L’investissement dans les infrastructures nécessaires aux progrès de l’IA, la réindustrialisation et l’impact positif des nouvelles technologies devraient largement bénéficier au secteur. Un niveau d’incertitude demeure toutefois quant aux choix politiques que fera Donald Trump.

L’année 2024 a été en demi-teinte pour le secteur du bâtiment américain. D’un côté, l’industrie a connu une croissance honorable de 2,5%, notamment grâce au secteur non-résidentiel. De l’autre, les taux d’intérêt élevés ont limité la capacité des particuliers et des entreprises à emprunter, freinant les activités de construction, aussi bien résidentielles que commerciales. Le secteur fait en outre face à un manque de main d’œuvre, avec près de 400 000 postes à pourvoir, selon une étude de Deloitte.

Alors qu’un nouveau président vient de s’installer à la Maison-Blanche, plusieurs facteurs permettent toutefois d’entrevoir une année positive pour le secteur.

La construction de centres de données devrait encore s’accélérer

Soucieux de s’imposer dans la course à l’intelligence artificielle, les géants des nouvelles technologies dépensent sans compter pour construire des centres de données géants, afin d’obtenir la puissance de calcul nécessaire pour entraîner et faire tourner des algorithmes de pointe. L’an passé, leur construction a ainsi cru de 58%, tandis que les big tech annonçaient des projets pharaoniques.

Meta va par exemple débourser dix milliards de dollars pour construire un centre de données géant spécialisé dans l’IA dans le nord de la Louisiane, tandis qu’Amazon a prévu onze milliards de dollars pour un projet similaire dans l’Indiana. «Composé de onze bâtiments au total, il s’agira de notre plus gros centre de données jamais construit, avec plus de dix fois la capacité de ceux des générations précédentes. Une fois opérationnel, il permettra d’entraîner des LLMs open source», détaille une porte-parole de Meta sur ce nouveau projet. Les géants du numérique sont loin d’être les seuls à en construire: Home Depot a par exemple achevé à l’automne dernier la construction d’un centre de données géant à Austin, Texas, qui servira à accélérer la transformation numérique du groupe.

Comme le souligne une note de la société de conseil en immobilier d’entreprise américaine JLL, les centres de données sont actuellement construits à un rythme supérieur à celui de tous les autres actifs immobiliers, et ce dans le monde entier. Le cabinet s’attend à ce que leur construction batte un nouveau record en 2025, et continue de croître d’au moins 15% sur les deux prochaines années.

Aux États-Unis, ce marché pourrait bénéficier de la politique de la nouvelle administration. Celle-ci adopte d’une part une approche très business friendly sur l’IA, avec des régulations minimales qui devraient inciter les entreprises à poursuivre et même accélérer leur stratégie de croissance à tout prix dans ce domaine. Elle a également prévu d’investir 500 milliards de dollars dans cette technologie en s’appuyant sur des acteurs privés, à travers le projet Stargate. L’objectif est notamment d’accélérer la construction de centres de données spécialisés dans l’IA. Le président veut enfin favoriser la construction sur les terres fédérales, qui constituent 28% du territoire américain.

La réindustrialisation bénéficie à la construction

Plusieurs grands plans d’investissements dans les infrastructures signés par Joe Biden, en particulier l’Inflation Reduction Act (énergies vertes) et le CHIPS Act (semi-conducteurs) ont conduit à une réindustrialisation accélérée aux États-Unis, qui a donné un coup de pouce important au secteur de la construction et devrait se poursuivre cette année. «Le CHIPS Act a pour l’heure catalysé environ 450 milliards de dollars d’investissements privés dans les semi-conducteurs aux États-Unis, au service de la construction de 17 usines de puces», note Stephen Ezell, vice-president of global innovation policy de l’Information Technology and Innovation Foundation (ITIF), un laboratoire d’idées basé à Washington.

Ce type de projets, qui chiffrent généralement entre dix et trente milliards de dollars, bénéficient à des entreprises réparties sur toute la chaîne de valeur de la construction. Par exemple, dans le cadre d’un projet de construction d’une usine de pointe du taïwanais TSMC en Arizona, Hunter Contracting Co. a été chargé de la mise en place des infrastructures nécessaires: routes, systèmes de drainage et infrastructures énergétiques, tandis que Baker a coulé le béton pour construire les bâtiments. Sherwin-Williams fournit de son côté revêtements de protection et de sol, ainsi que des surfaces ignifugées pour les projets d’usines de semi-conducteurs. L’industrie des semi-conducteurs n’est qu’un exemple parmi d’autres : la production d’usines de batteries et de panneaux solaires est également en plein essor de l’autre côté de l’Atlantique.

Si Donald Trump a critiqué les projets d’infrastructures mis en place sous son prédécesseur, sa présidence ne devrait pas avoir d’impact significatif sur ces derniers. «Quasiment tous les fonds du CHIPS Act ont désormais été attribués. Il est donc peu probable que celui-ci soit en danger sous Trump», note Stephen Ezell.  Les tarifs douaniers du nouveau président pourraient également donner un coup de pouce supplémentaire à la construction d’usines aux États-Unis, même si la plupart des experts s’attendent à ce que cet impact soit limité. La politique d’abondance énergétique voulue par Donald Trump pourrait elle aussi favoriser l’implantation de nouveaux projets industriels, au bénéfice du secteur de la construction. Les tarifs douaniers que Trump a commencé à annoncer sur les importations mexicaines, canadiennes et européennes constituent à l’inverse un risque important. Le prix de l’acier a par exemple déjà commencé à augmenter, ce qui n’est pas de très bon augure pour la construction.

L’impact positif des nouvelles technologies

Un autre facteur susceptible de bénéficier à l’industrie est l’adoption de plus en plus rapide des technologies de pointe par les entreprises du secteur. Outre des techniques comme le Building Information Modeling (BIM) et le jumeau numérique, les spécialistes de la construction et de la logistique investissent de plus en plus dans la robotique, afin de pallier le manque de main d’œuvre, et dans l’intelligence artificielle, pour gagner en efficacité.

L’entreprise américaine Lennar a par exemple investi dans SmartRent, spécialiste de la maison connectée, afin d’intégrer ces systèmes innovants à ces futures propriétés, ou encore de permettre aux clients de visiter leur future maison à distance. Un partenariat avec une autre société, ICON, a également été mis en œuvre pour appliquer la robotique et l’impression 3D à la construction d’un lotissement au Texas. Plusieurs professionnels du secteur explorent également l’usage de l’IA générative pour accélérer le design, la planification et la gestion des risques.

«La robotique et l’automatisation sont de plus en plus utilisées par les entreprises de la construction. Certaines utilisent les robots pour transporter du matériel de manière autonome, réaliser des soudures de haute précision, planifier des aménagements, ou encore opérer à distance dans des environnements dangereux. Avec l’intégration de l’IA, ces robots peuvent être adaptés à de nouvelles tâches, au service de sites de construction plus intelligents, préparant un futur ou systèmes autonomes, humanoïdes et robots collaboratifs (cobots) seront monnaie courante», estime ainsi l’étude de Deloitte. Une étude de McKinsey estime quant à elle que l’usage de l’IA pourrait augmenter la productivité dans le secteur de la construction de 20%.

Un dernier facteur susceptible de bénéficier à l’industrie aux États-Unis cette année est la baisse programmée du taux d’intérêt directeur de la Fed, suite à la baisse de l’inflation aux États-Unis. Trump a à cet égard exprimé sa volonté de faire pression sur l’institution pour que les taux d’intérêt baissent encore plus vite, ce qui pourrait toutefois s’avérer contre-productif en conduisant à une reprise précoce de l’inflation, susceptible de mener elle-même à une remontée des taux. La politique protectionniste de la nouvelle administration pourrait également conduire à une poussée inflationniste, avec les mêmes effets indésirables.