Le marché du crédit en euro offre des opportunités aux gérants actifs disposant d'un processus éprouvé et de capacités étendues d'analyse de données.
Malgré sa relative maturité, le crédit reste une classe d’actifs relativement inefficiente qui offre aux investisseurs actifs de nombreuses opportunités de surperformer les indices de référence. La question est de savoir comment saisir ces opportunités. La gestion active alliée à une philosophie d’investissement prudente a le potentiel de générer de solides performances ajustées du risque.
Comment extraire la valeur du crédit
Examinons les inefficiences des marchés du crédit qui en font un terrain de chasse potentiellement propice aux investisseurs actifs.
Tout d’abord, le crédit reste essentiellement un marché de gré à gré, offrant moins de transparence que les actions par exemple. Même si l’innovation dans le domaine du trading obligataire se poursuit à un rythme soutenu, il faudra probablement encore quelques années avant que la majorité des transactions sur instruments de taux soient réalisées sur des marchés réglementés.
Ensuite, les plus gros acheteurs sur le marché du crédit en termes de volume (à savoir les compagnies d’assurance) ont des horizons d’investissement longs: ils achètent habituellement des obligations correspondant aux flux de trésorerie de leur passif et les conservent jusqu’à l’échéance. La vente d’une obligation peut fragiliser cet équilibre actif/passif et les plus ou moins-values réalisées avant l’échéance de ce type de titres peuvent avoir des implications fiscales pour les assureurs. La rigidité des portefeuilles des assureurs et des autres investisseurs «buy-and-hold» représente une opportunité pour les gérants actifs : ils peuvent réagir de manière plus agile aux changements de valorisations et de fondamentaux des entreprises émettrices.
De même, certains investisseurs sont contraints par des directives internes ou imposées par leurs clients qui les obligent à vendre des obligations en cas de changement dans leur profil de notation. Par exemple, si une obligation est dégradée de BBB à BB, certains investisseurs sont alors forcés de la vendre à un moment qui pourrait s’avérer plus tard être un point bas dans la qualité de crédit de l’entreprise (et un point haut dans ses niveaux de spreads).
Les banques centrales exercent aussi une influence directe et indirecte. Dans le sillage de la crise financière, les banques centrales du monde entier ont activement acheté de grandes quantités d’obligations, souvent sans même tenir compte de leurs prix. Cela profite aux investisseurs actifs qui sont plus exigeants lorsqu’il s’agit d’évaluer la valeur relative des obligations sous-jacentes. Alors que les banques centrales ont resserré leur politique monétaire et ont, dans certains cas, interrompu leurs programmes d’achat d’obligations, la détérioration des conditions économiques qui se profile à l’horizon pourrait les amener à intervenir de nouveau sur les marchés obligataires.
Enfin, la tendance est à l’investissement passif dans le domaine obligataire. Les investisseurs passifs cherchent ainsi à reproduire l’exposition aux indices de référence sous-jacents avec un coût minimal. Mais ce faisant, ils peuvent s’exposer à certaines entreprises, non pas sur la base de leur qualité fondamentale de crédit, mais souvent en fonction du volume d’obligations émises par ces sociétés. Cela conduit également à des anomalies de valorisation des obligations d’un point de vue fondamental, offrant ainsi aux investisseurs actifs de nouvelles opportunités d’extraire de la valeur relative.
Générer de «l’alpha prudent»
Alors, comment les investisseurs actifs peuvent-ils construire des portefeuilles d’obligations d’entreprises libellées en euros qui surperforment sur l’ensemble d’un cycle?
La réponse est simple: avec diligence.
«Nous aimons dire que nous générons un alpha prudent», déclare Jeroen Potma, directeur des investissements pour l’équipe Euro Credit chez Loomis Sayles, un affilié de Natixis Investment Managers, «ce qui signifie que nous sommes prudents et très attentifs à la gestion du risque».
Le profil rendement-risque du crédit est asymétrique: si les investisseurs réalisent régulièrement des gains modestes, ils sont exposés à des pertes considérables en cas de défaillance d’une entreprise dont ils détiennent des obligations.
Ce risque idiosyncratique a convaincu Loomis de mettre l’accent sur des niveaux élevés de diversification dans les portefeuilles que la société gère. En pratique, cet objectif est atteint en limitant les déviations de ces portefeuilles – en termes de bêta – par rapport à leurs indices de référence à l’échelle globale, des secteurs et des émetteurs. Le bêta global de ses portefeuilles se situe entre 70% et 130% par rapport à leurs indices de référence. Au niveau sectoriel, les portefeuilles ne s’écartent pas de plus de 5% par rapport à leur indice de référence. Et s’agissant des émetteurs, les déviations individuelles par rapport à l’indice de référence ne dépassent pas 3%[1].
Et Potma d’ajouter: «Construire ces portefeuilles à bêtas structurellement élevés, comme le font certains de nos concurrents, peut créer une volatilité significative dans les profils de performance et dans l’ampleur avec laquelle ces portefeuilles peuvent surperformer leurs indices de référence respectifs. De notre côté, nous cherchons à limiter la volatilité et à obtenir une surperformance plus régulière et plus prévisible. Il est important de noter que nous n’essayons pas de générer de l’alpha via le positionnement en duration. Nous cherchons plutôt à capter les mouvements des spreads de crédit. Par conséquent, nous gérons la duration de nos portefeuilles afin qu’elle soit très proche de celle de leurs indices de référence respectifs.»
Grâce à l’utilisation d’instruments dérivés, l’équipe veille à ce que les portefeuilles aient la même duration que leurs indices de référence respectifs.
Une surperformance attribuable à la valeur relative
Outre la vue top-down sur les marchés du crédit qui permet de déterminer le niveau de risque avec lequel l’équipe souhaite gérer ses portefeuilles, l’équipe Euro Credit cherche également à générer de l’alpha en s’appuyant sur son analyse fondamentale bottom-up des entreprises et de valeur relative.
Selon Potma, la structure de l’équipe Euro Credit de Loomis Sayles joue un rôle important dans sa capacité à générer de l’alpha. Tout d’abord, elle mène toute sa recherche crédit en interne. Ensuite, contrairement aux structures traditionnelles d’équipes d’investissement, les gérants de portefeuille sont aussi des analystes/ spécialistes sectoriels.
«En fusionnant ces fonctions, on obtient un niveau d’adhésion aux décisions qui n’est pas toujours possible dans la configuration traditionnelle qui distingue les gérants des analystes. Dans ce dernier type d’organisation, les analystes soumettent des idées aux gérants dans l’espoir que certaines d’entre elles soient retenues», explique Jeroen Potma. Au sein de l’équipe Euro Credit de Loomis Sayles, tous les gérants de portefeuille sont responsables de la génération, de la mise en œuvre et du suivi de leurs idées de transaction.
La recherche crédit comprend notamment une analyse du modèle économique et de la stratégie de l’entreprise, de la qualité de son équipe de direction, de son profil de liquidité, de la solidité de son bilan et de son positionnement concurrentiel au sein de son secteur. La stratégie de l’entreprise pour rester dans la course et se développer dans des économies qui mettent davantage l’accent sur la durabilité est également évaluée. Les analyses ESG sont réalisées par les spécialistes sectoriels au sein de l’équipe Euro Credit.
«Nous considérons l’ESG comme un facteur clé à analyser pour évaluer la qualité de crédit d’une entreprise», explique Jeroen Potma. «Comme nos spécialistes sectoriels discutent avec les entreprises de leur stratégie et de leurs indicateurs financiers, ils sont également dans une position idéale pour parler de manière pertinente de leurs performances ESG.»
Si l’équipe Euro Credit de Loomis Sayles est à l’aise avec la qualité de crédit fondamentale d’un émetteur, l’étape suivante du processus d’investissement consiste à déterminer quelles obligations ou quels instruments de dette de cette entreprise offrent les meilleures performances ajustées du risque. À ce stade, l’équipe cherche par exemple à savoir si les investisseurs sont suffisamment rémunérés, en termes de surcroît de spread, pour allonger certaines échéances ou pour passer d’une obligation senior à un instrument plus subordonné.
Le ratio d’information est notre principal indicateur pour mesurer l’efficacité de notre processus d’investissement « alpha prudent »», explique Jeroen Potma. «Si nous faisons les bons choix d’investissement, notre ratio d’information peut s’avérer exceptionnel.» Un ratio d’information élevé résulte d’une génération d’alpha combinée à une tracking error relativement limitée.
Le crédit est avant tout une question de données
Loomis Sayles est convaincue que la gestion et l’analyse des données constituent une brique essentielle de l’objectif de l’organisation : générer pour ses clients une solide performance ajustée du risque. Cela a conduit au développement d’une plateforme propriétaire d’analyses de données en temps réel baptisée In2!. La plateforme In2! fournit aux équipes d’investissement les outils personnalisés nécessaires à une gestion efficace et active des portefeuilles des clients.
La plateforme In2! est d’une grande valeur pour l’équipe Euro Credit. Cette plateforme lui a permis de créer plusieurs applications propriétaires qui soutiennent son processus d’investissement et sa capacité à générer de l’alpha dans un segment des marchés de capitaux qui s’accompagne d’une énorme quantité de données.
Ces applications permettent par exemple à l’équipe de visualiser leurs portefeuilles sous de nombreux angles, tout en favorisant la génération d’idées de transactions et en fournissant de nouveaux outils pour la gestion des risques. En outre, la plateforme In2! facilite le stockage des informations et de la recherche produites par l’équipe.
«Nous nous concentrons sur la performance ajustée du risque. Nous avons massivement investi dans nos systèmes d’information et dans notre infrastructure de données afin de donner à nos gérants de portefeuille les meilleures chances de générer de l’alpha», explique Jeroen Potma.
La plateforme technologique soutient également les analyses ESG de l’équipe et lui permet de proposer à ses clients des rapports ESG personnalisés.
Objectifs de performance et perspectives de marché
L’équipe Euro Credit de Loomis Sayles se fixe un objectif de surperformance de 75 à 125 points de base par an sur l’ensemble d’un cycle[2], fonction de l’indice de référence sous-jacent (par exemple, investment grade ou high yield) et des restrictions liées à l’ESG.
Jeroen Potma est convaincu que l’approche «alpha prudent» devrait être considérée comme une composante essentielle de toute allocation en crédit. «Si vous souhaitez éviter un risque excessif dans la classe d’actifs crédit, l’approche « alpha prudent » a du sens. Personne ne vous en voudra si votre performance est légèrement inférieure à celle d’un gérant au profil plus risqué dans un contexte de marché haussier. Mais en cas de marché baissier, vous serez beaucoup mieux protégé contre les risques de perte. Cependant, pour ceux qui sont optimistes sur la classe d’actifs, il peut être judicieux d’ajouter un gérant à bêta plus élevé parallèlement à une allocation à la stratégie «alpha prudent».
En effet, il se pourrait à l’avenir que les rangs des partisans du crédit s’étoffent. Les obligations d’entreprises en euros offrent maintenant des rendements considérablement plus élevés que ceux des dernières années. «Le crédit ne constitue pas encore un achat évident, mais compte tenu des niveaux actuels des spreads et des rendements, il est peut-être temps de mettre fin à votre sous-pondération», conclut Jeroen Potma.
Achevé de rédiger en novembre 2023.
[1] Données au 16/11/2023
[2] Donnée au 16/11/2023
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