Qui aurait imaginé, il y a quatre ans, que le 45e président des États-Unis, alors déchu, allait s’installer une nouvelle fois à la Maison Blanche?

Par Marc Hänni, Head of Swiss Equities et Andreas Brun, Senior Analyst and Portfolio Manager

 

En bref

  • Notre équipe Swiss Equities a analysé un peu plus de 120 entreprises suisses afin de déterminer l’impact potentiel de nouvelles taxes commerciales américaines.
  • Le résultat? Près d’un tiers des entreprises analysées seraient touchées par les droits de douane américains à l’importation.
  • Un motif d’espoir: elles ont signalé qu’elles étaient prêtes, si nécessaire, à ouvrir rapidement des sites de production aux États-Unis.

Marc Hänni

Qui aurait imaginé, il y a quatre ans, que le 45e président des États-Unis, alors déchu, allait s’installer une nouvelle fois à la Maison Blanche? C’est exactement ce qu’a fait Donald Trump le 20 janvier 2025 en entamant son mandat de 47e président des États-Unis. Il faudra attendre quelques mois avant de pouvoir en mesurer les conséquences sur l’économie et la politique mondiale. Mais il est d’ores et déjà certain que les mesures inscrites à l’agenda de la nouvelle administration Trump, si elles sont réalisées, ne laisseront pas les entreprises suisses indifférentes.

Le marché d’exportation américain est indispensable à la Suisse

Andreas Brun

De nombreux investisseurs ont gagné en confiance suite au retour impressionnant de Trump. Les bourses internationales ont donc réagi avec euphorie au lendemain de sa victoire électorale, début novembre 2024. Cela a stimulé le marché boursier américain pendant plusieurs semaines. Au début, le marché suisse des actions, qui était en baisse depuis l’automne, a également repris de la vigueur.

Mais la bonne humeur de nombreux investisseurs en actions européennes s’est évaporée en un clin d’œil lorsqu’ils ont appris que le parti républicain au pouvoir de Trump avait également remporté la majorité au Sénat et à la Chambre des représentants, les deux chambres du Congrès américain. Cela a intensifié leurs inquiétudes que Trump pourrait obtenir plus facilement l’approbation du Congrès américain pour l’instauration de taxes à l’importation contre la Chine et l’Europe, qu’il avait bruyamment annoncées pendant sa campagne électorale.

L’inquiétude s’est également répandue parmi les investisseurs en actions suisses, car la Suisse vend chaque année pour plus de 50 milliards CHF de marchandises aux États-Unis, son principal marché d’exportation.

2025.01.29.CA bourse suisse

De nombreux actionnaires d’entreprises suisses sont particulièrement préoccupés par les taxes douanières imposées par Trump sur les biens exportés du Mexique vers les États-Unis. En effet, ces dernières années, certaines entreprises suisses ont construit des sites de production au Mexique afin de pouvoir livrer à moindre coût aux États-Unis, par exemple le producteur de chocolat Barry Callebaut, l’entreprise de visserie et de logistique Bossard, le sous-traitant industriel de composants techniques Dätwyler et le spécialiste de l’emballage SIG.

Nous pensons que les entreprises suisses seront moins touchées par les droits de douane drastiques que Trump veut imposer sur les produits chinois. En effet, avec leur production délocalisée en Chine, elles approvisionnent désormais en grande partie la Chine elle-même. Le fabricant d’accessoires informatiques Logitech, qui vend toujours plus de la moitié de ses produits fabriqués en Chine en dehors de la République populaire, constitue une exception. Au cours des cinq dernières années, l’entreprise a toutefois considérablement réduit la part de ses produits fabriqués en Chine et entend poursuivre sa diversification hors de Chine si les menaces de droits de douane deviennent réalité. La pandémie qui a largement et longuement paralysé l’économie chinoise en 2020 a déclenché la tendance mondiale du «nearshoring», par laquelle les entreprises rapatrient leur production à proximité. L’entreprise suisse Kardex, spécialisée dans les techniques de stockage et de manutention, en a par exemple profité.

Le gouvernement Trump pourrait se tirer une balle dans le pied

Il reste à voir dans quelle mesure la nouvelle administration Trump appliquera effectivement les droits de douane commerciaux qu’elle a annoncés pour la Chine et l’Europe. En effet, la Chine et l’Europe font jusqu’à présent partie des principaux acheteurs de biens produits par les États-Unis.

En outre, les nouvelles taxes à l’importation imposées pourraient relancer l’inflation aux États-Unis. Cela nuirait à la consommation locale, encore solide actuellement, et donc à l’économie américaine, ce qui pourrait à son tour inciter la Réserve fédérale américaine (Fed) à freiner l’assouplissement de sa politique monétaire initié en septembre dernier. Ce n’est probablement pas dans l’intérêt de Trump, désireux de promouvoir la croissance économique.

Plus de 120 entreprises suisses soumises à une enquête sur les effets négatifs des droits de douane

Ces dernières semaines, nous avons examiné en détail les entreprises suisses figurant dans notre univers de recherche et ayant chacune une capitalisation boursière d’au moins 500 millions CHF (soit 121 noms au total), afin de déterminer les conséquences potentielles de nouveaux droits de douane américains sur le commerce. Notre analyse a porté sur les effets possibles d’éventuels droits de douane sur la production des entreprises, en excluant les conséquences pour l’économie dans son ensemble.

Pour ce faire, nous avons commencé par déterminer la part du chiffre d’affaires des entreprises réalisée aux États-Unis (cliquez pour voir le lien et le tableau). Ajusté à la capitalisation boursière, cette part s’élève en moyenne à 30% selon nos estimations. Ensuite, nous avons passé au crible les circuits de livraison vers les États-Unis.

Notre enquête approfondie a révélé qu’environ deux tiers des entreprises ne devraient pas être fortement touchées par les nouveaux droits de douane. En effet, soit elles ne font pas de commerce de marchandises avec les États-Unis – comme toutes les entreprises immobilières, la plupart des banques et des assureurs de taille moyenne, les entreprises de télécommunication, les entreprises touristiques, comme Jungfraubahn, ou les purs commerçants de détail, comme Galenica – soit elles produisent directement aux États-Unis, comme c’est le cas entre autres du fabricant de chocolat Lindt & Sprüngli et des entreprises industrielles Georg Fischer et Sulzer. Le tiers restant des entreprises que nous avons analysées n’approvisionne pas les États-Unis à partir de sites de production sur place. De nouveaux droits de douane pourraient donc les désavantager.

Les droits de douane annoncés par Trump ne sont toutefois pas encore définitivement fixés. Nous estimons que leur définition concrète offre une certaine marge de manœuvre. Nous sommes également d’avis que leur entrée en vigueur prendra plus de temps que ne le craignent de nombreux investisseurs inquiets. Cela devrait donner aux entreprises suisses le temps de s’adapter à l’évolution des conditions commerciales.

Les PME suisses savent comment s’en sortir

Par le passé, de nombreuses PME suisses ont déjà su se réinventer en permanence. D’une part, elles ont mis à profit leur forte capacité d’innovation. D’autre part, la qualité supérieure de leurs produits, des processus très efficaces et une structure de coûts allégée leur ont permis de compenser des désavantages concurrentiels, comme le niveau comparativement élevé des salaires en Suisse ou la force du franc suisse, qui dure depuis plus de deux décennies.

Nous nous sommes entretenus avec des représentants de la direction des PME suisses qui fournissent aux États-Unis des marchandises qui ne sont pas fabriquées sur place. Leurs réponses concernant les droits de douane américains nous indiquent qu’ils se sentent prêts et capables de lancer une production aux États-Unis dans un délai d’un à deux ans. La direction de Logitech, par exemple, nous a fait savoir que depuis la pandémie, elle avait déjà relocalisé 20% de sa production de matériel et de logiciels en Chine et qu’elle pourrait encore la réduire dans un délai raisonnable. Nous prenons cela comme une confirmation que les PME suisses sont flexibles et ne sont pas disposées à se laisser abattre par des menaces d’obstacles au commerce.

 


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