Emploi, prix de l'énergie et la politique américaine vis-à-vis de la Chine s'invitent dans le champs de vision des investisseurs.

Par Ion-Marc Valahu, CIO

Le rôle de la transition énergétique

Indéniablement, l’économie mondiale souffre de la persistance de goulets d’étranglements dans la chaîne d’approvisionnement provoquant une évidente inflation: énergies, métaux, semiconducteurs, denrées alimentaires, coton… toutes les matières premières sont concernées. Une situation que Powell a même qualifiée de «frustrante» et qui portera l’inflation au-dessus de 2% jusqu’en 2024, obligeant la Fed à revoir son objectif.

La situation du secteur énergétique est révélatrice. A vouloir aller trop vite vers les énergies renouvelables, nous assistons à des pénuries énergétiques et augmentations des prix. Les énergies renouvelables ne sont pas encore disponibles en quantité suffisante pour constituer la principale source d’énergie. De plus, les énergies renouvelables ne peuvent pas encore être stockées (éolien, solaire…) et sont dépendantes des conditions climatiques. Et la «révolution verte» a freiné les investissements dans les secteurs de l’énergie fossile au cours de la dernière décennie. Il semble qu’avec le Pacte Vert, la Commission Européenne ne se soit focalisée que sur le développement des énergies renouvelables sans expliquer comment les Européens vont se chauffer jusqu’à 2050.

A court-terme, ces mêmes goulets d’étranglement dans l’approvisionnement et une augmentation de la demande font augmenter les prix du pétrole, du gaz naturel et du charbon. La tonne de charbon dépasse les 200 dollars, le mégawattheure atteint 79.31 euros, sur des plus hauts historiques.

Le prix d’un baril de pétrole a doublé en un an. Au cours de la même période, le prix sur le marché du gaz naturel a même été multiplié par cinq sur les marchés européens.

Malgré ses ambitions environnementales, la Chine revient à l’énergie fossile la plus polluante pour éviter les coupures de courant. La situation en Inde contribue aussi à la hausse des prix.

Néanmoins, les marchés du pétrole et du gaz naturel se trouvent dans une situation de «backwardation», ce qui signifie que les prix à terme sont inférieurs aux prix spots. C’est un signal indicateur classique d’une pénurie de l’offre sur le court-terme et ceci indique que les prix devraient baisser.

A l’avenir, la transition énergétique entraînera une diminution de la demande et des prix du pétrole et du gaz. Nous croyons que la transition énergétique offre une thématique d’investissements intéressante et qu’il est pertinent d’investir dans les producteurs d’énergies fossiles d’aujourd’hui qui ont tous les moyens (structurels, financiers, humains …) de développer des solutions de production d’énergies décarbonées. Nous vous en reparlerons tout bientôt.

Le plein emploi

Une inflation qui va de plus être alimentée par le retour progressif des conditions de plein emploi au fur et à mesure de l’arrêt des mesures de soutien mises en place avec la crise sanitaire: des millions d’Américains vont ainsi retourner travailler et contribuer à l’accélération de la croissance d’une économie mondiale que Nouriel Roubini qualifie de «proche de la surchauffe». Il y a aux Etats Unis plus de 10 million d’emplois à pourvoir. De plus, les sociétés américaines ont dû monter les salaires afin de faire revenir les employés à leur poste. Dans le secteur des loisirs et de l’hôtellerie, les salaires sont montés de 10.3% en un an. Tous secteurs confondus, c’est une hausse de 4.3% sur un an.

Et alors?

Et c’est là que nos visions divergen : qui dit «croissance» dit «effets bénéfiques pour les marchés». Mais qui dit «croissance» dit aussi «normalisation des politiques monétaires».

Si Jackson Hole, fin août, a évoqué l’idée du tapering, le discours de la Fed de ce mois-ci était clairement plus «faucon» avec la publication d’un Dot Chart montrant que la moitié des membres pensent qu’il faudra commencer à remonter les taux au moins une fois l’année prochaine. Etonnamment, les marchés ont monté le lendemain … pour rebaisser d’autant quelques jours plus tard en constatant que le T-Bond 10 ans est passé de 1.28% à 1.56% en l’espace de seulement 4 séances. Un comportement qui montre bien que les avis divergent sur l’interprétation de ces facteurs. Les prochains chiffres de l’emploi (8 octobre pour le chiffre américain de septembre. Chiffre qui a été inférieur aux attentes) seront décisifs: une forte création d’emplois inciterait à une accélération du calendrier avec le début du tapering dès novembre et la fin de tout achat dès mi-2022. Mais signifierait également une accélération de la croissance profitable à court-terme aux entreprises et donc aux marchés.

Mais la géopolitique peut venir rebattre les cartes…

Sinon, dans son discours d’ouverture de l’Assemblée Générale annuelle de l’ONU, Antonio Guterres, son secrétaire général, a mis en garde les Etats-Unis et la Chine contre une nouvelle dégradation du monde déjà «au bord du gouffre» et les a appelés au «dialogue» et à la «compréhension». C’est dire à quel point la géopolitique peut venir rebattre les cartes.