Des marchés qui ne cessent de monter, un interventionnisme accru des banques centrales, 2020 semble commencer sur les mêmes bases que 2019.

Par Luca Joos, Managing Partner

 

L’année 2019 s’est terminée sur une surperformance des marchés à des niveaux records (+34.6% pour le Nasdaq, +24.8% sur l’Euro Stoxx 50) et 2020 semble débuter sur les mêmes bases avec une surperformance des valeurs de croissance et des valeurs technologiques. Les marchés paraissent ne vouloir voir qu’une hausse constante encouragée par quelques embellies politiques.

La capitalisation boursière de Tesla est supérieure à Toyota, Volkswagen et Renault réunis.

En effet, la phase 1 du Trade Deal entre les Etats-Unis et la Chine signée (déjà largement intégrée dans les prix depuis quelques mois déjà), l’acquittement et la réélection du Président Trump pour ainsi dire entérinée ainsi qu’un Brexit ordonné ratifié, les marchés veulent aller encore plus haut et plus vite. Il n’y a qu’à regarder Tesla, qui sous couvert de bons chiffres et d’une prévision de livraison de véhicules multipliée par 5, dont le titre s’envole de 75.63% (au 06.02.2020) depuis le début de l’année. La capitalisation boursière de Tesla est supérieure à celle de Toyota, Volkswagen et Renault réunis. Les 3 constructeurs ont vendu un total de 24.27 millions d’unités en 2019 contre 367’000 véhicules pour Tesla sur le même exercice…

Le Coronavirus, qui ralentit raisonnablement l’économie chinoise, ne semble même pas avoir de conséquences sur Tesla alors qu’ils viennent d’ouvrir en grandes pompes une usine en Chine et comptent sur cette dernière pour arriver à livrer. Cette usine est-elle d’ailleurs toujours opérationnelle ? Alors bien évidemment BlackRock (‎avec des actifs sous gestion de US$6.96 trillions en 2019) par exemple a banni les investissements sur les énergies fossiles comme d’autres mais est-ce là la seule raison à cette envolée du titre? Clairement, Tesla joue un rôle de perturbateur et astreint les constructeurs historiques à revoir leur copie mais peut-on réellement penser que seul l’ESG (Environmental, Social and Governance) et l’innovation puissent avoir un tel impact sur le titre? Faut-il parler d’Apple et consorts? La performance est concentrée sur quelques valeurs et personne n’y trouve rien à redire, la mariée est magnifique.

La Grèce emprunte à 10 ans avec un rendement de 1,14% alors que les Etats-Unis paient 1.63% pour la même duration.

Aucun ne semble s’inquiéter outre-mesure de l’interventionnisme accru des banques centrales, des taux négatifs qui impactent les banques (courroie de transmission de l’économie, coût de 2 milliards pour les banques suisses sur l’exercice 2019), de pays tels que l’Italie connue pour son excellente santé économique avec une dette représentant 134.83% du PIB qui a émis une souche de 7 milliards d’euros à 30 ans (avec un carnet d’ordre de près de 47 milliards d’euros) pour un rendement de 2.46%. Nous pourrions encore parler de la Grèce avec une dette représentant 181% du PIB qui elle emprunte à 10 ans avec un rendement de 1,14% alors que les Etats-Unis avec une dette représentant 104% du PIB paient 1.63% pour la même duration. Mais tout va bien et il n’y a pas lieu de s’alarmer.

Il semble  acté» que quoiqu’il arrive les banques centrales seront là pour nous sauver.

Il semble «acté» que quoiqu’il arrive les banques centrales seront là pour nous sauver. Le Président Trump l’a martelé tout au long de l’année dernière, la Fed n’a qu’à suivre ses recommandations et tout ira bien. D’ailleurs, on est en droit de se demander si l’indépendance de cette institution est encore effective. Du côté de l’Europe, on ne fait que suivre ce que font nos voisins outre-Atlantique car apparemment c’est la panacée. Faut-il parler du Brexit? Nos amis anglais vont-ils survivre sans l’Union Européenne qui peine à trouver depuis des décennies une direction commune? Il semblerait que oui bien que nombreux soient les commentateurs voulant nous faire croire que non.

À trop tirer, on rompt la corde.

Alors que faut-il faire, ou faut-il investir? C’est un peu la question à 100 points à laquelle personne ne semble vouloir répondre aujourd’hui. D’un point de vue purement macroéconomique, il est difficilement concevable de penser que cette situation puisse perdurer dans le temps. Ainsi, le S&P500 affiche une performance de 27.8% en 2019 alors qu’en même temps l’économie américaine perd 1 point de croissance sur le même exercice et qui, selon les experts, devrait perdre encore 0.2 point en 2020 pour atteindre 1.8%, on est en droit de se poser quelques questions. Dès lors, nombreux ceux qui souhaiteraient «shorter» certains titres mais depuis plus d’un an, rien ne semble arrêter cette tendance haussière malgré tous les voyants au rouge vif. À trop tirer, on rompt la corde, bien malin celui qui prédira quand cela arrivera.

Ainsi, force est de constater que le Coronavirus à lui seul n’a pas réussi à ramener les investisseurs vers la réalité macroéconomique et tant que les liquidités seront injectées dans les marchés par les banques centrales rien ne sert de se mettre contre la tendance haussière actuelle. Néanmoins, Il conviendra d’observer les actions futures des banques centrales et l’impact du Coronavirus sur la croissance mondiale. En effet, les banques centrales ne peuvent à elles seules générer de la croissance.