Début 2023, les investisseurs étaient toujours inquiets du niveau d’inflation et des conséquences des politiques monétaires restrictives sur la croissance. Beaucoup d’entre eux avaient donc réduit leur poche actions en début d’année pour renforcer leurs expositions sur les marchés obligataires dans le contexte de hausse de taux qui prévalait alors.

Par Anthony Bailly et Vincent Iméneuraët, Gestionnaires

 

Les marchés actions affichent finalement une forte progression en 2023. Comment l’expliquer?

Anthony Bailly

Les actions affichent la meilleure performance au sein des classes d’actifs sur l’année avec une progression de 18,6% pour l’Eurostoxx contre 3,3% pour le monétaire, 7,2% pour les obligations souveraines et 8,2% pour les obligations d’entreprises(1).

Tout au long de l’année, la consommation a tenu, surtout aux États-Unis, soutenue par l’emploi, et ce malgré le resserrement des conditions de crédit. Si la résilience de l’inflation core(2) a amené les investisseurs à douter d’août à octobre, la confirmation d’une accélération de la baisse de l’inflation sur le dernier trimestre a crédibilisé le scénario de soft landing(3) : les investisseurs ont alors intégré le fait que la Fed allait réussir son pari de réduire l’inflation tout en préservant la croissance. Cela s’est traduit par une baisse de plus de 100bp du taux 10 ans US qui est passé de 5 % en octobre à moins de 4 % en fin d’année(4). Le discours plus accommodant de la Fed lors du FOMC(5) de décembre a validé ce scénario, conduisant le marché à anticiper désormais six baisses de taux pour 2024. Autrement dit, nous sommes passés en quelques semaines d’un scénario « higher for longer(6) » à un scénario de baisse des taux directeurs par la FED dès le mois de mars prochain.

Cela a bénéficié aux marchés d’actions qui ont fortement rebondi depuis début novembre pour clôturer l’année sur des points hauts historiques. La baisse des taux en fin d’année a par ailleurs entrainé une inflexion positive sur les flux avec un retour encore timide des investisseurs sur les actions. Au final, dans un contexte de résilience de l’économie, les actifs risqués ont joué leur rôle et il était donc opportun d’être exposé aux actions.

Comment s’est comporté le style Value dans ce contexte?

Vincent Imeneuraët

Nous avons déjà évoqué la corrélation historique qui existe entre la performance relative du style Value et le niveau des taux.

Après une nette surperformance depuis 2021, le style Value a souffert de la forte volatilité des taux en 2023. Après avoir sous-performé en début d’année, touchant un point bas lors de la crise bancaire en mars(7), il a bénéficié du discours «higher for longer» des banques centrales qui lui a permis de surperformer de façon significative entre les mois de juin et septembre. En fin d’année, la forte baisse des taux l’a de nouveau largement pénalisé. La performance du style Value a finalement terminé en hausse de +17,4%, soit un peu moins d’un point en dessous de l’indice(8).

Si le retour de l’inflation et la forte hausse des taux depuis les points bas de 2020 ont permis au style Value de surperformer, ce dernier n’a pas progressé à hauteur de ce que l’on aurait pu espérer vu l’ampleur du rebond sur les taux. Cela s’explique notamment par la sous-performance du pan cyclique de la Value qui a souffert des craintes de récession que laissaient présager le retournement des indicateurs avancés et le resserrement des conditions de crédit. Si l’on rajoute à cela les difficultés de la Chine, certains secteurs comme celui des matières premières au sens large ont été particulièrement pénalisés.

Où en sommes-nous des niveaux de valorisations et des attentes de croissance bénéficiaire?

Malgré ce rebond de fin d’année, la valorisation des marchés actions européens reste très attractive avec un P/E(9) de 12,8x. Ceci reste inférieur à la médiane historique des 20 dernières années qui est de 13,1x. Si l’on s’intéresse à l’écart de valorisation entre style, celui-ci est particulièrement marqué: le style Value affiche un niveau de valorisation de 9,1x, proche de ses points bas historiques alors qu’à l’opposé le style Croissance(10) à 20,4x est proche de ses points hauts(11). Autrement dit, si la baisse des taux doit provoquer comme attendu une revalorisation des actions, il semble déjà avoir été intégré du côté du style Croissance, mais pas du tout du côté du style Value. Nous sommes d’autant plus confortables avec la valorisation des secteurs Value que le niveau d’attente sur la croissance des résultats est très faible. Ainsi, si l’on s’intéresse aux trois secteurs les moins bien valorisés (Automobile, énergie et banques), les attentes de croissance d’EPS(12) pour 2024 sont comprises entre -5% pour l’automobile et +4% pour l’énergie. Ceci est à comparer à une attente de croissance globale des résultats pour le marché européen de 6%. A l’opposé, sur les trois secteurs les mieux valorisés (Biens de consommation, technologie et la santé), les croissances d’EPS attendues sont comprises entre 10 et 13%(13).

La faible valorisation couplée à des attentes modestes de croissance des résultats rendent donc le style Value particulièrement attractif en ce début d’année, d’autant qu’au cours des 12 dernières saisons de publication, la Value a surpris à la hausse dans une proportion supérieure à celle de la croissance.

Quel environnement anticipez-vous pour 2024?

Concernant la croissance économique, il faut reconnaître que l’on a eu de bonnes surprises tout au long de l’année, surtout aux États-Unis où l’emploi commence à ralentir mais où on observe toujours des hausses de salaires réels, ce qui soutient la consommation malgré le fait que les ménages américains aient largement puisé dans leur surplus d’épargne. Il sera néanmoins difficile de tenir le rythme de croissance que l’on a connu en 2024. Cette dernière était de plus de 4,9% en rythme annualisé au troisième trimestre(14). Pour autant, le scénario d’un simple ralentissement de la croissance, soutenu par un assouplissement des conditions de crédit nous paraît crédible.

En Europe, Il semble que l’on soit proche du point bas sur l’activité. On le voit notamment sur les indices PMI(15) qui semblent avoir touché des points bas tant sur la partie manufacturière que sur la partie services, mais aussi au niveau des indices de surprise économique, dont le momentum est bien orienté depuis trois mois. Là encore, la baisse de l’inflation redonne du pouvoir d’achat aux ménages, ce qui devrait permettre d’avoir une croissance faible ou dans le pire des cas une récession technique. La situation reste compliquée en Chine, mais on observe des signes d’amélioration notamment sur les ventes au détail, et les prix dans le secteur immobilier se stabilisent. Un plan de relance très attendu pourrait aider l’économie à rebondir.

Sur l’inflation, il nous semble que le marché anticipe un retour trop rapide vers l’objectif de 2% des banques centrales. Les forces inflationnistes nouvelles sont là (transition climatique, démondialisation notamment), et même si le pic est derrière nous, la baisse de l’inflation core ne devrait être que progressive, d’autant que sa composante services semble bien ancrée dans le temps. Ainsi, l’anticipation de six baisses de taux par la Fed dès l’an prochain nous paraît un peu trop optimiste de la part des investisseurs, à moins que l’économie américaine bascule brusquement en récession marquée, ce qui n’est pas notre scénario.

Comme nous l’avons déjà indiqué, le style Croissance nous semble avoir déjà intégré dans ses multiples ces baisses de taux. En ce sens, il nous semble à risque face à l’incertitude qui pèse encore sur le rythme de baisse de ces taux. A contrario, ce n’est pas le cas pour le style Value, notamment pour son pan cyclique qui intègre lui un ralentissement de l’économie. C’est ce pan qui devrait le plus bénéficier d’un scénario de soft landing si celui-ci devait se matérialiser.

Comment s’est comporté le fonds en 2023 et quel est le positionnement en ce début d’année?

R-co Conviction Equity Value Euro s’est bien comporté, affichant une surperformance de 50 pdb sur son indice de référence malgré la sous performance du style Value. Cette performance s’explique par une bonne sélection de titres, notamment dans les secteurs de l’alimentation/ boisson, de l’énergie et de la distribution.

Nous conservons nos surpondérations sur les secteurs de l’énergie et des banques pour lesquels les fondamentaux nous paraissent toujours solides, et dont la valorisation et le rendement par les dividendes sont particulièrement attractifs. L’environnement de soft landing devrait lever les incertitudes qui pèsent encore sur les niveaux de valorisation. C’est très clairement le premier levier de performance. S’agissant du second levier, à savoir l’évolution des croissances bénéficiaires, les attentes sont très faibles. L’impact décalé des évolutions de taux et l’assouplissement du crédit devraient permettre aux banques de surprendre de nouveau à la hausse. S’agissant de l’énergie, le maintien d’un niveau d’activité économique satisfaisant côté demande, et la ferme volonté de l’Arabie Saoudite de maintenir des prix élevés côté offre, devraient soutenir les cours du baril.

Nous avons également renforcé en fin d’année certaines valeurs cycliques comme Arcelor Mital dont les révisions de résultat reflètent déjà une dégradation significative de l’activité économique.

Conscients que le pic des taux est derrière nous, nous avons également renforcé nos positions sur les secteurs dont la valorisation avait été fortement impactée par la hausse des taux comme l’immobilier ou des services publics. Sur notre pilier défensif, nous conservons également une surpondération sur le secteur des télécoms: la hausse des marges combinée à la baisse des investissements (Fibre, 5G) devraient permettre au secteur d’améliorer sa génération de FCF(16).

Nous restons en revanche à l’écart des secteurs de croissance (biens de consommation et technologie notamment) qui nous semblent avoir déjà intégré la normalisation en cours des taux d’intérêt, et dont les attentes ne sont pas immunes à quelques déceptions.

Dans l’environnement de taux normalisé qui se profile, les biais de style devraient être moins marqués. La sélection de titres en fonction de thématiques transverses (baisse des taux, intégration d’un scénario de ralentissement économique…) devrait en revanche prendre tout son sens, et devenir le principal vecteur de performance pour l’année 2024.

Achevé de rédiger le 3 janvier 2024

(1) Source : Bloomberg, Décembre 2023.
(2) (hors alimentation et énergie).
(3) Atterrissage en douceur.
(4) Source : Fed, décembre 2023.
(5) Federal Open Market Committee.
(6) Plus élevés pour plus longtemps.
(7) Source : Bloomberg, 15/12/2023.
(8) Source : Rothschild & Co Asset Management 15/12/2023
(9) Source : Morgan Stanley Earnings Tracker Price Earning : ratio cours sur bénéfices.
(10) L’investisseur privilégiant le style « croissance » se focalise principalement sur le potentiel de croissance des bénéfices des sociétés en espérant que la croissance du chiffre d’affaires
et des résultats soit supérieure à celle de son secteur ou à la moyenne du marché.
(11) Source : Bloomberg, 15/12/2023.
(12) Bénéfice Par Action.
(13) Source : Goldman Sachs Global Investment Research, Factset, “European Weekly Kickstart du 15/12/2023.
(14) Source : Bloomberg, 21/12/2023.
(15) Indice des directeurs d’achat, indicateur reflétant la confiance des directeurs d’achat dans un secteur d’activité. Supérieur à 50 il exprime une expansion de l’activité, inférieur à 50, une contraction.


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