Dette, primauté du politique sur le monétaire et souverainisme économique, la Présidence de Donald Trump a accéléré les tendances déjà à l’œuvre avant 2016. Et une éventuelle administration Biden ne reviendra pas sur l’essentiel de ces lignes de force.
Zoom de Wilfrid Galand, Directeur Stratégiste de Montpensier Finance
Quel que soit le résultat des élections présidentielles du 9 novembre prochain, le mandat du 45ème Président des Etats-Unis aura marqué la politique économique américaine de son empreinte par un volontarisme tous azimuts et par son souci d’utiliser l’ensemble des moyens à sa disposition pour atteindre cette fameuse «économie sous haute pression» dont parlait Janet Yellen lorsqu’elle présidait la Réserve Fédérale.
L’utilisation massive du levier fiscal et donc de la dette a été le premier marqueur économique fort de la présidence Trump. Lorsqu’il prend les commandes, en janvier 2017, le déficit budgétaire fédéral est certes déjà un marqueur constant de toutes les administrations depuis la fin de la présidence Clinton en 2000. Mais celui-ci est essentiellement utilisé comme instrument contracyclique, pour relancer l’économie dans une période où la demande est atone et où le chômage est important, à l’image de la situation créée par la crise de 2008.
Rien de tel en janvier 2017: le taux de chômage est de 4,8% lorsque Trump prête serment ! Cela ne l’empêche pas de faire passer le taux d’impôt sur les sociétés de 39% à 26%, de baisser massivement les impôts des particuliers et de faire grimper le déficit budgétaire au-delà de 5% du PIB en 2019, avant l’irruption de la pandémie. Résultat, la dette publique, en décembre 2019, s’élevait déjà à près de 90% du PIB… mais le taux de chômage était au plus bas depuis plus de 50 ans à 3,7% de la population active!
Le recours à la dette est naturel pour Trump, formé à l’école de l’immobilier new-yorkais. Allié à l’allégement systématique des réglementations de toutes sortes, il a permis une nette accélération de la croissance américaine et il devient la norme des pouvoirs publics dans le monde entier avec la pandémie. Même la très rigoureuse Allemagne renonce au «Schwarz Null», le fameux déficit zéro. Trump a ouvert la voie et la fin de la quête de l’argent public «quoiqu’il en coûte» n’est pas pour demain, en particulier aux Etats-Unis où Joe Biden souhaite investir plusieurs trillions de dollars dans un plan de soutien social, d’infrastructures et d’énergies vertes.
Le second marqueur économique de Trump s’est traduit par sa prise de pouvoir sur la FED. Martelant à coups de tweets rageurs la nécessité pour Jerome Powell, son choix à la tête de l’institution de Washington, de soutenir sa politique économique par des taux très bas et des rachats d’actifs toujours plus agressifs, le menaçant à mots à peine couverts de destitution, le Président américain a maintenu une pression constante sur la Fed et l’a quasiment obligé à accentuer de plus en plus son biais accommodant.
Cette perte d’indépendance de fait se retrouve également à la BCE, où Christine Lagarde a profité de la crise pandémique pour affirmer son soutien sans faille à tous les plans de relance budgétaire de la zone euro, sans plus se soucier des susceptibilités de la Bundesbank. La politique budgétaire mène désormais la danse, la politique monétaire suit.
Le troisième volet de l’héritage économique de Donald Trump est le souverainisme. Dès son discours d’investiture, le 20 janvier 2017, le ton était donné: «à partir de maintenant, ce sera «America First»» avait-il martelé à la tribune de Washington quelques minutes à peine après sa prestation de serment. Sa présidence a sonné le glas de l’approche multilatérale et privilégié les rapports de force pour redonner tout son poids aux Etats-Unis, aux prises avec le rival stratégique chinois et à la prééminence commerciale européenne.
Même si une éventuelle présidence Biden serait sans nul doute plus policée et prévisible, en particulier à l’égard des alliés traditionnels européens ou asiatiques, un retour aux pratiques antérieures est très improbable. L’administration Obama avait déjà haussé le ton à l’égard de la Chine dans le cadre de son «pivot asiatique» et le camp démocrate a lancé en septembre dernier un plan «Build in America» qui s’inspire largement des ambitions de Trump en termes de relocalisations industrielles.
Certes, le fonctionnement de l’OMC sera probablement plus facilement revu sous une administration Biden mais la rivalité avec la Chine va perdurer et s’approfondir, poussant à une probable partition du monde et des chaines de valeurs économiques en deux zones rivales, et mettant fin de facto au «monde plat» qui a accéléré le développement uniforme des échanges mondiaux depuis trente ans.
Trump a donc bien changé durablement la donne. Il a insufflé un mouvement de bascule d’un monde d’échanges vers un monde de puissances. Si une nouvelle administration américaine se met en place dans les mois à venir, la qualité de ses relations avec l’Europe sera un déterminant clé pour l’évolution des marchés boursiers européens.
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