L’élection de Donald Trump attise un incendie sur tous les fronts: politiques, sociétaux, boursiers… L’économie et la géopolitique suivront sans aucun doute, dès son entrée officielle en fonction, le 20 janvier prochain.

Par Alexis Bienvenu, Fund Manager et Olivier de Berranger, CEO et co-CIO

 

Alexis Bienvenu

Le feu touche déjà les marchés: depuis l’élection, les grandes capitalisations américaines gagnent, en date du 14 novembre, plus de 4%, alors que l’indice mondial hors valeurs américaines recule de plus de 2% (en dollars). À l’inverse, les taux se tendent, reflétant les craintes inflationnistes des investisseurs, et le dollar progresse contre toutes les devises.

Mais ces mouvements globaux ne sont eux-mêmes rien en comparaison de déflagrations enclenchées sur les foyers où souffle directement le vent de la révolution trumpienne. Pas seulement sur Tesla qui, électrisée par l’intégration d’Elon Musk dans l’équipe présidentielle, bondit de près de 40% en une semaine après l’élection. Mais surtout, de façon bien plus systémique, sur les grandes banques, qui progressent de 11%. Et sur les plus petites davantage encore: + 13%.

La raison en est simple: de façon générale, Trump promet de sabrer dans les réglementations. Même s’il n’a jusqu’ici rien énoncé de précis à propos de la finance, le marché s’attend à voir les contraintes prudentielles pesant sur les banques s’alléger, ou à tout le moins ne pas s’alourdir, comme cela aurait dû être le cas s’il avait été décidé d’appliquer aux Etats-Unis l’accord dit «Bâle 3» visant à renforcer la réglementation bancaire. On pourrait même voir brûler une partie ce qui reste de la réglementation mise en place dans le sillage de la crise financière de 2008, rassemblée dans la loi «Dodd-Franck» adoptée en 2010 sous la présidence Obama. Cette loi avait accru la supervision des banques, les contraignant à constituer davantage de réserves pour parer aux crises et à modérer les risques pris sur les marchés. Mais dès son premier mandat, en 2018, Trump avait fait adopter une loi assouplissant ces contraintes. En particulier, le seuil à partir duquel les banques sont étroitement surveillées par la Réserve Fédérale (Fed) avait été relevé à 250 milliards de dollars d’actifs, contre 50 auparavant, réduisant le nombre de banques soumises à ce contrôle de 38 à 12.

Olivier De Berranger

Si les banques elles-mêmes, du moins leurs actionnaires, ne peuvent que se réjouir de l’espoir d’un nouvel assouplissement, l’économie américaine – et par extension mondiale, tant il est vrai que la planète financière est étroitement imbriquée – s’en portera-t-elle réellement mieux? À court terme, il est possible que la production de crédit et l’investissement dans l’économie soient favorisés. Même si à vrai dire, l’économie américaine – sauf peut-être dans le secteur de l’immobilier commercial et des infrastructures – n’a guère besoin aujourd’hui d’un nouveau stimulus, étant déjà soutenue par la loi «Inflation Reduction Act» promue par Joe Biden, par un déficit budgétaire record, par une croissance proche de 3% et par des baisses de taux attendues de la part de la Fed. Mais surtout, à long terme, la destruction des pares-feux mis en place par Dodd-Franck risque de rendre l’économie plus vulnérable. L’épisode récent de la crise des banques régionales le prouve. Allégées de certaines contraintes par la réforme trumpienne de 2018, quelques banques de petite ou moyenne taille avaient vu leur solidité menacée en raison de la hausse des taux début 2023. Quatre d’entre elles, dont Silicon Valley Bank et First Republic Bank avaient fait faillite. L’indice des banques régionales avait à l’époque perdu 30% en quelques semaines. Heureusement, les dommages avaient été circonscrits grâce au concours des méga-banques et de la Fed, et dans un mouvement de balancier incessant, la surveillance des banques de petite taille avait ensuite été renforcée.

Trump a-t-il tiré la leçon de cette crise dont, par sa réforme de 2018, il fut indirectement le facilitateur? À l’heure où il ne jure que par la dérèglementation, on peut en douter. Pire encore, la réticence à l’encadrement du risque bancaire pourrait se propager à l’Europe. Car selon le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau, l’Europe pourrait être tentée de repousser l’implémentation des derniers volets de la réglementation dite «Bâle 3» afin de ne pas souffrir excessivement de la concurrence exercée par la finance américaine allégée de nombreux garde-fous.

La politique du brûlis réglementaire, tout comme celle du «drill, baby,drill(1)», sera donc certainement efficace pour faire chauffer l’économie à court terme, et faire scintiller le début de mandat de Trump II, mais de l’ampleur du feu de joie dépendra aussi le volume de cendres à évacuer.

 

Rédaction achevée le 15.11.2024

(1) «Fore, bébé, fore», slogan des partisans de l’extraction des énergies fossiles aux Etats-Unis.

 


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