Petite révolution en Norvège: à partir de l'année prochaine, d'autres marques de voitures électriques (VE) seront autorisées à se recharger sur les super-chargeurs de Tesla. Si cette évolution venait à se généraliser sur d’autres territoires, elle pourrait avoir des implications importantes pour Tesla et l’industrie des VE.

Par Charles-Henry Monchau, CFA, CMT, CAIA – CIO de FlowBank

 

La complexité des bornes de recharge de Tesla

Charles-Henry MoncheauTesla exploite environ 2’500 stations comprenant environ 25’000 super-chargeurs dans le monde. Le super-chargeur Tesla est une installation publique incontournable et reconnaissable qui fournit de l’énergie aux propriétaires de voitures Tesla.

Il existe plusieurs types de super-chargeurs.

Type 1 – Prise CA 120 V (où vous chargez votre téléphone), 2 à 5 miles par heure de charge (1 mile est égal à 1,069 km).
Type 2 – Prise 240 V CA, 10 à 60 miles par heure de charge.
Type 3 – 480V DC, 180-240 miles par heure de charge.

L’inconvénient avec les super-chargeurs de type 3 est qu’ils sont pour l’instant inaccessible aux autres marques que Tesla. Les autres bornes de recharge – moins performantes (type 2 et 1) – permettent par exemple la recharge de votre Volkswagen électrique grâce à un adaptateur.

Tesla est connue pour posséder le meilleur réseau de recharge de véhicules électriques au monde. Pour les longs trajets en dehors de la ville, la seule solution fiable est une Tesla si vous voulez avoir un accès sûr aux points de charge. Tesla a compris très tôt que la facilité de recharge serait un argument de vente fort s’ils voulaient convaincre les clients de s’éloigner du confort du carburant. Au départ, la recharge était même gratuite pour encourager les ventes.

L’entretien est l’un des problèmes clés de leur offre, mais comme beaucoup de grandes stations disposent de 8 à 40 chargeurs allant jusqu’à 350kw, avoir un ou deux chargeurs en panne n’est qu’un souci mineur. De plus, le temps de charge est faible. Le fait que toutes les stations soient occupées n’est pas une grande gêne pour les derniers arrivés. Peu d’autres chargeurs peuvent en dire autant: une file de deux personnes peut rapidement se transformer en deux heures d’attente.

Enfin, il y a peu ou pas d’interface utilisateur: la facturation est entièrement gérée par la connection, qui sait combien d’énergie vous avez utilisé. Cette simplicité écarte un autre risque, celui d’une interface de facturation défaillante qui dysfonctionnerait pour une raison quelconque. Bien sûr, l’électricité coûte beaucoup moins cher que le gaz. Le prix de l’électricité varie en fonction de la vitesse de charge, de l’heure et du lieu. Le montant est automatiquement facturé sur le compte Tesla de l’utilisateur.

 

Le gouvernement norvégien pourrait changer de paradigme

Des discussions sur la mise à disposition de super-chargeurs pour tous les véhicules électriques auraient été menées avec le Ministre fédéral allemand des transports, Andreas Scheuer, mais rien n’en est ressorti. Il semble que la Norvège pourrait être le premier pays à voir ce souhait exaucé.

Tesla et le gouvernement norvégien discutent actuellement d’une clause qui obligerait les stations de recharge «supercharging» – qui ont été ou seront construites à l’aide de fonds publics – à être utilisables par tous les conducteurs de VE, quelle que soit la marque de leur voiture. Une directive qui fait du sens puisque la Norvège a dépensé des millions pour promouvoir la vente de VE et leur infrastructure complexe afin de devenir un pays leader sur les VE.

En l’état, l’accord final devrait porter sur la mise à disposition d’un petit nombre de super-chargeurs publics pour les autres VE d’ici le troisième trimestre 2022, afin de pouvoir bénéficier d’une subvention pour les stations de recharge. Selon le site Web de Tesla, il existe plus de 100 stations «supercharger» en Norvège.

Une directive similaire pourrait également être adoptée en Suède, car un rapport a montré que l’administration suédoise des transports mettait en place un financement pour construire davantage de stations de recharge pour VE. En effet, si elles sont financées par des fonds publics, ces stations de recharge devront être disponibles pour toutes les voitures, et non limitées à une seule marque. Notez que ces discussions n’en sont qu’à leurs débuts et qu’il ne faut pas s’attendre à un changement de sitôt.

Des chargeurs compatibles pour les marques de VE: une belle opportunité pour Tesla?

L’ouverture du réseau de recharge de Tesla aux autres constructeurs de voitures électriques et ce, dans le monde entier pourrait fortement accélérer l’adoption des VE. En effet, l’industrie VE fait actuellement face à un phénomène assez classique dans l’adoption d’une nouvelle technologie: les consommateurs ne sont pas prêts à passer aux véhicules électriques tant qu’il n’y aura pas assez de stations de recharge à disposition. De leur côté, les gouvernements et les entreprises ne sont pas à construire davantage de stations tant que celles-ci ne sont pas suffisamment utilisées.

L’ouverture par Tesla de son réseau de recharge offrirait donc non seulement beaucoup plus d’options aux propriétaires de VE, mais elle accélérerait également l’adoption des VE dans le monde – ce qui serait bénéfique aux constructeurs – dont Tesla.

D’autre part, Tesla pourrait également augmenter ses bénéfices en facturant les concurrents qui utilisent ses stations de recharge. Elle pourrait potentiellement faire payer plus cher les propriétaires de véhicules autres que Tesla, en justifiant la prime par le fait qu’une partie des coûts des chargeurs est intégrée dans le prix des véhicules Tesla.

Mais jusqu’à présent, il semble que Tesla n’ait pas eu envie de partager son réseau, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, leur réseau constitue un avantage compétitif considérable, qu’ils ne souhaitent peut-être pas partager avec d’autres constructeurs automobiles. De plus, cela signifierait que toutes les voitures pourraient se recharger n’importe où, alors que les propriétaires de Tesla ne pourraient quant à eux qu’utiliser les super-chargeurs Tesla avec certitude. Qui plus est, la capacité de charge de Tesla serait beaucoup plus sollicitée, ce qui risque de ne pas plaire aux propriétaires de Tesla. Quel est l’intérêt de posséder une Model X (c-à-d un modèle de luxe dans les VE) si vous n’avez aucun privilège par rapport au bas et milieu de gamme lorsqu’il s’agit de recharger votre véhicule?

Des prises différentes entre les stations

Aux États-Unis, Tesla a développé un connecteur technologiquement supérieur. Un seul connecteur prend en charge toutes les puissances de charge. La pression réglementaire en Europe les a obligés à se conformer au câble «CCS», qui permet de recharger plus facilement dans toutes les stations. Aux États-Unis, les conducteurs doivent se munir d’un adaptateur pour utiliser toutes les stations, mais très peu en sont équipés – les raisons pour lesquelles Tesla ne l’a pas simplement donné aux autres stations restent un mystère.

Conclusion

Le fait d’avoir plusieurs normes de recharge rapide complique certainement les choses, de la même manière que nous avons des voitures diesel et à essence. Dans un monde idéal, toutes les stations de recharge fonctionneraient de la même manière et il devrait être aussi simple de recharger son véhicule électrique que de faire le plein à la station-service.

Le principal problème avec Tesla est qu’ils sont tout simplement un peu trop en avance sur la concurrence aux États-Unis et en Europe. Non seulement ils sont les premiers en termes de ventes, mais ils ont également la plus grande présence de stations de recharge et une technologie supérieure. Pourquoi voudraient-ils se conformer à une technologie inférieure? Jusqu’à présent, Tesla a favorisé l’innovation et développé son avantage concurrentiel. Doivent-ils faire marche arrière pour favoriser un essor plus rapide de l’adoption des VE?

 

 

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