Nées avec l’essor du cloud et le besoin des entreprises de gérer une complexité croissante en matière de données, ces sociétés tirent désormais les bénéfices de la ruée vers l’intelligence artificielle.

Peu nombreuses sont les entreprises à pouvoir aujourd’hui faire l’impasse sur l’intelligence artificielle (IA). De la santé aux transports, en passant par l’énergie et la finance, elle est aujourd’hui partout. Les algorithmes d’intelligence artificielle tirent leur puissance des innombrables quantités de données générées à l’ère numérique, qui circulent dans les systèmes d’information des entreprises. Afin de mettre ces données au service de l’IA, un type d’acteurs intermédiaires et spécialisés s’impose de plus en plus : les professionnels du big data, qui ont fait de la gestion des masses de données et de leur exploitation au service de cas business concrets leur spécialité.

Des entreprises comme Snowflake et Databricks, toutes deux fondées dans la Silicon Valley, respectivement en 2012 et 2013, sont nées d’un constat. Alors que les entreprises commençaient à migrer une partie de leurs données vers le cloud, elles devaient gérer une complexité croissante. Jadis stockées uniquement dans des serveurs sur site, les données se trouvaient désormais également sur un ou plusieurs clouds différents, mais aussi dans des applications virtuelles conçues pour tourner sur le cloud. Dans ce contexte, ces sociétés ont émergé comme des prestataires permettant aux entreprises de conserver facilement la maîtrise de leurs données, afin d’éviter qu’elles se perdent et soient fragmentées.

Jackpot pour Snowflake et Databricks

Or, IA rimant avec données, ces entreprises sont actuellement en plein essor. Lors de son événement Data + AI Summit à San Francisco il y a quelques semaines, Databricks a annoncé qu’il s’attendait à franchir les 2,4 milliards de dollars de chiffre d’affaires annuel au cours du premier semestre de son exercice fiscal, soit une augmentation de 60% d’une année sur l’autre.

Fin mai, Snowflake rapportait également des résultats trimestriels mirobolants. Avec un chiffre d’affaires de 789,6 millions de dollars au premier trimestre 2024, la société californienne fondée par deux Français enregistre un taux de croissance de 34% d’une année sur l’autre. Des résultats portés par l’intérêt croissant des clients pour l’IA, selon ces entreprises. «L’IA générative est au cœur des conversations que nous avons avec nos clients, ce qui met l’accent sur l’adoption d’une stratégie des données susceptible de préparer l’avènement de ces technologies», déclarait ainsi Frank Slootman, alors CEO de Snowflake (il a depuis été remplacé par Sridhar Ramaswamy), lors d’un échange avec des investisseurs en novembre dernier.

Teradata, une société rivale également basée dans la Silicon Valley, affichait de son côté au premier trimestre un chiffre d’affaires en hausse de 35% d’une année sur l’autre.

L’IA générative a le vent en poupe parmi les entreprises

Car les entreprises sont de plus en plus nombreuses à se ruer sur l’IA générative, espérant découvrir une poule aux œufs d’or en exploitant leurs données à l’aide des algorithmes. «Nous avons récemment mené une enquête avec la MIT Technology Review et 81 % des DSI, CTO, CDO et leaders technologiques ont déclaré qu’ils s’attendaient à ce que l’IA augmente l’efficacité de leur secteur d’au moins 25 % au cours des deux prochaines années. Un tiers d’entre eux ont déclaré que le gain serait d’au moins 50 %», confie Samuel Bonamigo, SVP et GM EMEA chez Databricks.

Les investissements dans l’IA générative atteignent ainsi des sommets: de 16 milliards de dollars en 2023, ils devraient passer à 160 milliards d’ici à 2027, comme l’a révélé l’International Data Corporation (IDC), un cabinet d’intelligence de marché, lors du World Tour Paris 24 de Salesforce. Une opportunité majeure pour les sociétés du big data, en tête de ligne pour profiter de cette tendance.

Mais si les dirigeants d’entreprises ont hâte de tirer les bénéfices de l’IA générative, les professionnels de l’IT, eux, sont confrontés au défi technique que représente l’adoption de cette technologie. Une étude réalisée auprès de 600 spécialistes de l’IT en décembre 2023 par Salesforce, en partenariat avec Vanson Bourne, a ainsi montré que 60% d’entre eux jugent excessives les attentes en matière de rapidité et d’agilité dans le déploiement de nouvelles solutions. 88% admettent également être dépassés par le flot de demandes liées à l’IA qui leur est adressé.

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Cap sur l’IA générative

C’est ici que les sociétés du big data ambitionnent de tirer leur épingle du jeu, en fournissant aux équipes techniques les outils adaptés pour construire des applications autour de l’IA générative à partir des données des entreprises. Databricks a très tôt cherché à se positionner sur l’IA. «Databricks travaille dans le domaine des données et de l’IA depuis 11 ans, nous avons donc toujours été particulièrement bien placés pour répondre à la demande croissante en matière d’IA et d’IA générative. Dès le début, nos cofondateurs ont reconnu que l’efficacité de l’IA est fondamentalement liée à la qualité des données sous-jacentes. Notre plateforme d’intelligence des données permet aux organisations de gérer et d’analyser efficacement de grands volumes de données structurées et non structurées, ce qui est crucial pour former, déployer, surveiller et gouverner des modèles d’IA de haute qualité», affirme Samuel Bonamigo. Il affirme que sa société a déjà formé des milliers de modèles d’IA personnalisés pour ses clients, dans des domaines aussi variés que la finance, la santé, la vente au détail et la fabrication.

L’entreprise étoffe progressivement son portefeuille de solutions pour offrir davantage de possibilités à ses clients. En mars 2023, peu après la sortie de ChatGPT, la société a ainsi sorti Dolly, un grand modèle de langage conçu pour permettre à ses clients de construire facilement des applications s’appuyant sur la technologie qui a permis ChatGPT. Databricks a également racheté MosaicML, une startup de l’IA générative. Lors de sa conférence Data + AI Summit, elle a annoncé plusieurs nouveaux produits spécialement conçus pour répondre aux besoins croissants de ses clients en matière d’IA.

À l’automne dernier, Teradata a de son côté introduit un chatbot basé sur l’IA générative pour permettre aux entreprises de facilement visualiser et analyser leurs données.

Si elle ne s’est pas dès le départ positionné sur l’IA, Snowflake en fait désormais également l’un de ses gros arguments de vente. «La plupart de nos clients cherchent aujourd’hui à construire des applications autour de l’IA et nous disent apprécier la possibilité d’utiliser Snowflake pour apporter leurs modèles d’IA directement là où se trouvent leurs données», note Jennifer Belissent, chargée de la stratégie des données au sein de l’entreprise. L’un des mantras de l’entreprise est que «pour avoir une stratégie autour de l’IA, il faut d’abord avoir une stratégie autour des données.»

La société a tissé un partenariat avec Nvidia, maître incontesté des cartes graphiques (GPUs) nécessaires pour entraîner les modèles d’IA générative. Elle a également sorti Cortex AI, son propre grand modèle linguistique. Lors de sa propre conférence annuelle, qui s’est tenue juste avant celle de Databricks à San Francisco, elle a enfin lancé Cortex Fine-Tuning, qui permet d’affiner de grands modèles de langage comme ceux de Meta et de Mistral pour les adapter aux cas business concrets d’une entreprise.

«Tout le monde veut faire de l’IA générative, désormais, c’est la grosse tendance du moment», note-t-elle. «D’ici quelque temps, l’excitation va sans doute un petit peu retomber et l’IA générative devenir un instrument supplémentaire dans la boîte à outils des entreprises, sous la forme d’applications adaptées à des usages bien précis.»

Salesforce et Microsoft veulent mettre l’IA générative au service de chaque employé

Transformer l’IA générative en des outils de bureautique parfaitement intégrés à la routine des travailleurs, telle est justement l’ambition que se sont fixées des entreprises comme Microsoft et Salesforce, à travers leurs produits respectifs que sont Microsoft Copilot (basé sur les algorithmes d’OpenAI, l’entreprise derrière ChatGPT) et Salesforce Einstein. Le logiciel Copilot de Microsoft, qui a investi la bagatelle de 13 milliards de dollars dans OpenAI et obtenu en échange l’usage exclusif de sa technologie, a été intégré à la totalité des produits de l’entreprise (moteur de recherche, système d’exploitation, applications bureautiques et professionnelles, plateforme Azure).

Côté Salesforce, le produit Einstein Copilot offre un accès simplifié aux données CRM via une interface utilisateur intuitive, permettant d’exploiter une variété de modèles d’intelligence artificielle pour répondre à différents cas d’usage dans la gestion d’un portefeuille commercial : faire le point sur un client, répondre à des réclamations, ou encore rédiger un courriel commercial.

Au-delà de ses propres produits, Salesforce a également lancé un fonds d’investissement de 500 millions de dollars dédié à l’IA générative, Salesforce Ventures. Son objectif est de soutenir des entreprises innovantes du monde entier, telles que Mistral AI, Hugging Face, Anthropic et Cohere. La société tire, elle aussi, les bénéfices de la ruée sur l’IA générative. Au premier trimestre 2025, son chiffre d’affaires était en croissance de 11% d’une année sur l’autre, tandis que son CEO, Marc Benioff, parlait des données mises au service des modèles d’IA comme du «nouvel or».  Une ruée vers l’or qui, se concentre de nouveau en Californie.