«Simply Put», la chronique hebdomadaire de l'équipe Multi Asset Group de Lombard Odier Investment Managers

Par Aurèle Storno, CIO et Florian Ielpo, Head of Macro

 

Les points à retenir:

  • Le retour de D. Trump à la maison blanche marque la poursuite d’une sortie d’une ère de libre-échange.
  • L’entrée de la China dans l’OMC a vu les salaires chinois progresser et le rendement du capital reculer.
  • Depuis 2018, ces tendances semblent s’essouffler et la présidence Trump 2.0 pourrait prolonger cette situation.

Aurèle Storno

La future présidence de Donald Trump continue d’alimenter les discussions dans le monde de l’investissement. L’accroissement des droits de douane constitue un élément important du programme du «president-elect», et c’est probablement l’un des points les plus redoutés par le monde de l’investissement. Plus récemment, on a pu lire ici ou là des scénarios 2025 qui s’appuient sur une application nuancée de ceux-ci – son ambition ne serait que de «strike deals» et non d’implémenter des mesures de façon aveugle, ses talents de négociateurs étant mis en avant plus que son potentiel entêtement. Aussi captivant que puissent être ces débats, il nous semble qu’ils passent à côté d’un point essentiel: il n’est désormais plus permis d’anticiper un retour vers le libre échange pour la décennie à venir. Ce libre échange si critiqué par les partis populistes ces dernières années a pourtant des qualités que l’on connait depuis longtemps, qu’il s’agisse de réduction des écarts de richesse entre pays ou de rentabilité du capital – du moins dans certains cas. Que peut-on dire des conséquences structurelles de la fin du libre-échange, notamment pour les des pays émergents?

HOS forever

Florian Ielpo

Celles et ceux d’entre nous qui ont étudié l’économie dans les 80 et 90 en ont fait les frais: les théories du commerce international constituaient une part importante du programme de tout cursus d’économiste, et parmi ces théories, celle de Hecksher et Ohlin, reprise par Samuelson (HOS) en constitue un élément central. Pourtant, ni Hecksher ni Ohlin n’ont eu le loisir de contempler le libre échange autant que cette génération qui a étudié leurs théories. Dans les années 30, ces deux économistes reprennent une vieille théorie appelée «théorie des avantages comparatifs» de David Ricard (XIXeme siècle) et lui font franchir un cap décisif: celui de la compréhension de la dynamique du prix des facteurs de production lorsque deux pays se lancent dans le libre-échange. La version courte de cette théorie est simple à comprendre : imaginons un pays détenant en abondance du capital (bon marché) mais manquant de main d’œuvres (chère) commerçant avec un pays dans la situation symétrique. Si ces pays font tomber leurs barrières tarifaires et commercent librement, ce que HOS prédit c’est que le pays avec main d’œuvre abondante va se spécialiser dans la production de biens intensif en main d’ouvre et l’autre dans la production de biens intensifs en capital. Ce faisant, le prix du travail du premier et la rentabilité du capital dans le second progressent, égalisant les disparités initiales.

On dispose de peu de cas d’école d’application de cette théorie, mais le cas US-Chine pourrait bien en faire partie. Depuis l’entrée de la Chine dans l’OMC en 2001, le taux de croissance de ses salaires a largement progressé, alors que la rentabilité de son capital (son facteur rare) a reculé. Coté Etats-Unis c’est le globalement le contraire qui s’est produit: la croissance des salaires a ralenti alors que la rentabilité du capital a su se maintenir en termes réels. On le constate très clairement sur la figure 1 qui couvre la période 2001-2014: le libre-échange a contribué à réduire les disparités séparant les deux économies. Evidemment, les effets sont bien plus spectaculaires côté chinois, et ne sont pas uniquement le fait du libre-échange. Quoi qu’il en soit, la Figure 1 présente des graphiques qui ne contredisent pas les prédicats de cette théorie du premier XXème siècle.

2024.12.13.Chine USA
Figure 1. Croissance des salaires (gauche) et taux réels (droite)
Source : Bloomberg, LOIM. Calculs au 04.12.2024

Ce que la fin du libre-échange pourrait signifier

Globalement, la grande leçon de cette expérience de 20 ans de libre-échange, c’est qu’il a permis à certains pays en développement de combler en partie leur différentiel de niveau de vie avec les pays du G10. La sortie du libre-échange pourrait ainsi interrompre un processus de convergence attendu de la plupart des économistes dits «classiques» et mettre un terme à un processus de près d’un quart de siècle.

Inutile de parler de cette situation au conditionnel: ce processus a d’ores et déjà commencé et on le constate sur la Figure 2. Entre 2001 et 2018, le ratio entre le PIB par habitant en Chine et aux Etats-Unis est passé de 2% à 16%, soit une réduction considérable des écarts de revenu par habitant entre ces deux pays. Les Etats-Unis n’en ont pas spécialement pâti : leur revenu par habitant est passé de 37k à 60k par habitant, soit un doublement sur la période. Pour comparaison, celui de la zone euro est passé de 20k à 39k sur la même période. Depuis 2018 et l’imposition des premières barrières tarifaires, ce processus de convergence semble s’être interrompu. Le point clef ici est de constater que derrière les angoisses que les investisseurs nourrissent pour le court terme se cache une situation structurelle qui compose notre quotidien désormais depuis cinq ans: une convergence EM/DM plus lente qui devrait être un facteur structurant pour la décennie à venir – avec des conséquences en termes d’investissement qui pour le moment restent incertaines.

2024.12.13.PIB Chine USA
Figure 2. PIB par habitant en Dollar et ratio entre PIB par habitant entre Chine et Etats-Unis
Source : Bloomberg, LOIM. Calculs au 04.12.2024

Ce que cela signifie pour All Roads

L’allocation actuelle de notre «mix» All Roads favorise actuellement le crédit émergent aux dépends de notre allocation aux actions émergentes. Il nous semble que ce positionnement affiche une certaine cohérence avec cette tendance structurelle à une convergence plus lente entre pays développés et pays émergents: si cette tendance ne met probablement pas à mal la solvabilité des pays émergents et donc les perspectives du crédit, elle pourrait potentiellement peser sur les perspectives de croissance des résultats des actions des indices émergents. Nos allocations possèdent cependant la flexibilité nécessaire pour revisiter ce positionnement de façon opportuniste au gré des tendances de marché.

Pour dire les choses simplement, la sortie du libre-échange pourrait peser négativement sur la convergence entre pays développés et émergents.

Coin macro/prévision immédiate

Cette section rassemble l’évolution la plus récente de nos indicateurs de nowcasting pour la croissance mondiale, les surprises en matière d’inflation mondiale et les surprises en matière de politique monétaire mondiale. Ces indicateurs permettent de suivre les évolutions macroéconomiques les plus récentes qui font bouger les marchés.

Nos indicateurs de nowcasting indiquent actuellement:

  • Nos indicateurs de croissance soulignent de façon constante l’environnement de reprise en cours, avec 57% des données montrant des améliorations au cours du mois dernier.
  • On observe un changement notable dans nos signaux d’inflation: alors qu’auparavant les surprises d’inflation étaient à la fois positives et en augmentation, elles sont maintenant positives mais en diminution, ce qui est de bon augure pour les obligations d’État.
  • La politique monétaire devrait maintenir son orientation accommodante dans toutes les régions analysées. Aux États-Unis, les derniers communiqués du Comité fédéral de l’open market (FOMC) corroborent les indications fournies par nos indicateurs.

2024.12.13.Croissance mondiale
Prévisions de croissance mondiale : évolution à long terme (à gauche) et récente (à droite)

 

2024.12.13.Inflation mondiale
Prévisions actuelles de l’inflation mondiale : évolution à long terme (à gauche) et récente (à droite)

 

2024.12.13.Politique monétaire
Prévisions actuelles de la politique monétaire mondiale : évolution à long terme (à gauche) et récente (à droite)

 

Note de lecture : l’indicateur de prévision immédiate de LOIM rassemble différents indicateurs économiques à un moment précis, afin de déterminer la probabilité de survenance d’un risque macroéconomique donné, comme la croissance, les surprises en matière d’inflation et les surprises en matière de politique monétaire. Les indicateurs en temps réel vont de 0% (croissance faible, surprises en matière d’inflation modérées et politique monétaire accommodante) à 100% (croissance forte, risque élevé de surprises en matière d’inflation et politique monétaire restrictive).

Source : Bloomberg, LOIM


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