Les gilets jaunes en France, «Occupy Wall Street» ou «indignez-vous» sont autant de mouvements sociaux marquants de ces dernières années. Ils montrent à quel point les frustrations existent dans un monde qui s’accélère et se globalise. Ils sont le reflet d’inégalités grandissantes.

Source : Banque mondiale, XO Investments SA

Une des meilleures manières d’appréhender les inégalités de revenu au sein d’un pays est de calculer le coefficient de Gini. Cet indicateur permet de comparer la distribution des revenus par rapport à l’égalité parfaite. Ce coefficient est compris entre 0 et 1.

Source : Banque mondiale, Eurostat, XO Investments SA

Plus le chiffre est proche de 1, plus la répartition des revenus est inégalitaire. A l’extrême avec un coefficient de 1, correspondrait à une seule personne qui détiendrait tous les revenus. Plus le chiffre sera proche de 0, plus la répartition sera égalitaire avec à l’extrême tous les individus avec un revenu identique. Même si cet indicateur est théorique et ne facilite pas la perception du niveau d’inégalité, il permet une comparaison spaciale ou temporelle.

Ainsi au niveau international apparaissent de claires différences. Les pays du nord de l’Europe sont les pays les plus égalitaires alors que les pays africains ou sud américains sont les plus inégalitaires. Les Etats-Unis figurent entre l’Argentine et la Côte d’Ivoire, et derrière l’Iran. Deux pays plus proches que l’on croyait l’un de l’autre…

Source : FMI, Banque mondiale, XO Investments SA

En terme temporel les inégalités ont grandement évolué au cours des dernières décennies. Alors qu’en Europe elles ont eu tendance à se réduire, en particulier entre les années 1960 et la fin des années 1990, aux Etats-Unis elles ne cessent de progresser depuis les années 50.

Ces inégalités sont à mettre en regard avec la part du revenu national versée au travailleur. Cette part a eu tendance, dès le début des années 1980 à se réduire. En 1980 elle s’établissait à environ 65% du PIB, elle n’est plus que de 55% en 2018. Ceci correspond à une augmentation des salaires moins rapide que la productivité. Ainsi une part plus importante de la productivité est allouée au revenu du capital. Et dans la mesure où le capital est majoritairement détenu par les plus hauts revenus, les mesures d’inégalités, comme le coefficient de Gini, se détériorent.

Source : Economic Policy Institute.

Le FMI dans son rapport annuel sur les perspectives de l’économie mondiale1, établit que c’est le cas non seulement dans les pays développés mais également dans les pays émergents. La Chine, malgré ses efforts a vu sa part des revenus des travailleurs diminuer de 3 points en 20 ans.

Aux Etats-Unis, une autre manière de le constater est de mesurer la différence entre la productivité cumulée depuis 1948 et la comparer aux augmentations de salaire réel.

Compte tenu d’une croissance plus faible qu’auparavant, le FMI fait le constat que la croissance n’a pas été largement partagée, ce qui a accentué le refus de l’intégration économique, le soutien aux politiques protectionnistes, y compris dans les pays les plus avancés.

Statistiquement la relation entre inégalité (mesurée par le coefficient de Gini) et la part du travail dans la répartition des revenus s’établit donc avec force depuis 30 ans.

Le début de cette croissance des inégalités est à relier avec le début des politiques néo et ultra-libérales mises en places au début des années 1980 aux Etats-Unis (par Reagan) et en Grande-Bretagne (par Thatcher) mais également par l’apparition de la technologie. Selon le FMI près de la moitié du déclin de la part du travail est le fruit de la technologie (rapidité de circulation de l’information, télécommunications, automatisation par l’informatique,…). La mondialisation (ou participation aux chaînes de valeurs mondiales – CVM) explique un quart de l’effet.

Même si ces effets combinés de la technologie et de la mondialisation expliquent 75% de la baisse de la part de travail dans les pays avancés, ils permettent dans les pays émergents de sortir de la pauvreté des millions de personnes.

Le FMI note que les travailleurs les plus touchés par cet appauvrissement sont les travailleurs moyennement qualifiés qui voient leur travail, soit automatisé, soit délocalisé vers des pays à plus faibles coût.

Même si la technologie et la mondialisation ont été les catalyseurs du développement économique des 20 dernières années, ils n’en créent pas moins de nombreux challenges. La baisse de la part des revenus octroyés aux travailleurs représente la plus criante conséquence. Cette baisse est le principal facteur des inégalités de revenus constatées ces dernières décennies et à coup sûr le plus important défi à venir.

 

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