Suite à l’atterrissage historique de l’Inde au pôle Sud de la Lune, nous discutons de la course aux matières premières, des problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement et des tensions dans l’espace.

Par David Brett, Éditorialiste

 

 

 

 

 

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Vous pouvez lire la transcription complète du podcast ci-après:

David Brett

Bienvenue sur Investor Download, le podcast sur les thèmes qui animent et animeront les marchés et l’économie. Je suis votre hôte, David Brett. Bienvenue dans la seconde partie de notre série sur la nouvelle course à l’espace. Dans le premier épisode, nous avons couvert ce qui motive la nouvelle course à l’espace, ceux qui la mènent, ainsi que les avantages et les inconvénients de cette compétition. Dans cette seconde partie, nous allons discuter des conflits qu’elle peut provoquer et de la manière dont ils pourraient être résolus. Nous aborderons cela en fin d’épisode. Tim Marshall, auteur et journaliste, sera à nouveau notre guide de l’espace.

Ce n’est pas seulement une première pour l’Inde, c’est une première dans l’exploration lunaire. Jusqu’à présent, personne n’avait réussi à se poser à proximité du pôle Sud de la Lune, un lieu particulièrement intéressant pour les sciences de l’espace et pour l’exploration spatiale. C’est l’un des endroits les plus froids du système solaire, où l’eau et d’autres éléments chimiques importants sont gelés dans des cratères profonds et plongés dans l’obscurité.

David Brett

Historique, le premier alunissage de l’Inde au pôle Sud de la Lune a inauguré l’accès à une région lunaire qui, selon les scientifiques, est riche en eau et en hélium 3. Dans la première partie de cet épisode, nous discuterons donc de la course aux matières premières dans l’espace. Et je commencerai par demander à Tim dans quelle mesure la course aux matières premières est importante dans l’espace.

Tim Marshall

Elle représente une grande partie. La NASA octroie déjà des licences à des entreprises pour y aller et extraire X quantité à titre d’expérience. Et pardonnez-moi, je n’ai pas les faits et chiffres sous la main, mais la NASA paie des entreprises privées, leur promettant un dollar la tonne. C’est symbolique. Mais les entreprises privées sont prêtes à prendre ce risque. Certaines entreprises japonaises qui excellent dans le développement d’équipements miniers spatiaux potentiels, ont dit: «D’accord, nous irons là-bas, nous allons dépenser beaucoup d’argent, nous récolterons X quantité de roche ou autre, nous la ramènerons et vous ne nous donnerez qu’un dollar.» Parce que ça en vaut la peine… La NASA les paie pour aller là-bas et leur donne juste un dollar. La NASA y acquiert une expertise, tout comme les entreprises privées, qui s’attachent alors à trouver le bon modèle économique pour cette activité. Elles apportent une contribution réelle. Aujourd’hui, tout le monde a entendu parler de SpaceX, mais les grandes entreprises sont encore bien présentes. Boeing est toujours impliqué dans l’aérospatial. Airbus, Lockheed Martin, Thales.

Thales Alenia est une co-entreprise franco-italienne. Sans lien, évidemment, avec la conquête américaine de l’espace. La Chine possède une grande société, One Space, et Space Pioneer est une autre de leurs grandes entreprises, et le pays compte plus de 100 start-ups dans le secteur aérospatial. Certaines d’entre elles deviendront aussi importantes que SpaceX, mais bien sûr on ne sait pas lesquelles. Et elles travaillent main dans la main avec l’État chinois. Ainsi, comme nous l’avons mentionné précédemment, c’est cela le grand changement, essentiellement, l’État, ailleurs qu’en Chine, peut-être en Russie, il ne peut plus agir seul. Je ne connais pas la répartition exacte, mais c’est à peu près 50-50 en ce qui concerne les Américains.

David Brett

D’accord, donc si les entreprises offrent leurs services pour aller dans l’espace et rapporter ces matières premières, quels sont les obstacles? Qu’est-ce qui empêchera qu’il se passe la même chose qu’ici sur Terre, où des tensions politiques existent sur qui détient les droits à quoi?

Tim Marshall

Oui, on retrouve déjà ces tensions dans l’espace. Vous avez par exemple, un excellent exemple, la guerre en Ukraine. La Russie a détruit certaines des stations de base Internet en Ukraine. Elon Musk a envoyé des milliers de paraboles et de terminaux pour connecter les parties de l’Ukraine qui avaient perdu Internet à ses constellations satellites et y a rétabli les communications. La Russie a ensuite essayé de neutraliser par éblouissement ces constellations satellites et, à mots couverts, a déclaré qu’elles étaient des cibles militaires. Donc les tensions existent bien… On voit donc une entreprise privée américaine qui intervient pour aider; c’est bien ce qui s’est passé puisque l’armée ukrainienne a utilisé cet accès Internet pour cibler les Russes. Vous avez donc une entreprise américaine, une entreprise privée, qui aide l’État ukrainien à combattre les Russes qui envoient des équipements d’éblouissement. C’est fascinant. Voilà l’une des tensions. Un autre est l’incapacité des grandes puissances à se mettre d’accord pour cesser les exercices de destruction de satellites avec des missiles balistiques, visant leurs propres satellites. La Russie, la Chine, les États-Unis et l’Inde ont tous tiré des missiles balistiques sur leurs propres satellites et les ont abattus. Ils sont incapables de parvenir à un accord pour cesser ces exercices. C’est plutôt navrant.

Et pour ce qui est de l’image romantique de l’humanité s’aventurant dans l’espace, elle n’a rien de romantique, ce sont les Américains et leurs alliés qui s’aventurent dans l’espace, et de l’autre côté les Chinois et leurs alliés qui s’aventurent dans l’espace, deux mondes séparés, littéralement. Et je pense que ce sera le modèle pour le reste de la décennie, parce que compte tenu des tensions sur Terre, il est impossible, sauf dans de rares exemples, qu’ils collaborent. Et bien sûr, cela aggravera les tensions. La Lune en est un bon exemple. Les accords Artemis entre plusieurs États, prévoient la création de zones de sécurité sur la Lune. On peut le comprendre; vous avez dépensé beaucoup d’argent pour y arriver et trouver le bon endroit pour exploiter et commencer à creuser, puis quelqu’un s’installe à côté et dit: «Je vais y creuser aussi». Le problème est que ce n’est pas une loi. Il s’agit d’un groupe de gens qui se sont mis d’accord sur quelque chose, mais ils ne l’ont pas acceptée. Donc, oui, on constate que ces mêmes tensions se reproduisent.

David Brett

Oui. Ces discussions sur la règle de droit dans l’espace sont-elles en cours en ce moment?

Tim Marshall

Oui, elles le sont, mais elles n’avancent pas. Bien sûr, nous avons le traité sur l’espace extra-atmosphérique de 1967, mais il a 50 ans. À l’époque, les lasers et les armes à laser n’existaient pas alors qu’aujourd’hui, on a des armes à laser, des armes à faisceaux d’énergie dirigée, des équipements d’éblouissement, etc. Il n’existe donc pas de traité reflétant les accords sur le droit de faire X mais pas Y, qui soit adapté pour 2023. C’est un grave problème. Et j’ai mentionné les accords Artemis et l’idée de zones de sécurité. Le Congrès interdit à la NASA de travailler avec la Chine; il n’y a donc aucune chance de coopération dans ce domaine. Les Russes ne sont pas prêts de rejoindre les accords Artemis et encore moins d’y être invités. Je dirais donc que nous sommes dans une impasse. Bien sûr, tout le monde est conscient de la nouvelle technologie, des problèmes qu’elle pose, et cherche les moyens de trouver des solutions, mais cela ne mène à rien. Les Nations Unies ont un bureau spatial où sont rédigés de nombreux articles offrant des solutions réconfortantes, mais ces rapports prennent la poussière sur des étagères. Aussi longtemps que ces tensions existeront et jusqu’à ce qu’elles se dissipent et que l’on parvienne à une nouvelle détente, je n’anticipe pas de vrais progrès dans ce domaine.

J’assimile cette situation à la ruée vers l’or du Klondike. Aucun chercheur d’or ne s’est arrêté alors qu’ils se frayaient un chemin sur la glace avec leurs pioches pour dire: «Attendez une minute, il faut y aller doucement. Et quelle est la taille de votre pioche? Eh bien, d’accord, je n’en aurai pas une plus grande non, allez-y.» Et j’ai bien peur que ce soit ce qui se passe actuellement.

Nous avons eu du mal sur Terre à nous entendre et à collaborer en bonne intelligence. Et cela entre en jeu lorsque nous parlons de toutes ces fusées qui sont en cours de construction et les stations spatiales et les ports qui seront installés sur la Lune. Ceux-ci seront équipés par différents pays. Les chaînes d’approvisionnement ne vont-elles pas rencontrer des difficultés? Des chaînes d’approvisionnement avec différents pays qui participent à la construction de tous ces équipements?

Oui, parce qu’il faut beaucoup de lithium et beaucoup de super semi-conducteurs. Les super semi-conducteurs sont un point intéressant. Parce que comme vous le savez, les Néerlandais et les Taïwanais sont les leaders mondiaux de cette technologie et ils viennent de se mettre d’accord avec les Américains pour empêcher les Chinois de s’emparer de cette technologie. Le Congrès a voté une nouvelle loi à ce sujet. Ils ont dix ans d’avance. C’est donc une fois de plus un problème potentiel, dans l’éventualité peu probable d’une guerre à propos de Taïwan, je pense qu’il y aura une crise économique immédiate à l’échelle mondiale causée entre autres par les problèmes de transport maritime et par ceux de l’approvisionnement en semi-conducteurs comme on a pu l’observer pendant la pandémie de COVID. Je vais vous donner un petit exemple, je possède une Volvo. Ses rétroviseurs latéraux comprennent des lignes qui clignotent si quelqu’un s’approche quand vous êtes à l’intérieur. Sur la mienne, elles ne clignotent pas parce que cette puce spécifique n’était pas disponible pendant la COVID et qu’il n’est apparemment pas possible de l’installer par la suite. Donc j’ai les petites lignes, mais elles ne font rien. C’est le genre de chose qui se produirait dans la course à l’espace. Je pense que beaucoup de vos auditeurs s’en soucient peu parce que des choses beaucoup plus importantes les préoccupent au sujet des chaînes d’approvisionnement pour, disons, Volvo ou l’industrie automobile allemande ou le reste de l’industrie.

Néanmoins, cela aurait des répercussions considérables, car des milliers de puces pour semi-conducteurs sont intégrées dans ces équipements. Je pense qu’un missile balistique contient quelque chose comme 74 puces. Un seul missile balistique. C’est donc un problème. Évidemment, la concurrence pour des matériaux comme le lithium sur Terre s’intensifie. Donc, si vous n’avez pas votre chaîne d’approvisionnement dans ce domaine et pour toutes les autres choses dont vous avez besoin, il vous sera très difficile d’être un leader dans la course à l’espace. Mais ce sont tout simplement les lois de l’économie, comme c’est le cas pour l’industrie automobile. Je ne sais pas si vous avez vu, mais les Allemands ont réussi un coup de maître récemment. Martin Schulz est allé en Argentine et a dit: «Arrêtez d’envoyer tout votre lithium en Chine pour sa transformation. Nous allons construire vos usines pour vous; en échange, vous nous donnerez une garantie sur le lithium.» C’est l’une de ces choses tellement évidentes une fois réalisées. Donc, oui, ils ont besoin de l’approvisionnement pour les mêmes raisons que nous avons tous besoin des différentes chaînes d’approvisionnement ici sur Terre.

David Brett

D’ailleurs, cela fait une bonne transition pour la dernière question. Quelles avancées technologiques sont nécessaires pour rendre l’exploration spatiale plus accessible et plus durable?

Tim Marshall

L’amélioration de l’accessibilité est déjà en cours. Nous avons discuté de la miniaturisation de différentes choses. Il y a des carburants plus efficaces, il y a les fusées réutilisables, il y a l’idée de panneaux solaires dans l’espace. Tout cela est durable et réduit les coûts. Mais malheureusement, je pense que nous devons traverser cette période durant laquelle une industrie n’est pas très respectueuse de l’environnement avant de devenir respectueuse de l’environnement. On peut prendre l’exemple des voitures électriques. Un constructeur automobile doit avoir généré suffisamment de profits avec des voitures à essence avant de pouvoir investir dans des voitures électriques, qui polluent également, on le sait, mais pas autant. Puis les constructeurs se concentrent sur l’amélioration de l’efficacité et cette transition se fait. L’industrie spatiale, je pense, devra en passer par là.

David Brett

Tim, j’ai juste une dernière question. À votre avis, quand pensez-vous que des lancements dans l’espace réguliers pour emmener des gens sur la Lune, qui passeront quelques semaines là-bas et rapporteront des matières premières, seront une chose banalisée plutôt qu’un évènement d’intérêt médiatique?

Tim Marshall

Pas durant cette décennie. Au cours de cette décennie, nous verrons de plus en plus de gens très riches qui iront dans l’espace et, espérons-le, en reviendront. Comme l’a dit Elon Musk: «Je veux mourir sur Mars, mais pas à l’impact.» Vingt, trente ans. Je pense que même c’est un peu optimiste. Je ne vois pas comment il pourrait être possible de rendre le tourisme spatial de masse économiquement viable au cours des 20 prochaines années. Mais il faut se souvenir de Kitty Hawk, du Flyer One des frères Wright, le bien nommé, qui a décollé en 1903 si je me souviens bien. Et environ 35 ans plus tard, plus d’Américains voyageaient en avion qu’en train. Depuis ce décollage à Kitty Hawk, 35 ans plus tard, des millions et des millions de personnes. Donc, tout peut arriver. Si des avancées technologiques importantes sont réalisées, alors, oui, bien sûr, les années 2030. Sinon, pas avant les années 2040.

David Brett

Et je suppose que si vous vendez plus de livres, vous serez sur Virgin Galactic très bientôt.

Tim Marshall

Si vous êtes prêts à me prêter cet argent sur 50 ans, en fait, non il ne me reste pas autant de temps. Oui, je vous rembourserai dans 30 ans.

David Brett

Parfait. C’est d’accord. Tim Marshall, merci beaucoup pour votre participation.

Tim Marshall

Merci.


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