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Analyses
Sans prospérité, point de prospérité commune
Au mois d’août 2021, en pleine crise du Covid, le président chinois ressuscite une expression datant de 1953 : la prospérité commune. Avec ce slogan, Xi Jinping veut promouvoir un modèle de développement économique plus équitable, sans écart de richesse conséquent.
Par Kévin Net, Gérant, Responsable Pôle Asie
Alors que la Chine a connu la plus forte croissance du nombre de centimillionaires des 10 dernières années, ce message de Pékin est perçu comme une nouvelle attaque des plus riches, entrepreneurs pour la plupart. Le secteur technologique semble particulièrement ciblé, lui qui subit déjà des pressions règlementaires depuis l’annulation de l’introduction en Bourse d’Ant Financial en 2020, d’entraves multiples et d’innombrables amendes infligées aux entreprises. La réponse du secteur privé à cette prospérité commune ne se fait pas attendre : création d’organismes de charité, participation au financement de projets publics, création par les géants de l’internet Tencent et Alibaba de fondations dotées chacune de 100 milliards de yuans… Freinées dans leurs ardeurs expansionnistes, les entreprises chinoises se concentrent alors sur la gestion de leurs coûts et leur réorganisation structurelle.
Ce que la Chine avait sans doute sous-estimé, c’est l’importance du secteur privé pour son économie, que résument 4 chiffres : 60/70/80/90. Le secteur privé représente environ 60% du PIB chinois, 70% de sa capacité d’innovation, 80% de l’emploi urbain et 90% de la création d’emplois. En cherchant à juguler le secteur privé, la Chine a fragilisé son économie, déjà impactée par la pandémie et les sanctions américaines. La crise de confiance qui s’installe en Chine touche le secteur privé, les consommateurs, inquiets pour leur emploi, et les investisseurs, le secteur privé représentant 70% du MSCI China.
En septembre 2024, Pékin change de discours. Alors que les autorités se portent au chevet de l’économie avec un plan d’actions monétaire, bancaire, immobilier, budgétaire et boursier, elles n’oublient pas de souligner l’importance du secteur privé. En janvier 2025, c’est Deepseek, la réponse chinoise à ChatGPT, qui remet le secteur privé au cœur de la stratégie nationale. DeepSeek prouve la capacité d’innovation de la tech chinoise en dépit du ralentissement économique et des entraves domestiques et étrangères. Cette révélation est d’autant plus significative que d’autres la suivent, avec l’annonce du partenariat d’Alibaba et Apple sur l’IA ou celle de BYD sur la conduite autonome. Le symposium que préside Xi le 17 février réunit la crème des entrepreneurs chinois, fondateurs de groupes incontournables, Tencent, Xiaomi ou Alibaba, et de startups comme DeepSeek ou Unitree Robotics. Prosper first for common prosperity, le message qu’il envoie est clair : pour contribuer à la prospérité commune, Pékin doit les laisser s’enrichir. Pour joindre l’acte à la parole, un projet de loi interdit les amendes arbitraires infligées aux entreprises privées et le régulateur approuve le rachat des activités de streaming de JOYY par Baidu, refusé en 2020. Les rumeurs parlent même d’un retour de l’introduction en Bourse d’Ant Financial, qui serait alors un puissant signal.
Ce retour en grâce du secteur privé a été salué par les investisseurs, comme en attestent la hausse de 15% du MSCI China depuis début 2025 (près de 40% sur un an) et celle de 30% de l’indice tech chinois HSTech sur la même période. Alors que le marché attendait désespérément un sauvetage de l’économie chinoise par des mesures de stimulus, le seul stimulus nécessaire à la Chine est sans doute de laisser le secteur privé libre.
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