Le nouveau président américain a posé en champion des cryptomonnaies durant sa campagne, et sa victoire a propulsé le bitcoin à des sommets jamais atteints. Avec en plus l’entrée en vigueur du règlement MiCA en Europe, qui propose des règles claires pour l’industrie, les fans de cryptomonnaies veulent croire celle-ci définitivement sortie du marasme où l’avait plongée l’affaire FTX.
Au moment de l’écriture de ces lignes, le bitcoin frôle depuis plusieurs jours le seuil historique des 100 000 dollars, ayant doublé sa valeur depuis début septembre, propulsé par l’enthousiasme des crypto-investisseurs.
Un enthousiasme principalement tracté par la réélection de Donald Trump. Bien accueillie par les milieux d’affaires, elle l’a été plus encore par l’industrie des cryptomonnaies, qui s’attend à l’adoption de politiques favorables sous une administration Trump 2.0. Signe que c’est bien toute l’industrie qui s’emballe : plusieurs grosses sociétés crypto américaines connaissent également une envolée en bourse. Block et Coinbase ont ainsi vu le cours de leur action respective passer de 60 et 160 dollars début septembre à 93 et plus de 300 dollars fin novembre.
Le tournant pro-cryptos de Donald Trump
Jadis sceptique vis-à-vis des cryptomonnaies (il a par le passé qualifié le bitcoin «d’arnaque»), Donald Trump a considérablement infléchi sa position, jusqu’à se faire l’apôtre de celles-ci durant la campagne présidentielle, ralliant à lui une partie de l’industrie. Au milieu de l’été, il s’est exprimé à la conférence Bitcoin 2024, à Nashville, où il a promis de mettre en place un Conseil consultatif du président sur le bitcoin et les cryptos dès sa prise de fonction.
En matière de régulations, Donald Trump a promis une approche très favorable, affirmant notamment que «les règles seraient écrites par des personnes qui aiment votre industrie, plutôt que par ceux qui la détestent.» Le président fraîchement réélu a en outre lancé plusieurs projets de NFTs, et s’est entouré de personnalités pro-cryptos, dont Elon Musk, mais aussi son vice-président, JD Vance. En 2021, ce dernier avait affirmé posséder l’équivalent de 100’000 dollars en bitcoin. Plus tôt cette année, il a fait circuler une feuille de route pour de futures régulations sur les cryptos, dont les détails n’ont pas été rendus publics, mais qui a été décrite par ceux qui l’ont consultée comme favorable à l’industrie.
Un nouveau patron à la SEC
Au-delà des démonstrations d’affection de Donald Trump, quelles sont les bonnes nouvelles qu’attend l’industrie de sa seconde administration? Dès sa prise de pouvoir, le nouveau président a promis quelques mesures symboliques, comme la création d’une réserve fédérale de bitcoin. Mais l’enthousiasme des fans de cryptos repose surtout sur un changement de cap en matière de régulations, avec l’abandon d’une approche perçue comme hostile à l’industrie sous l’administration Biden au profit d’un nouveau paradigme beaucoup plus favorable aux affaires.
Le premier domino devrait être le remplacement de Gary Gensler, le directeur de la SEC, le gendarme de la bourse aux États-Unis. Nommé par Joe Biden, il s’est fait beaucoup d’ennemis parmi l’industrie des cryptos, du fait d’une approche très pro-régulations, orientée principalement vers la protection des utilisateurs contre les arnaques. Sous Gensler, la SEC a commencé à poursuivre en justice les plateformes de négoce spécialisées dans les cryptomonnaies, comme Binance, Coinbase ou Kraken, accusées de mauvaises pratiques. L’agence s’était auparavant contentée de s’attaquer aux entreprises ou particuliers émettant des tokens. Au total, plus de 100 procès contre des sociétés crypto ont été lancés sous sa présidence. S’il a également autorisé le tout premier ETF bitcoin, Gensler est malgré tout perçu par de nombreux acteurs de l’industrie comme un obstacle à sa croissance.
Gary Gensler a annoncé qu’il démissionnerait le 20 janvier prochain. Si l’identité de son remplaçant demeure mystérieuse, plusieurs noms circulent, tous favorables au monde des cryptos. Y figurent Hester Peirce, commissaire républicaine de la SEC, fervente supportrice des cryptomonnaies. Mais aussi Dan Gallagher, un ancien de la SEC passé chez Robinhood, une application de courtage qui propose des cryptomonnaies. Ou encore Christopher Giancarlo, qui s’est surnommé lui-même le «Crypto Dad» ( «Papa Crypto»). Étant donné les choix iconoclastes qu’a jusqu’à présent effectué le nouveau président pour composer son cabinet, il n’est toutefois pas exclu qu’il nomme plutôt un entrepreneur ou un homme d’affaires proche des cryptomonnaies plutôt qu’un vieux routard familier des couloirs de Washington, comme Elon Musk ou l’ex-candidat à l’investiture républicaine Vivek Ramaswamy.
Pour diriger le Département du Trésor (l’équivalent du ministère de l’Économie américain), Trump a choisi Scott Bessent, un financier connu pour ses positions pro-cryptos, dont la nomination constitue donc un autre signe très positif pour l’industrie.
Le choix de Donald Trump pour diriger l’IRS (les impôts) sera également suivi de près par les amateurs de cryptos.
Une atmosphère favorable aux cryptomonnaies
Mais au-delà des nominations spécifiques, l’industrie s’attend à une approche générale davantage partisane du laisser-faire et favorable aux entreprises, ce qui génère beaucoup d’enthousiasme. «Il y a un sentiment général d’optimisme, la sensation qu’il va être possible d’expérimenter, de déployer de nouveaux projets aussi vite que possible, là où, au cours des dernières années, la tolérance au risque était très faible, par crainte du régulateur», affirme Hermine Wong, anciennement à la SEC et désormais conseillère juridique pour les start-ups du web3 et des cryptoactifs.
Disposer d’une feuille de route claire quant au niveau de régulation pour les années à venir est selon elle particulièrement importante pour l’industrie. «Jusqu’à présent, les entrepreneurs du milieu crypto étaient freinés dans leurs initiatives par la perspective de voir les régulations changer d’un seul coup, puis d’être poursuivis en justice et de devoir investir des fonds considérables pour leur défense. Cette crainte s’est désormais évaporée.»
En Europe, le règlement MiCA lui aussi bien accueilli par l’industrie
D’autant que l’élection de Trump s’inscrit dans un contexte général favorable aux cryptomonnaies. De l’autre côté de l’Atlantique, le règlement MiCA doit entrer en application le 30 décembre prochain. Plutôt bien accueilli par l’industrie, il fournira un cadre et des règles claires pour opérer sur le Vieux Continent, sans que les entreprises doivent se soucier d’obéir aux règles spécifiques dictées par chaque État de l’Union.
«Aujourd’hui, si vous êtes une entreprise qui souhaite proposer une offre autour des cryptomonnaies en Europe, vous devez veiller à vous conformer aux lois en vigueur dans chaque pays, certains ayant des régulations assez souples, comme l’Italie et l’Espagne, d’autres draconiennes, comme l’Allemagne. Vous êtes donc contraint de vous battre sur plusieurs fronts.
En outre, chaque fois que l’un de ces pays vous demande de modifier l’une de vos procédures ou une étape de votre parcours client, vous êtes contraint d’appliquer ce changement à tous les pays où vous opérez, puisque le principe du numérique est de proposer un parcours unique aux clients, où qu’ils se trouvent. C’est un vrai casse-tête pour les entreprises, que MiCA va permettre de résoudre», décrypte Émilien Bernard-Alzias, avocat associé au cabinet Simmons & Simmons, spécialiste en réglementation des services financiers.