«Simply Put», la chronique hebdomadaire de l'équipe Multi Asset Group de Lombard Odier Investment Managers

Par Florian Ielpo, Head of Macro

 

Les points à retenir:

  • Depuis plusieurs semaines la structure par terme des taux réels progresse, pesant sur les performances obligataires.
  • Si en 2023 l’inflation dépassait les taux, soutenant les profits des grandes capitalisations, ce n’est désormais plus le cas.
  • Historiquement, lorsque les taux réels à court et long terme sont positifs, profits et valorisation se mettent à ralentir dans l’année qui suit – un élément à surveiller pour 2025.

Florian Ielpo

En filigrane des élections américaines qui ont bel-et-bien fini par passionner les marchés avec un peu de retard sur l’agenda habituel, la structure par terme des taux continue de progresser. La décennie précédente a été marquée par une ère de taux réels négatifs, et ces taux négatifs ont profité aux portefeuilles diversifiés. Plus récemment, une nouvelle séquence a pu être observé avec des taux réels qui se normalisent, laissant les portefeuilles confrontés à leur remontée, à l’image de la couteuse année 2022. L’erreur commise alors a été de penser que des taux réels à 10 ans positifs allait peser fortement sur les profits des grandes capitalisations: en réalité, les taux sont restés inférieurs à l’inflation réalisée et les profits des entreprises qui ont su capter cette inflation se sont envolés. Récemment, les taux réels ont repris de l’altitude: sommes-nous à nouveau susceptibles de refaire la même erreur et de confondre taux réels réalisés et taux réels anticipés?

La séquence des taux réels

On peut calculer les taux réels de multiples façons. Si l’on est économiste, on s’intéressera notamment aux taux réels de marché à 10 ans, calculés comme la différence entre les taux nominaux à 10 ans et les breakeven ou swap d’inflation de même échéance. Si l’on approche les choses à la façon d’un analyste, on s’intéressera plutôt à la différence entre les taux nominaux et l’inflation réalisée. Cette inflation couvrant généralement une période d’un an, on regardera les taux nominaux de maturité plus courte – ici à deux ans – pour plus de cohérence. La figure 1 présente l’évolution de ces deux mesures de taux réels par trimestre depuis mars 2018. Taux réels de court et long terme sont corrélés mais ne se suivent pour autant pas systématiquement, et c’est bien ce qui rend leur étude intéressante.

La Figure 1 montre les trois phases que nous venons de traverser:

  • En 2020-2021, les taux réels courts et longs sont restés globalement négatifs, visant à aider l’économie à traverser la pandémie et ses conséquences, minimisant les risques d’une récession prolongée;
  • En 2022, les taux courts sont restés négatif mais des taux longs sont devenus positifs: l’inflation refluait alors plus lentement que prévu, sans que les taux courts ne la dépasse.
  • En 2023-204, taux réels courts et longs sont devenus positifs : les taux nominaux sont restés élevés alors que l’inflation refluait en dessous de leur niveau.

Cette séquence est importante car elle impacte historiquement profits et performance des marchés, comme illustré à la section suivante.

2024.11.13.Taux réels
Figure 1. Evolution relative des taux réels à 2 ans et à 10 ans aux Etats-Unis
Source : Bloomberg, LOIM. Calculs au 05.11.2024. Les taux à 2 ans sont calculés comme la différence entre taux nominaux à 2 ans aux Etats-Unis et inflation réalisée. Les taux à 10 ans sont calculés comme la différence entre taux nominaux 10 ans et breakeven d’inflation de même échéance.

Gare au double positifs

Depuis le mois d’aout, la communication de la Réserve Fédérale a largement été réorientée. Là où celle-ci n’avait d’yeux que pour l’inflation trop élevée pendant une période de 18 mois (2023-mi 2024), la Fed a désormais reporté toute son attention sur marché de l’emploi. Implicitement, ce changement de priorité revient à s’interroger au sujet de l’économie réelle elle-même: la baisse de taux opérée par la Fed en septembre 2024 sanctifiait le passage d’une priorisation de l’économie réelle sur l’économie nominale – en clair, des inquiétudes sur la croissance. Ces inquiétudes sont bien fondées : si l’économie américaine va bien aujourd’hui, il ne faut pour autant pas perdre de vue que les taux réels courts et longs sont désormais positifs. La Figure 2 présente taux de croissance des profits et performance des actions US en fonction des différentes combinaisons de taux réels, sur la période 1962-2024. Si les périodes de taux réels globalement négatifs profitent aux bénéfices des sociétés et aux valorisations de marché, les périodes de taux réels globalement positifs exercent généralement l’effet contraire. Ce qui a pu surprendre les investisseurs en 2023 se lit sur le graphique: lorsque les taux réels à court terme sont négatifs mais que les taux réels à long terme ne le sont pas, profits et valorisation au cours de l’année suivante ont tendance à progresser davantage que dans le cas ou taux courts et longs sont positifs. En clair, l’inflation dépassant le niveau des taux, elle a su compenser l’effet négatif de ceux-ci, mais aujourd’hui ça n’est plus le cas. Une autre façon de le dire revient à constater que la politique monétaire est probablement aujourd’hui plus déflationniste qu’elle ne l’était en 2022-2023 de ce fait. Les baisses de taux Fed sont aujourd’hui une nécessité afin de rapprocher l’économie américaine de la zone de «taux cours négatifs et taux longs positifs», afin de maximiser les chances d’un soft landing.

2024.11.13.Croissance profits
Figure 2. Croissance des profits et performance actions à un an en fonction des taux réels à court et long terme
Source : Bloomberg, LOIM. Calculs au 07.11.2024

Ce que cela signifie pour All Roads

Si les conditions économiques de ces deux derniers mois ont clairement donné des signes d’amélioration, nos stratégies n’ont pour autant pas regagné une exposition totale de marché supérieure à leur moyenne historique sur la période 2012-2024. Les tendances sur les marchés des actions et du crédit demeurent fermes, mais le sentiment de marché reste négatif. Une allocation équilibrée entre actifs de couverture et actifs cycliques ainsi qu’une exposition de marché plus modérée nous semble être la bonne réponse à cette situation globalement incertaine.

Pour dire les choses simplement, l’entièreté de la structure par termes des taux réels est aujourd’hui positive, ce qui pourrait peser sur les profits et les marchés au cours de l’année qui vient.

Coin macro/prévision immédiate

L’évolution la plus récente de nos indicateurs exclusifs de prévision immédiate pour la croissance mondiale, les surprises d’inflation mondiale et les surprises de politique monétaire mondiale est conçue pour suivre la progression récente des facteurs macroéconomiques qui animent les marchés.

Nos indicateurs de nowcasting indiquent actuellement:

  • Notre indicateur de croissance poursuit sa reprise, mais à un rythme plus lent. Il ne s’agit plus désormais que de 53% des données qui progressent contre 60% il y a encore quelques jours.
  • Les pressions inflationnistes continuent leur lente progression: notre indicateur place l’économie mondiale dans une zone de pressions inflationnistes positives et en progression depuis le début de la semaine.
  • Le pivot et les baisses de taux des banques centrales devraient se poursuivre pour le moment – nos signaux continuent de pointer dans cette direction.

2024.11.13.Croissance mondiale
Prévisions de croissance mondiale : évolution à long terme (à gauche) et récente (à droite)

 

2024.11.13.Inflation mondiale
Prévisions actuelles de l’inflation mondiale : évolution à long terme (à gauche) et récente (à droite)

 

2024.11.13.Politique monétaire
Prévisions actuelles de la politique monétaire mondiale : évolution à long terme (à gauche) et récente (à droite)

 

Note de lecture : l’indicateur de prévision immédiate de LOIM rassemble différents indicateurs économiques à un moment précis, afin de déterminer la probabilité de survenance d’un risque macroéconomique donné, comme la croissance, les surprises en matière d’inflation et les surprises en matière de politique monétaire. Les indicateurs en temps réel vont de 0% (croissance faible, surprises en matière d’inflation modérées et politique monétaire accommodante) à 100% (croissance forte, risque élevé de surprises en matière d’inflation et politique monétaire restrictive).

Source : Bloomberg, LOIM


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