main d’œuvre qualifiée, aux excellentes compétences techniques et au coût très compétitif. Un récent rapport de McKinsey dépeint même la Pologne comme «le nouveau moteur de l’UE».

Le consultant est particulièrement optimiste quant à la future croissance du secteur IT polonais. «La Pologne possède une combinaison d’atouts uniques en tant que fournisseur de services commerciaux de pointe. De nombreux talents, des villes modernes, avec un coût de la vie inférieur à celles d’Europe de l’Ouest pour une qualité de vie similaire, un fuseau horaire situé dans la zone euro, et un code juridique familier pour les pays occidentaux. Avec un mélange judicieux d’initiatives privées et de politiques publiques, le secteur pourrait ajouter entre 450’000 et 600’000 emplois dans ce secteur sur les dix prochaines années», affirment les auteurs du rapport.

Celui-ci met en avant deux autres points forts de l’économie polonaise. La fabrication avancée, d’une part, grâce au transfert de compétence depuis les industries minières et de défense, où le pays dispose d’une expertise historique. L’industrie pharmaceutique, d’autre part, en profitant là encore de ses savoirs pour s’imposer dans l’industrie des biotechs actuellement en plein essor grâce aux progrès de la génomique. L’IA est un autre pôle d’excellence potentiel pour la Pologne, grâce aux nombreux ingénieurs de talent en apprentissage automatique que forme le pays, fruit d’excellentes formations en mathématiques.

Avec l’Espagne, la Pologne partage une démographie en berne, l’une des ses principales faiblesses pour l’avenir. Le pays demeure en outre dépendant aux énergies fossiles, et notamment au charbon, qui assure 63% de la production d’électricité polonaise, un chiffre qui tend toutefois à baisser (la part était de 80% en 2021). La Pologne est enfin dépendante de l’Allemagne, l’un de ses principaux partenaires commerciaux, dont l’économie n’est pas au beau fixe.

Le Japon émerge de son hibernation

Après des années de stagnation, le pays du soleil levant a connu une croissance d’1,2% d’une année sur l’autre au troisième trimestre 2024, performance réitérée au quatrième trimestre. Si ce chiffre reste modeste, il faut le replacer dans le contexte du Japon, en stagnation depuis trois décennies. Surtout, les marchés semblent convaincus que l’embellie va se poursuivre. Vanguard estime que le PIB du Japon devrait croître d’1,2% sur toute l’année 2025. Le Nikkei a récemment atteint son plus haut niveau depuis la crise du début des années 1990, et la banque américaine Morgan Stanley estime que le le Japon «a émergé pour de bon de trois décennies de stagnation».

Avec un chômage à 2,4%, le Japon se trouve en situation de plein emploi, ce qui, combiné aux pressions exercées par les syndicats, devrait permettre une hausse des salaires de 5% sur l’année 2025, excédant largement l’inflation (autour de 2%) et permettant une hausse de la consommation. Le gouvernement prévoit également une politique de l’offre visant à accroître les revenus des ménages.

Les constructeurs automobiles japonais, parmi les meilleurs au monde, ont lancé une vague d’investissement dans les véhicules électriques. Leur travail pourrait être facilité par le retour de Trump à la Maison-Blanche, qui a prévu de taxer très fortement les véhicules électriques chinois, très compétitifs sur ce marché émergent. Le Japon dispose également d’un puissant secteur aérospatial, auquel s’offrent de belles perspectives de croissance avec l’essor de l’internet par satellite, mais aussi la convergence avec d’autres technologies de pointe comme l’IA et le jumeau numérique.

Enfin, les spécificités des grandes entreprises japonaises les rendent bien équipées pour affronter une économie en plein bouleversement, selon Michele Raviscioni, senior partner chez McKinsey et co-auteur, avec Naoyuki Iwatani, du livre Unlocking the full potential of Japanese corporates (non traduit). «Les entreprises japonaises sont souvent critiquées pour employer leurs salariés à vie, ce qui limiterait leurs performances. Mais c’est aussi une opportunité formidable pour investir dans la formation et la reconversion des employés.» En outre, «les grandes entreprises japonaises peuvent se montrer très efficaces dans la résolution de grands défis planétaires, comme la transition énergétique et la préservation de l’environnement, dans la mesure où le Japon dispose d’un écosystème industriel unique capable de faire de gros investissements au service du déploiement de projets géants.»

Tout comme pour l’Espagne et la Pologne, le talon d’Achille du Japon réside dans sa faible démographie. Les tensions avec la Chine, premier partenaire commercial du Japon, sont également un risque, que le retour de Donald Trump pourrait accentuer.