Après un été en deux temps pour les marchés d’actions et des incertitudes qui demeurent sur l’orientation future des politiques monétaires, de fortes divergences émergent selon les zones. Que retenir des derniers mois écoulés et comment appréhender cette fin d’année?
Par Didier Bouvignies, Associé-Gérant & Directeur des gestions
Depuis le 30 juin dernier, les marchés d’actions mondiaux sont quasiment stables en monnaies locales et progressent de l’ordre de 2% grâce à l’appréciation du dollar(1). Avec, dans un premier temps, une hausse jusqu’à début août tirée par les résultats des entreprises, suivi d’une hausse de taux qui a engendré une baisse assez nette et une inversion de la courbe des taux(2). Désormais, le taux réel américain flirte avec les 2%(1). Les publications aux États-Unis ont surpris positivement, alors qu’en Europe l’environnement macroéconomique se caractérise par une stagnation de l’activité et une récession en Allemagne. En Chine, les données publiées ont mis en lumière une baisse notable de la confiance des industriels et un taux d’inflation négatif. Enfin, la hausse du prix du baril de pétrole est venue pénaliser les marchés. Dans ce contexte, les investisseurs ont privilégié les placements monétaires.
Alors comment expliquer, une telle divergence entre les nouvelles macroéconomiques aux États- Unis et en Europe? Si la dynamique de l’emploi, de part et d’autre de l’Atlantique, reste positive bien qu’en ralentissement. C’est principalement le comportement des consommateurs qui diffère. L’épargne accumulée durant la période Covid-19 sera bientôt totalement consommée aux États-Unis quand, en Europe, (et en Chine d’ailleurs) les ménages ont préféré la préserver maintenant, de surcroît, un taux d’épargne au-delà de sa moyenne historique. Cette divergence explique les différences de perspectives de croissance entre les deux zones mais également de la Chine. Autre indicateur, la confiance des chefs d’entreprises dans les secteurs manufacturier et des services ont continué à se détériorer davantage en Zone euro qu’aux États-Unis.
Concernant l’inflation, là encore, l’analyse diverge selon les zones. L’inflation core(3) aux États-Unis a fortement décéléré et, si l’on soustrait la composante liée au crédit immobilier, les niveaux observés au cours des trois derniers mois sont particulièrement rassurants, de l’ordre de 2%(4). En revanche, en Zone euro, l’inflation s’établit à 5,3% à fin août(5), c’est-à-dire, stable par rapport au mois précédent. Cette tendance est renforcée par les hausses de salaires qui ne ralentissent pas, contrairement aux États-Unis. En parallèle, la hausse des taux, historique par son ampleur, commence à exercer son effet, comme on peut l’observer sur la dynamique du marché du crédit. Les données d’inflation et de croissance placent donc les banques centrales dans une situation délicate, en les contraignant à maintenir, malgré tout, des politiques restrictives. L’inversion de la courbe, précède généralement une récession. Toutefois, la situation pourrait différer cette fois-ci, en raison notamment des niveaux de taux extrêmement bas précédents les fortes hausses initiées depuis 2022. Les données macroéconomiques, plutôt favorables aux États-Unis, abondent en ce sens alors que la situation européenne incite à davantage de prudence.
La situation en Chine est très différente du reste du monde. La reprise en main par les autorités chinoises face un « excès de libéralisme », conjointement à la mauvaise gestion de la crise Covid ont entravé la relance de l’économie et le rebond observé au premier trimestre a rapidement été avorté. Le moral des chefs d’entreprise décélère nettement et flirte avec la contraction. Les prix à la consommation ont fait une incursion en territoire négatif. Hors énergie et matières premières alimentaires, ces derniers atteignent péniblement 1 %(6). La crise immobilière s’intensifie avec la chute de grands promoteurs nationaux alors que la baisse des échanges commerciaux se confirme. En outre, face à l’endettement du pays, équivalent à près de trois années de PIB, les autorités monétaires se trouvent entravées dans leur action et semblent privilégier une certaine prudence en conservant une marge de manœuvre, si jamais la situation venait à se détériorer davantage. Néanmoins, certains éléments de soutien tendent à offrir des perspectives plus positives dans les mois à venir et la forte correction de marché observée dernièrement permettent désormais de profiter de niveaux de valorisation particulièrement attrayants au sein de la zone.
Dans cet environnement, nous pouvons actuellement envisager trois scénarii pour les prochains mois. Le premier, le no landing(7)», intègre que l’inflation ne ralentit pas, les revendications salariales se renforcent et la pause des banques centrales n’est que temporaire. Cette configuration aboutit à un environnement défavorable pour les obligations comme pour les actions, qui souffrent de la hausse des taux. Ensuite, le hard landing(8)», qui sous-tend que la contraction constatée dans l’industrie se diffuse rapidement aux services et s’ajoute à la décroissance dans le secteur de la construction et aux freins budgétaires. En conséquence, les actions souffrent et les rendements obligataires baissent. Dernier scénario, le «perfect landing(9)», au sein duquel l’inflation est maitrisée sans engendrer de casse sur la croissance. La baisse de l’inflation redonne ainsi du pouvoir d’achat aux ménages, permettant une amélioration graduelle de la conjoncture mondiale en 2024 et la détente monétaire. La forte inversion de la courbe des taux ne permet toutefois pas de générer des performances significatives sur les parties longues. Les actions profitent, quant à elle, de la croissance mais les marges sont sous pression avec une moindre capacité à reporter la hausse des salaires dans les prix. Les actions progressent donc légèrement.
Force est de constater que si peu d’intervenants croient à ce dernier scénario, le marché américain semble y accorder une crédibilité croissante. Pour notre part, nous considérons que les espoirs de gains sur les actions sont limités, avec une prime de risque du marché américain au plus bas depuis 23 ans, justifiant une exposition en-dessous des références. D’autant que les autres classes d’actifs obligataire et monétaire offrent du portage sur le moyen terme pour le premier et du rendement dans l’attente d’opportunité pour le second.
Achevé de rédiger le 18 septembre 2023
(1) Source : Bloomberg, 31/08/2023.
(2) Représentation graphique des rendements des titres obligataires en fonction de leurs différentes échéances. Dans un environnement économique stable, sans pression inflationniste et endettement excessif, les taux d’intérêt vont croissant avec la date d’échéance des titres obligataires.
(3) Hors alimentation et énergie.
(4) Source : U.S. Bureau of Labor Statistics, septembre 2023.
(5) Source : Eurostats, septembre 2023.
(6) Source : National Bureau of Statistics of China, septembre 2023.
(7) Absence d’atterrissage.
(8) Atterrissage brutal.
(9) Atterrissage parfait
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