Des marchés des capitaux sains reposent sur une économie, une société et un environnement sains. L'interdépendance entre l'économie, l'environnement et la société est évidente, et le débat sur le changement climatique se concentre souvent sur des aspects spécifiques de la durabilité, tels que la réduction des émissions de CO2, la transition vers les énergies renouvelables ou la préservation de la biodiversité. Mais il est temps d'adopter une approche plus globale, qui considère la préservation de la nature comme un élément essentiel.
Par Jenn-Hui Tan, Chief Sustainability Officer
La perte de la nature et du capital naturel inhérent est l’un des risques les plus graves de la prochaine décennie. De plus en plus de surfaces terrestres et marines sont rendues utilisables ou exploitées. Cette pratique est responsable de plus de 50 pour cent des dégradations des écosystèmes dans le monde. Par exemple, plus de 80% des eaux usées mondiales sont déversées dans l’environnement sans traitement, ce qui constitue une autre menace sérieuse pour les océans.
Tout dépend de la nature
Toute activité économique dépend de la nature. Elle fournit de nombreux «services» essentiels, comme la pollinisation des plantes ou la fourniture d’eau propre. On estime que plus de 50% du PIB mondial dépendent de la nature à un degré moyen ou élevé. Inversement, cela signifie que plus la nature est endommagée, plus les risques financiers pour l’économie et les marchés financiers augmentent. Les investisseurs ont donc l’obligation de prendre en compte ces risques dans leurs processus d’investissement et d’analyse.
Pour lutter efficacement contre la perte de nature, les acteurs des marchés financiers doivent comprendre à la fois les synergies et les interactions possibles entre le climat et la nature. Soyons clairs: l’objectif net zéro n’est pas possible sans préservation de la nature.
La perte de nature et le changement climatique sont donc liés, mais il existe aussi des opportunités : les analyses de la Global Commission on Adaptation montrent que des investissements mondiaux de 1,8 billion de dollars US dans cinq domaines cibles liés à la nature pourraient générer un bénéfice économique total de 7,1 billions de dollars US entre 2020 et 2030. Il s’agit par exemple de systèmes d’alerte précoce, d’infrastructures résilientes au climat, d’une production agricole respectueuse de l’environnement dans les régions sèches, de la protection des mangroves à l’échelle mondiale ou de projets visant à rendre les sources d’eau plus résistantes.
Des investissements pour éviter la perte de nature sont déjà possibles
Le Programme des Nations unies pour l’environnement estime que 8,8 billions de dollars d’investissements seront nécessaires d’ici 2050 pour respecter les engagements internationaux. On entend par là des investissements dans la protection de la nature directement, mais aussi dans des applications, processus ou autres qui l’aident. Actuellement, seuls 146 milliards de dollars américains sont investis chaque année et les capitaux privés ne représentent que 17% du total. En revanche, dans le domaine de la protection du climat, plus de la moitié des investissements proviennent déjà du secteur privé. Il y a donc un écart considérable à combler.
Aujourd’hui, il existe déjà de nombreux instruments financiers et classes d’actifs alternatifs qui financent les entreprises ayant des pratiques respectueuses de la nature. Il s’agit par exemple d’obligations durables, de swaps de dette pour la nature, d’obligations bleues ou des marchés en croissance constante des crédits carbone et biodiversité. Les stratégies d’investissement thématiques durables dans la biodiversité, l’eau, les déchets ou les solutions climatiques gagnent également en importance. Comme on le voit, les possibilités pour les investisseurs de s’engager dans le domaine de la conservation de la nature sont multiples. Quel que soit leur choix : Réorienter les flux financiers des activités nuisibles à la nature vers des activités de conservation permet d’obtenir de meilleurs résultats financiers, environnementaux et sociaux à long terme pour les investisseurs et la société dans son ensemble.
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