A bien des égards, le second mandat de Donald Trump ne ressemble pas au premier. C’est notamment le cas en ce qui concerne la confiance des consommateurs.
Par Enguerrand Artaz, Stratégiste et et Michel Saugné, CIO
En 2016, elle avait connu une accélération sensible après les élections et avait continué de progresser pendant plus d’un an. Aujourd’hui, quelle que soit l’enquête considérée, elle a chuté sur ses plus bas niveaux en 3 ans, voire depuis la pandémie de Covid 19. Il faut dire que les ménages américains sont dans une situation fragile. Ils ont en effet consommé sans discontinuer depuis la levée des mesures de confinements, au point que, pour la plupart, le surplus d’épargne accumulé pendant la pandémie a été intégralement effacé. Pour de nombreux ménages, le niveau d’épargne est même inférieur à celui d’avant covid.
Symbole de cette faiblesse des réserves : dans sa dernière enquête de confiance des consommateurs, la Fed de New York pointait un nombre historiquement faible de ménages se déclarant capables de faire face à une dépense imprévue de 2000$. Cet assèchement des réserves d’épargne d’urgence trouve d’ailleurs un écho dans la situation du marché du travail. En effet, la proportion des travailleurs américains cumulant un emploi à temps plein et un emploi à temps partiel a fortement augmenté ces derniers mois et atteint à présent un niveau jamais vu depuis la fin des années 1990.
Au fond, la consommation aux Etats-Unis tient sur deux piliers. D’une part, les revenus du travail, qu’il est donc de plus en plus nécessaire de cumuler et dont la pérennité pose question dans un contexte de dégradation progressive du marché de l’emploi. De plus, ces revenus risquent d’être affectés par la politique de hausse des tarifs douaniers de Donald Trump, qui même si elle s’avérait temporaire, et n’entrainait pas une nouvelle phase durable d’inflation, n’en impacterait pas moins le pouvoir d’achat réel des consommateurs.
D’autre part, la consommation américaine repose sur l’effet richesse, alimenté notamment, ces dernières années, par la forte hausse des marchés actions. Ce second pilier est lui aussi fragilisé. Alors que les Américains n’ont jamais détenus autant d’actions – 33% du patrimoine net au 4e trimestre 2024 – la dynamique négative des marchés américains depuis le début de l’année risque fort de s’avérer préjudiciable pour le moral des ménages et leur propension à consommer. Cela est d’autant plus vrai que la consommation américaine n’a jamais été autant supportée par les ménages aisés, 50% des dépenses de consommation reposant sur les 10% les plus riches. Or, ce sont aussi les ménages dont le patrimoine est le plus exposé aux marchés actions.
Si le consommateur américain inquiète légitimement, notamment parce qu’il a été le principal moteur de la croissance depuis 2 ans, le consommateur européen est, lui, porteur d’espoir. En effet, contrairement à leurs homologues américains, les ménages européens ont peu consommé l’épargne accumulée pendant la pandémie covid et ont même continué à sur-épargner. Le taux d’épargne, qui représente la part du revenu disponible qui n’est pas utilisé pour la consommation, se situe autour de 15% depuis 2 ans en zone euro, un niveau bien supérieur à sa moyenne des deux décennies pré-covid (12,9%). Cela se comprend: entre conflit en Ukraine, inflation galopante, marasme économique et incertitudes politiques, le consommateur européen avait bien des raisons de déprimer. Et un consommateur qui déprime, c’est un consommateur qui épargne. Toutefois, la plupart de ces vents contraires semblent aujourd’hui en train de se lever et cette amélioration des perspectives pourrait avoir un effet très favorable sur le moral des ménages et par ricochet sur la consommation et donc sur la croissance. Sans même parler d’une utilisation des surplus d’épargne accumulés ces dernières années, un simple retour au taux d’épargne d’avant covid – qui impliquerait donc mécaniquement une hausse des dépenses de consommation – se traduirait par un boost significatif sur la croissance du PIB.
En somme, alors que le consommateur américain ressemble de plus en plus à un funambule dont le filin de sécurité s’effiloche peu à peu, le consommateur européen a tout de l’homme-canon qui a emmagasiné des réserves insoupçonnées de poudre sèche. De quoi envoyer l’Europe au firmament?
Rédaction achevée le 28.03.2025
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