Après la hausse des valeurs technologiques et pharmaceutiques pendant la période Covid-19, le moment est venu pour les valeurs de la défense et des matières premières de revenir sur le devant de la scène, voire même de susciter l'intérêt de certaines stratégies ESG. Entre-temps pourtant, le GIEC a publié la deuxième partie de son rapport qui comporte trois volets. Dans l’indifférence quasi-générale tant il est vrai que le conflit en Ukraine a saturé la bande médiatique disponible.
Par Emmanuelle Haack, responsable ESG et conformité
Ce faisant, la nouvelle urgence climatique est passée à peu près inaperçue. Ce qui est d’autant plus regrettable que les nouvelles ne sont pas bonnes. Alors que le premier rapport du mois d’août s’attachait à faire la lumière sur les connaissances physiques les plus récentes du système climatique, ce deuxième opus se concentre d’abord sur les impacts du réchauffement climatique actuel et sur ce qu’il signifie effectivement pour nos populations, nos villes, notre bien-être et notre planète et s’intéresse ensuite à la manière dont notre économie peut véritablement s’adapter. Pour qui arrive au bout des 3’675 pages de l’étude, une conclusion s’impose: le changement climatique génère des impacts plus forts que prévu et nos sociétés sont pour l’heure bien incapables de s’y adapter avec la vitesse voulue.
Au-delà du simple constat sur les limites de notre capacité d’adaptation (au-dessus de 1,5°C les effets devraient être exponentiels pour chaque fraction de degré de réchauffement), le rapport entend néanmoins nous donner un peu d’espoir et des pistes pour l’avenir. L’une d’entre elles repose sur le fait que notre interdépendance pourrait être une véritable force si nous étions tous engagés dans de véritables stratégies d’adaptation. Le problème est que pour l’instant, nous nous sommes davantage concentrés sur l’atténuation que sur l’adaptation. A tel point d’ailleurs qu’il va nous falloir désormais travailler à une transformation urgente plutôt qu’à la seule adaptation.
En effet, pour limiter l’augmentation de la température mondiale à 1,5 °C, la science nous dit que nous devons réduire les émissions de 45% d’ici à 2030 et atteindre un niveau net nul d’ici à 2050. Les réductions nécessaires sont donc drastiques et contrastent avec les prédictions qui indiquent une augmentation des émissions mondiales de 14% au cours de la seule décennie actuelle. L’écart entre ce que nous devrions faire et ce que nous faisons en réalité est donc énorme.
Pour s’en convaincre, il suffit de regarder le comportement actuel de la plupart des entreprises cotées, en Europe et au-delà. Multipliant leurs engagements climatiques d’ici 2050 et dotées de rapports RSE de plus en plus longs et détaillés, ces multinationales semblent, à première vue, placer l’ESG au cœur de leur raison d’être. Pourtant, à y regarder de plus près, la vérité est tout autre puisque la plupart de ces plans et projets sont très loin d’être alignés sur les objectifs de zéro émission nette pour 2050. C’est en effet une chose de publier un beau rapport ESG/RSE qui puisse générer un bon score chez les fournisseurs de données spécialisés, mais il en est une autre d’atteindre plus de 5% d’alignement avec la taxonomie. Aujourd’hui, la réalité est que la plupart des entreprises n’atteignent pas un alignement taxonomique à deux chiffres. Le constat est le même parmi les stratégies d’investissement d’impact de l’article 9 de la SFDR.
Voilà pourquoi, nous souhaitons réfléchir dans cet article à tout ce qui a été fait depuis la COP21 en 2015 au sein du secteur de «l’investissement ESG». Parmi les questions que nous nous posons figurent celles de savoir si nous avons essayé de répondre aux préoccupations du GIEC et aux actions qu’il recommande ainsi qu’une autre tout aussi importante : où en sommes-nous véritablement pour ce qui concerne la transformation de nos économies?
Avec la crise ukrainienne et le ralentissement de la crise du Covid-19, la récente hausse des prix du pétrole, du gaz et des matériaux ainsi que le nouvel intérêt pour les valeurs de défense (même parmi les investisseurs ESG), nous ne pensons pas que les stratégies ESG soient aujourd’hui indépendantes des pressions économiques ou des opportunités financières. Alors que nous nous attendions à ce qu’elles suivent leur propre agenda ESG, nous comprenons que la plupart d’entre elles semblent aujourd’hui simplement suivre les mouvements du marché et les opportunités des cycles économiques.
Comme le GIEC, nous continuons à croire qu’il y a de l’espoir, mais qu’il est temps pour les investisseurs ESG d’intégrer réellement les impacts du changement climatique dans le rendement potentiel de leurs investissements futurs, d’établir des plans réalistes lorsqu’ils s’engagent sur des objectifs ESG et d’être complètement transparents à ce sujet.
Télécharger l’analyse complète d’Emmanuelle Haack (pdf, anglais, 8 pages)