Louis Larere, co-Responsable des stratégies ISR chez Zadig Asset Management, partenaire d'iM Global Partner depuis janvier 2020, revient sur les limitations des notations ESG et l’importance de la durabilité.
L’analyse extra-financière pour comprendre les entreprises monte en puissance, mais peut être source de confusion. Il faut bien prendre en compte les limites des notations ESG et regarder avec prudence les sociétés «vertes» d’aujourd’hui, montrant souvent des valorisations élevées sur le marché.
Il est important de différencier l’analyse ESG (environnement, social, gouvernance d’entreprise) de l’investissement durable. L’ESG est une série d’indicateurs des performances extra-financières d’une entreprise, permettant de l’évaluer par rapport aux acteurs de son secteur. Si les facteurs ESG sont un bon guide sur la manière dont une entreprise peut améliorer son impact sur ses parties prenantes (communautés locales, employés, actionnaires) ils ne permettent en revanche pas de juger l’impact d’une entreprise, de ses produits et services, sur le développement durable.
Il est critique de comprendre comment les notations ESG sont attribuées. Si les indicateurs de gouvernance (droits de vote, indépendance du conseil d’administration, féminisation de la direction, etc.) sont comparables d’un secteur à l’autre, ce n’est pas le cas des facteurs environnementaux et sociaux. Comment comparer un constructeur automobile, gros consommateur de capitaux et de main-d’œuvre, à un concepteur de logiciels? Les fournisseurs de notation ESG établissent donc des peer groups, comparant par exemple Valeo, l’équipementier français, à ses concurrents Continental (Allemagne), Aptiv (USA) ou Denso (Japon). Chaque indicateur a un poids différent en fonction du secteur d’activité: c’est simple quand le secteur est clairement identifié (l’automobile), mais plus compliqué pour les entreprises diversifiées.
Les deux inconvénients de la notation
Si l’analyse ESG permet une meilleure compréhension des risques et opportunités, se contenter des notations serait imprudent, pour deux raisons.
D’abord, il est difficile pour les fournisseurs de données ESG de se mettre d’accord sur des règles absolues quant aux émissions de CO2 ou aux heures de formation, contrairement aux agences de notation financières pour qui les définitions de levier et liquidités sont claires. D’où une corrélation de seulement 61% (dans une fourchette de 40 à 70%) entre les différentes notations ESG d’une entreprise donnée, selon une étude récente de la MIT Sloan Business School. Pour les notations de crédit, le chiffre comparable est de 99%. Le rapport explique cette incohérence: « 53% de l’écart provient du fait que les agences de notation mesurent les mêmes catégories différemment, et 47% de l’écart provient de l’agrégation de données communes avec des règles différentes ».
Tesla est un bon exemple. Certaines agences jugent sévèrement sa gouvernance, les conditions de travail ou certaines transactions qui profitent plus à son actionnaire principal qu’aux minoritaires (acquisition de SolarCity, société déficitaire et très endettée). Mais d’autres y voient le seul constructeur automobile purement électrique, et ainsi son faible impact environnemental par rapport aux concurrents encore dépendants du moteur à combustion.
Ensuite, l’approche sectorielle des fournisseurs de notation ESG peut se révéler trompeuse. De telles comparaisons sectorielles oublient l’impact d’une entreprise sur le monde. Ainsi, MSCI ESG Rating attribue les notes respectives de AAA, AA et A au groupe pétrolier Galp Energia, au fabricant d’armes BAE Systems et à l’opérateur de paris sportifs William Hill, quand le groupe de santé Fresenius n’obtient que BBB en raison d’une affaire de corruption et d’une gestion discutable de ses employés. Pourtant, l’activité de Fresenius est parfaitement alignée avec les objectifs de développement durable des Nations-Unies, selon Vigeo Eiris, une autre agence de notation ESG.
Pour confirmer notre intuition sur cette différence entre notations ESG et développement durable nous avons construit un portefeuille fictif comprenant toutes les entreprises que nous excluons de notre stratégie d’investissement socialement responsable (ISR): secteur pétrole et gaz, tabac, alcool, entreprises controversées, etc. Le résultat? La note ESG du portefeuille selon MSCI serait AA, la deuxième meilleure note possible et une note similaire à notre stratégie Sustainable Europe.
Développement durable et notations ESG sont donc deux concepts très différents: une entreprise peut être un acteur irresponsable dans une industrie durable et vice versa.
Améliorer la durabilité
La philosophie ISR de Zadig vise « le développement durable à un prix raisonnable ». Notre objectif premier est d’investir dans des entreprises qui adressent de manière significative les grands défis du développement durable (santé, efficacité énergétique, économie circulaire, éducation, etc.). Si nous apprécions les « leaders verts », les investisseurs ont, selon nous, aussi un rôle à jouer pour accompagner les entreprises dans une transition durable.
C’est dans les entreprises en pleine transition que nous voyons les meilleures opportunités, en matière d’impact comme de retours sur investissement. Prenons l’exemple de Stora Enso, le producteur de papier et d’emballages recyclables: il y a 15 ans, 70% de ses revenus provenaient de la fabrication de papier. Aujourd’hui, la moitié de la valeur de l’entreprise réside dans ses forêts qui absorbent 3 millions de tonnes de CO2 par an. Stora Enso fabrique aussi des alternatives au verre et au plastique avec ses emballages à base de fibres, facilement recyclables et avec une empreinte CO2 très inférieure. Il en est de même avec ses matériaux de construction en bois remplaçant le béton et l’acier. La production de papier conventionnelle ne représentera pas plus de 10% des revenus en 2021, après plusieurs fermetures et reconversion d’usines.
Notre philosophie n’exclut pas l’analyse ESG. Au contraire, celle-ci fait partie intégrante de la sélection des titres chez Zadig. Une société aux pratiques controversées ne montrant aucun signe d’amélioration a peu de chances d’intégrer nos portefeuilles. L’appétit du marché pour l’ESG et l’investissement responsable comme sources d’idées d’investissement résulte en des flux importants concentrés sur un petit nombre de sociétés leaders sur ces sujets. Chez Zadig, nous préférons les entreprises capables de s’améliorer radicalement dans un horizon de deux ou trois ans. C’est ce qui différencie nos portefeuilles de nos concurrents et nous permet d’éviter les risques liés á une potentielle «bulle verte».
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