Je dois vous avouer que je ne suis pas un spécialiste des interviews. Je sais poser des questions, mais je préfère quand on me les pose à moi. Comme j’ai passé du temps à brasser de l’air en écrivant des articles sur la finance depuis si longtemps que je ne me souviens même plus depuis quand, j’ai appris à raconter n’importe quoi tout en ayant l'air sérieux et même, parfois réussir à faire croire aux gens que je sais de quoi je parle. Non, le plus gros problème chez moi, c’est ma capacité d’écoute... Si la personne en face de moi ne me séduit pas par son histoire, j’ai tendance à perdre le fil et à laisser mon esprit vagabonder. Et quand à la fin de l’interview je me rends compte que j’ai plus pensé à mes prochaines vacances qu’au gérant en face de moi, c’est compliqué.

Interview du CIO de Clairinvest – Ion-Marc Valahu réalisée par Thomas Veillet – Investir.ch

La version AUDIO de l’Interview :

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Sauf qu’aujourd’hui, lorsque je me suis retrouvé face au CIO du « Clairinvest – Cosmopolitan Global », j’ai assez rapidement compris que ça serait facile. Facile parce qu’après avoir écouté Ion-Marc Valahu, , pendant à peu près 12 secondes, j’ai immédiatement su que l’heure à venir serait du velours, puisque le Monsieur sait de quoi il parle, est très clair dans ses idées, va droit au but et il le dit.

Alors je ne dis pas que les autres ne le disent pas, mais Ion-Marc est un trader et comme j’ai un peu passé de temps dans cette vie-là, il n’est nul besoin de traduction pour comprendre ses expressions. La première chose qui frappe dans son discours, c’est le côté terre à terre, droit dans ses bottes et sans langue de bois et surtout, surtout, il montre qu’il sait de quoi il parle sans pour autant vous noyer sous les formules mathématiques qui ont la fâcheuse tendance à me hérisser le poil et à me donner l’impression que l’on veut noyer le poisson. Même si je sais que ce n’est pas tout le temps vrai.

Le fonds

Pour parler de l’aspect technique et politique « Clairinvest – Cosmopolitan Global » est géré de manière active et peut investir sur toute une variété de classes d’actifs. Il offre une gestion opportuniste, sans benchmark (ce qui fait parfois plus de sens). Le fonds pratique une allocation flexible et dynamique entre les différentes classes d’actifs : actions, obligations, options, devises et liquidités. Il utilise des stratégies classiques “longues” ainsi que plus sophistiquées pour gérer activement la “couverture dynamique”. Et puis surtout, il n’y a pas de « stock picking » chez Clairinvest on fait de l’allocation d’actifs – évitant du même coup de « tomber amoureux d’une société » ce qui pourrait biaiser la réflexion sur le long terme.

Le fait de choisir l’allocation d’actifs permet du même coup de réduire les risques et de s’exposer plus globalement à des thématiques spécifiques qui, comme on l’a vu ces dernières années, offrent un « risk/reward » bien plus intéressant qu’en espérant pêcher le bon poisson au milieu d’un millier d’autres. L’équipe de Clairinvest utilise une analyse Top/Down pour faire sa sélection et sont très attentifs aux banques centrales – il y a donc un aspect technique – mais aussi une recherche très attentive au « sentiment de marché »…

Sentimental

Il y a une chose qui semble être chevillée au corps du CIO, c’est la compréhension de ce « sentiment de marché », car comme on peut l’imaginer, ce n’est pas simple de prendre le pouls des marchés mondiaux, il ne suffit pas d’avoir un stéthoscope comme George Clooney dans Urgence. Pour ce faire, la société Clairinvest « achète » sa recherche et fait confiance à des analystes indépendants qui ne sont pas pieds et poings liés comme le sont certaines banques. Ion-Marc explique d’ailleurs en s’enthousiasmant, qu’il cherche vraiment à travailler avec des professionnels qui ont des idées et qui vivent de ça. Ils cherchent à collaborer avec des gens qui sont prêts à poser toutes leurs cartes sur la tables, sans faire de faux-semblants ou pire, de politique.

À la question comment prends-tu la température du marché – vu qu’avec la crise du COVID, « prendre la température » est devenu très commun, la réponse fuse plus vite que l’éclair : c’est Twitter. Le CIO m’explique que comme instrument de tendance, il n’a jamais vu et eu autant d’informations AUSSI vite, des informations qui permettent de réallouer les positions en accord avec les nouvelles susceptibilités du marché. Selon lui, gérer avec Twitter comme « wingman » est devenu tout bonnement indispensable. Sans compter que cela permet de rester en contact étroit avec Donald Trump, qui passe le plus clair de son temps à communiquer avec le petit oiseau bleu. À tel point que l’on se demande parfois s’il sait communiquer autrement…. LA réponse est d’ailleurs contenue dans la question.

Les différents véhicules

Le truc accrocheur c’est que le fonds que pilote Ion-Marc peut se permettre d’investir à peu près dans tout et n’importe quoi, mais surtout dans tout plutôt que dans n’importe quoi. Tout ça pour vous dire que les gens de Clairinvest vont lutter bec et ongles pour que l’investissement de leur client soit toujours dans l’actif qui performe (sans compter qu’ils sont concernés, puisque les partenaires de Clairinvest sont tous investis dans le fonds). Pour ce faire, le prospectus et les réglementations permettent de se faire plaisir, l’éventail des actifs allant des actions (toujours en sectoriel) aux obligations en passant par les futures (sectoriels aussi) et les matières premières – pour autant que ces dernières ne soit pas « livrables » physiquement – d’abord parce que le gendarme qui chapeaute les fonds UCITS V ne le permet pas, mais aussi parce que Clairinvest n’a aucune envie de se retrouver avec trois camions de café en bas du bureau – à plus forte raison si le café en question n’est pas sous forme de capsules Nespresso.

Parlons marchés

Inutile de vous dire que lorsque l’on parle de 2020 chez Clairinvest – le premier mot qui vient à l’esprit c’est : « compliqué » – un peu comme chez tout le monde d’ailleurs, puisque l’on reste intimement convaincu que ceux qui s’en sont sortis, c’est soit qu’ils sont des Permabears et qu’ils ont eu droit à leur heure de gloire – heure qui ne se reproduira plus avant 5 ans au moins, soit vous étiez « cash » par hasard et comme le hasard fait bien les choses, ces gens-là auront vraiment « bien fait » reste à voir s’ils ont réinvestit le 23 mars à l’aube de ce nouveau bull market qui nous tendait les bras. Comme le disait Ion-Marc ; « si notre scénario se réalise comme prévu, les Permabears seront à nouveau à côté de la plaque pour un bon moment ».

Dans son analyse, Clairinvest a creusé ce qui s’est passé ces derniers mois, observé ce qu’ont fait les gouvernements et les banques centrales – cette coordination parfaite entre tous les instances dirigeantes (du jamais vu dans l’histoire) aura permis à des tonnes de liquidités d’entrer dans le marché et de proprement inonder les places boursières qui ont réagi au quart de tour comme si les plans de relance économique étaient directement liés aux marchés boursiers et faisaient office de vase communiquant. Lors de la discussion, Ion-Marc insiste encore une fois au sujet de la rapidité d’exécution pour la mise en place de ces soutiens – cet afflux de liquidités massives a pris tout le monde à contre-pied. À cet instant précis nous sommes le 23 mars, les bourses mondiales vont repartir à la hausse sans (presque) plus jamais se retourner.

L’euphorie, la réalisation puis l’aftershock

À ce moment très précis – après 20 minutes d’analyse sur ce qui s’est passé, la question qui me brûle les lèvres ne peut que tomber sur la table : « et qu’est-ce qu’on fait maintenant, quelle est ta vision de l’avenir »… Tout l’intérêt de l’interview est surtout de trouver un interviewé qui n’utilise pas la langue de bois, ni le conditionnel à tous les coins de rue. L’homme qui gère le « ClairinvestCosmopolitan Global », n’est pas le genre. Son idée de la suite est très claire, concise et on a presque envie de croire qu’il en sait plus que nous. Une fois que j’eu clairement vérifié qu’il ne revenait pas du futur, il se pencha un peu en avant avec un air de conspirateur – tout en respectant les distances sociales – et déroula son scénario qui ne laisse pas de place au hasard (en tous les cas, à la fin ça me semblait plutôt clair – ce qui semblait normal vu le nom de la société).

Etape une : L’euphorie

Depuis le 23 mars nous sommes en plein dedans, les chiffres sont là pour le dire; près de 35% de rebond un peu partout – des masses d’acheteurs qui débarquent dans tous les coins – une absence totale d’intérêt pour les chiffres économiques, puisque tout le monde est en mode euphorique en se disant que l’on va tous ressortir, dépenser, retrouver confiance, dépenser encore et faire des enfants – un peu le monde « d’après-guerre » quand tout le monde retrouve la joie de vivre. C’était le mois d’avril, nous sommes dedans en mai et ça pourrait encore durer un peu en juin.

Etape deux : la réalisation et l’afterschock

Une fois que l’adrénaline va redescendre et l’euphorie se calmer, on va se rendre compte que l’on est monté un peu trop vite et trop haut. Que les gens qui ont perdu leur emploi dans cette crise, ne vont pas tous en retrouver un, les sociétés qui sont passées en télétravail et qui ont réduit leurs effectifs vont se rendre compte que ce « nouveau monde » – comme le nomme Ion-Marc Valahu –  est totalement différent, que les choses vont changer, la façon de vivre, de travailler…bref, que le monde de demain ne sera pas celui d’hier et que peut-être, la reprise économique sera moins forte que prévue et moins dynamique et pourrait également engendrer des changements structurels radicaux.

Clairinvest reste pourtant fondamentalement attaché à l’humain et ils ont une confiance absolue sur le fait que l’humain survivra et puis, comme ils disent, la fin du monde n’arrive qu’une fois et ce n’est pas pour tout de suite… Bien que l’humain va survivre, il mettra un peu de temps à gérer la chose. On peut donc s’attendre – selon mon interlocuteur – à voir le marché se replier lors de cette prise de conscience – nous devrions donc aller faire ce que l’on appelle un « higher-low » – traduction : on va redescendre, mais moins bas que le 23 mars.

À ce moment très précis, les gouvernements et les banques centrales vont jeter leurs dernières munitions dans la bataille et sauver le monde une fois pour toutes pour nous relancer dans un nouveau bull market de 10 ans (au moins). C’est en tous cas la théorie.

Dans le cadre d’un scénario catastrophe, Ion-Marc n’exclut pas complètement une réaction baissière durant l’été qui ne se contenterait pas de faire un « higher-low », mais qui irait briser les points bas du 23 mars – un scénario où l’on se rendrait compte que l’économie ne repart pas, où le confinement et la pandémie auraient fait trop de mal et où la « digestion » se transforme en maladie chronique. Bien qu’il ne privilégie pas cette situation, cette possibilité de dépression à venir qui transformerait notre été en cauchemar économique et l’automne en effondrement majeur n’est pas complètement « off-the table ». C’est ce qui l’incite aussi à rester prudent dans le rebond qui nous occupe en ce moment.

La vision

En étant face à face avec cet américano-genevois, c’est la clarté avec laquelle il pose son scénario. qui m’impressionne. Nous sommes tous conscient que l’investissement peu parfois s’apparenter à un grand casino, mais lorsque l’on écoute la vision et la façon dont Ion-Marc décrit les mois à venir, la roadmap des prochains mois semble tellement claire dans sa tête que l’on ne peut qu’imaginer combien de temps il a passé à ingurgiter de la recherche et des « tweets » pour arriver à des convictions aussi claires et définies. Ce qui est frappant aussi, c’est que sa technique de gestion l’amène à « screener » à peu près tous les moyens de faire de l’argent dans l’ensemble de moyens qui s’offrent à lui.

En conclusion et même si l’on peut entendre une certaine crainte immédiate dans les propos de Ion-Marc sur la situation, on sent que dans sa tête, il a très bien ébauché le scénario de ces prochains mois et on est presque tenté de dire qu’il n’y plus qu’à exécuter. Alors que je m’apprêtais à partir des bureaux de Clairinvest, je me rendais compte finalement, que toute notre discussion pouvait tenir en quelques lignes :

  • Peu d’exposition à court terme.
  • Attendre que l’on prenne conscience de la dichotomie entre les marchés et la réalité économique.
  • Regarder les gouvernements et les banques centrales sortir les cartouches qui restent.
  • Rentrer dans le marché avec fort biais « equities » en privilégiant certaines opportunités court terme comme les hôtels, les voyagistes et les airlines, puis augmenter l’exposition à tout ce qui est « cyclique » pour jouer cette reprise structurelle.
  • Profiter de l’or qui devrait démarrer plus haut ainsi que des opportunités sur secteur immobilier privé.
  • Mais surtout rester conscient que la société et le tissu économique global devrait se transformer ces prochains mois et années. Et donc profiter des opportunités qui vont se présenter.

En ce qui me concerne, j’ai ressenti un immense sentiment de clarté, non seulement dans la discussion, mais aussi dans la vision qui m’était proposée. Mais ce qui est surtout ressorti de cette « interview » qui s’est plus rapprochée d’une discussion, c’est la passion. Après une heure je pourrais presque vous lister les positions qui seront les visions de Clairinvest pour ces prochains mois, mais ça serait casser le suspense et il me semble bien plus simple que vous vous fassiez votre propre idée en les rencontrant vous-mêmes.