Le changement climatique pourra-t-il être freiné si les pays s’unissent pour mettre en œuvre des politiques collectives?

Par Reto Cueni, Chief Economist et Veronika Stolbova, Senior ESG Analyst

 

Quel est le lien entre la géopolitique et le changement climatique?

Reto Cueni

Le changement climatique a été en grande partie causé par la révolution industrielle et la transition énergétique du passé. Les ressources exploitées à cette époque ont façonné le paysage géopolitique d’aujourd’hui. Aujourd’hui, bon nombre des pays qui ont utilisé ces ressources à base de carbone sont confrontés au choix de freiner ou d’exacerber le changement climatique par leurs politiques et leurs actions. Toutefois, les tensions géopolitiques et les préoccupations en matière de sécurité énergétique qui en découlent auront une incidence sur ces choix. La question demeure: le changement climatique pourra-t-il être freiné si les pays s’unissent pour mettre en œuvre des politiques collectives? Ou bien sera-t-il oublié dans la lutte géopolitique et les pays devront-ils faire face aux conséquences du réchauffement climatique au niveau national, leurs contribuables étant contraints de payer la facture des catastrophes naturelles et du réchauffement climatique?

Le changement climatique façonne les relations entre les pays

Veronika Stolbova

Le changement climatique cause des dommages et a un impact sur les ressources directement par le biais de phénomènes météorologiques extrêmes et de catastrophes naturelles, mais aussi de manière indirecte, par ses effets sur l’économie et les marchés financiers. Par exemple, lorsque les sécheresses sont plus nombreuses dans certaines régions, les ressources alimentaires se raréfient pour la population locale (effet direct). Ce phénomène entraîne également une baisse du niveau des voies navigables, comme le canal de Panama et le Rhin, ce qui complique le transport des marchandises et a des répercussions négatives sur l’économie (effet indirect). À l’inverse, le changement climatique peut permettre d’accélérer les voies de transport, car les voies d’eau autrefois bloquées par les glaces deviennent navigables à mesure que le climat mondial se réchauffe. La route maritime du Nord en est un exemple. Le changement climatique entraînera probablement aussi une augmentation des migrations. Bien que l’on s’attende à ce que la plupart des migrations se produisent à l’intérieur des frontières nationales, les migrations transfrontalières devraient également augmenter. Cela aggravera inévitablement les pressions géopolitiques et les tensions aux frontières nationales.

Une «dissimulation» du climat dans les politiques industrielles?

Bien entendu, les pays peuvent utiliser le changement climatique pour justifier la poursuite de politiques commerciales qui visent en fait à protéger leurs industries nationales de la concurrence étrangère. Les gouvernements ont souvent recours à des subventions pour leurs producteurs nationaux et imposent des barrières commerciales et des droits de douane, comme la récente décision de l’administration Biden de quadrupler les droits de douane sur les véhicules électriques chinois. Le changement climatique pourrait-il devenir un déguisement pour des politiques commerciales protectionnistes? Si c’est le cas, cela freinera probablement à la fois le rythme de la transition verte et son ampleur, car toute restriction de l’accès aux produits à bas prix aura tendance à augmenter le coût total de la transition. Les données de l’année dernière montrent que les gouvernements ont cité «l’atténuation du changement climatique» comme facteur contribuant à près de 30 % de leurs politiques industrielles visant à protéger l’industrie nationale, les économies avancées utilisant principalement cette argumentation. La question se pose inévitablement de savoir si les gouvernements font réellement des efforts pour freiner le changement climatique ou s’ils l’utilisent simplement comme un «masque» derrière lequel ils cherchent à dissimuler leurs impulsions protectionnistes.

«Comment nos impôts seront-ils dépensés?»

Les politiques fiscales qui prévoient des fonds destinés à l’atténuation du changement climatique risquent d’être remises en question à l’avenir. Compte tenu de l’attention portée actuellement à la géopolitique, il est probable qu’une partie de l’argent ne sera pas utilisée pour atteindre les objectifs climatiques, mais plutôt pour améliorer la sécurité et la défense nationales. L’Europe est un cas particulier, car l’UE pourrait relier ces deux éléments. Une économie moins dépendante des combustibles fossiles peut réduire la vulnérabilité géopolitique et la dépendance énergétique de l’UE. Mais même dans ce cas, les dernières élections parlementaires européennes montrent que les électeurs se détournent des questions «vertes» au profit de la sécurité nationale et de l’immigration.

Les changements d’équilibre et l’émergence de la multipolarité

L’abandon d’une économie fondée sur les combustibles fossiles au profit d’une infrastructure électrifiée entraînera également un rééquilibrage des pouvoirs entre les pays exportateurs de combustibles fossiles et ceux qui extraient ou raffinent les métaux et les minéraux nécessaires à la transition écologique. Toutefois, le besoin de combustibles fossiles ne disparaîtra pas soudainement au cours de cette transition, car le monde dépend encore des combustibles fossiles pour plus de 80 % de ses besoins énergétiques. Outre la lutte pour la domination entre la Chine et les États-Unis, nous assisterons probablement à une nouvelle augmentation de la multipolarité mondiale, combinée à la rareté des ressources. Les États riches en ressources (notamment celles nécessaires à la transition verte) pourraient devenir des «swing states» qui oscillent entre l’OTAN-Ouest et la Chine-Russie-Est. Cela pourrait conduire à la réapparition de guerres par procuration qui déstabiliseraient davantage les pays faiblement gouvernés qui disposent d’importantes ressources.

Que faut-il surveiller et que faut-il faire en tant qu’investisseur?

Dans le contexte actuel, les investisseurs devraient suivre de près l’évolution du paysage politique, comme les dernières élections en Inde et au sein de l’UE, ou les prochaines élections américaines, et voir comment elles pourraient modifier la dynamique de la transition écologique par rapport à d’autres priorités politiques telles que la sécurité nationale et frontalière ou la politique industrielle. Au cours de cette période de transition, les investisseurs doivent tenir compte à la fois du besoin permanent de combustibles fossiles pendant la transition et des avantages à long terme d’être investis dans des secteurs qui en bénéficieront pendant des décennies. Les développements géopolitiques à court mais aussi à long terme façonneront la transition. Pour les investisseurs qui cherchent des solutions à l’épreuve du temps pour leurs portefeuilles, il semble qu’il n’y ait pas d’autre solution que de continuer à mettre l’accent sur des investissements à l’épreuve de la transition.

 

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