L'utilisation accrue de l'intelligence artificielle (IA) nécessitera la construction d’un nombre important de centres de données et augmentera considérablement la consommation d'électricité. Les énergies renouvelables peuvent fournir une grande partie de l'énergie requise, mais des sources capables de répondre en permanence à la demande, comme le gaz naturel, seront toujours nécessaires, étant donné l'intermittence de l'énergie éolienne et solaire.

Par Mannat Chopra, Equity Analyst et Alex Monk, Portfolio Manager

 

Mannat Chopra

L’intelligence artificielle (IA) entraîne une augmentation majeure de la demande d’énergie. Les centres de données qui fournissent les capacités de calcul et de stockage nécessaires au développement, à l’entraînement et au déploiement de modèles d’IA consommeront beaucoup plus d’énergie à mesure que les applications d’IA seront plus largement utilisées. Répondre à cette demande croissante d’énergie présente de nombreux défis. Cela peut expliquer pourquoi Sam Altman, le PDG d’OpenAI, a décrit l’énergie comme la «partie la plus difficile» pour satisfaire la demande de calcul de l’IA.

Alexander Monk

Les centres de données utilisaient de plus en plus d’énergie avant même l’explosion de l’intérêt pour les capacités de l’IA générative. De 2012 à 2023, la demande d’énergie des centres de données a augmenté à un taux de croissance annuel composé (TCAC) de 14%, dépassant de loin la croissance de 2,5% de la demande totale d’électricité au cours de la même période. Une grande partie de cette croissance de l’utilisation de l’électricité dans les centres de données au cours de cette décennie a été alimentée par l’augmentation de la production et de l’analyse de données, ainsi que par le passage au cloud computing, les entreprises ayant déplacé leur stockage de données et leur puissance de calcul hors de leurs locaux vers des centres de données.

Désormais, l’IA augmentera de manière encore plus spectaculaire la quantité d’électricité dont les centres de données ont besoin. Lorsque les modèles d’IA sont en phase d’entraînement, apprenant à faire des prédictions et à prendre des décisions en fonction des données qui leur ont été fournies, ils consomment six fois plus d’énergie que les utilisations informatiques non basées sur l’IA. Dans la «phase d’inférence», lorsque les modèles d’IA entraînés tirent des conclusions à partir de nouvelles données et requêtes, ils consomment toujours deux à trois fois plus d’énergie que les charges de travail traditionnelles.

Une augmentation majeure de la capacité est nécessaire pour alimenter l’IA

Pour répondre à la demande croissante d’énergie des centres de données, il est nécessaire d’augmenter considérablement la capacité mondiale à produire et à transmettre de l’énergie.

Les plus grandes entreprises technologiques du monde dépensent des milliards de dollars pour ajouter une capacité d’alimentation critique afin d’augmenter leur capacité à former et à développer des modèles d’IA. Ces entreprises – qu’on appelle les «hyperscalers» en raison de leur capacité à faire évoluer l’infrastructure informatique à des niveaux pouvant répondre à la demande massive de services de cloud computing, de stockage de données et maintenant de capacités d’IA – comprennent Google, Microsoft, Amazon, Meta (Facebook), Apple et Alibaba.

Le cabinet d’études SemiAnalysis estime que la capacité informatique critique – c’est-à-dire la puissance totale disponible pour faire fonctionner les serveurs, les périphériques de stockage et les équipements réseau (en dehors des utilisations non informatiques comme l’éclairage et le refroidissement) – dans les centres de données du monde entier passera de 49’000 mégawatts en 2023 à 96’000 mégawatts d’ici 2026. (Voir Figure 1.)

2024.06.27.Critical IT power 1

Cette augmentation de la capacité électrique critique représente un TCAC de 25% au cours des trois prochaines années, dépassant à nouveau de loin le taux de croissance annuel de 13% observé entre 2014 et 2023. Les charges de travail de l’IA constitueront 85% de cette croissance future. Comme l’illustre la Figure 2, de nombreux hyperscalers seront proches de doubler leur capacité.

2024.06.27.Critical IT power 2

L’augmentation de la capacité à l’échelle mondiale proviendra non seulement des gains d’efficacité et de l’expansion des centres existants, mais aussi de la construction de nouveaux centres de données.

Un engagement en faveur d’une consommation d’électricité durable

Les sources d’énergie renouvelables comme l’éolien et le solaire joueront un rôle essentiel pour répondre à la demande accrue de puissance de calcul, alors que les pays s’efforcent d’atteindre les objectifs de l’Accord de Paris en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les hyperscalers occidentaux ont également leurs propres objectifs ambitieux en matière de décarbonation.[1]

  • Google vise à n’utiliser que de l’énergie sans carbone 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 d’ici 2030.
  • Amazon prévoit d’alimenter ses opérations avec 100% d’énergie renouvelable d’ici 2025. La société vise également des émissions nettes de carbone nulles d’ici 2040.
  • Meta (Facebook) a réduit les gaz à effet de serre émis par ses opérations de 94% depuis 2017. Elle l’a fait principalement en alimentant ses centres de données et ses bureaux avec de l’énergie 100% renouvelable.
  • Microsoft vise à couvrir toute sa consommation d’électricité par des achats d’énergie zéro carbone d’ici 2030. Elle prévoit également d’éliminer, d’ici 2050, tout le carbone qu’elle a émis depuis la création de l’entreprise en 1975.
  • Apple fait désormais fonctionner tous ses magasins, centres de données et bureaux dans le monde entier avec de l’électricité 100% renouvelable, dont environ 90% proviennent de sources renouvelables créées par Apple. La société y est parvenue grâce à des contrats d’achat d’électricité (PPA) à long terme avec certaines centrales d’électricité renouvelable et par des prises de participations dans d’autres installations d’énergie renouvelable ou la propriété directe de telles installations.

L’intermittence de l’énergie solaire et éolienne pose un défi

Les centres de données sont gourmands en énergie et fonctionnent 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Étant donné que le vent et le soleil sont des sources d’énergie intermittentes, il est devenu évident que les centres de données ne peuvent pas être alimentés directement par les seules énergies renouvelables, même lorsque la technologie des batteries est utilisée pour stocker l’énergie produite. (Les batteries présentent également leurs propres difficultés en raison de leurs coûts, de leur durée de vie limitée et de leur faible rendement.)

Les hyperscalers ont résolu ce problème en signant des PPA virtuels avec des développeurs d’énergies renouvelables, dont l’énergie est injectée dans le réseau électrique, qui tire encore une grande partie de son énergie de centrales au charbon ou au gaz naturel. Les centres de données des hyperscalers sont alors alimentés à la fois par des électrons verts et par des gris (provenant de combustibles fossiles). Lorsque le coût de l’électricité du PPA est supérieur à celui du réseau, les hyperscalers paient la différence. Lorsque le coût du PPA est inférieur, ils réalisent des économies.

L’énergie hydraulique ou nucléaire pourrait offrir une alternative à la dépendance aux combustibles fossiles. Mais l’hydroélectricité présente des contraintes géographiques. Quant aux centrales nucléaires, elles posent des problèmes supplémentaires, allant du temps nécessaire à leur construction à la résistance du public aux sites nucléaires. Pour l’instant, le gaz naturel offre l’option la plus viable pour obtenir de l’énergie en complément des sources renouvelables, étant donné qu’il peut fournir de l’énergie à la demande et constitue une alternative beaucoup plus propre que les centrales au charbon.

De multiples obstacles à la création de capacités supplémentaires

Augmenter la capacité de production et de transmission d’électricité en temps opportun, tout en gérant la stabilité globale des réseaux électriques, est un défi qui pourrait ralentir la construction de centres de données et la prolifération de solutions basées sur l’IA. De multiples obstacles supplémentaires sont apparus.

Premièrement, la construction existante de centres de données a déjà un impact négatif sur les réseaux électriques. Cela a amené certains opérateurs de centres de données à suspendre les nouveaux ajouts. En Irlande, où les centres de données utilisent désormais 18% de l’électricité produite dans le pays, aucun nouveau centre ne pourra être connecté au réseau électrique avant 2028. Les Pays-Bas ont limité la construction de nouveaux centres à deux sites, et Singapour a imposé un moratoire de quatre ans sur la construction de nouveaux centres de données.

Deuxièmement, l’adaptation des chaînes d’approvisionnement pour répondre aux grandes ambitions des hyperscalers s’avère difficile. Il y a actuellement une pénurie de transformateurs, ces équipements lourds et complexes qui ajustent la tension de l’électricité afin qu’elle puisse être transportée sur de longues distances et être utilisée à des niveaux sûrs pour les centres de données. Wood Mackenzie, un fournisseur d’analyse de données pour le secteur des énergies renouvelables, estime qu’il faut désormais deux ans pour obtenir un transformateur, contre un an début de 2022. Étant donné que ce défi nécessite une augmentation de la production et non une percée technologique, il pourrait ne s’agir que d’un goulot d’étranglement à court terme.

Troisièmement, le raccordement de la production d’énergie renouvelable au réseau électrique prend également plus de temps en raison de l’augmentation des files d’attente pour le raccordement au réseau. Aux États-Unis, par exemple, il faut maintenant quatre ans pour évaluer l’impact d’une nouvelle centrale d’énergie renouvelable sur le réseau.[2] Les nouvelles centrales nécessitent également de nouvelles lignes électriques pour transporter l’électricité de son lieu de production à son point d’utilisation. Les délais d’ajout de lignes de transmission sont également longs. Au total, compte tenu des trois à quatre ans nécessaires pour l’emplacement et l’autorisation d’un nouveau projet et de trois ou quatre ans supplémentaires pour la construction, l’ensemble du processus de mise en service d’une centrale électrique renouvelable peut prendre jusqu’à six à huit ans. Contrairement aux problèmes de chaîne d’approvisionnement, les retards bureaucratiques de longue date ne peuvent être résolus que par une action menée par le gouvernement. Compte tenu du temps qu’il faut pour réaliser des changements sur ce front, il semble probable que ces goulots d’étranglement persisteront et continueront de limiter la croissance de la capacité.

En réponse à ces défis, les hyperscalers trouvent des solutions alternatives. Une option consiste à acquérir une source d’énergie captive «hors réseau». C’est précisément ce qu’a fait Amazon en achetant un centre de données en Pennsylvanie qui tire son énergie d’une centrale nucléaire voisine.

L’IA peut aider à résoudre le problème qu’elle crée

Il n’est peut-être pas surprenant que l’IA puisse aider à résoudre de nombreux défis associés à la fourniture de l’énergie accrue dont elle a besoin. L’IA n’en étant qu’aux premiers stades de son développement, il est trop tôt pour prédire exactement comment ce scénario se déroulera. Pourtant, il semble fort probable que l’IA aidera à découvrir des moyens de gérer et d’utiliser l’énergie de manière plus efficace et efficiente.

[1] Source : Bernstein, rapports des entreprises

[2] Source : Berkley Lab, Energy Transition Commission

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