Alors que les Jeux Olympiques de Paris 2024 viennent de s’achever, et en attendant les Paralympiques, retour sur les technologies qui ont été employées par les organisateurs et sur la façon dont elles dessinent le sport de demain, pour les sportifs comme pour les spectateurs
Escrime au Grand Palais, tir à l’arc aux Invalides, skateboard sur la place de la Concorde… Les JO de Paris 2024 ont vu se dérouler nombre d’épreuves dans un cadre exceptionnel, pour les spectateurs qui étaient parvenus à se munir du précieux sésame. Quant aux millions de personnes qui ont suivi les épreuves à distance, le Comité d’organisation s’est associé à plusieurs entreprises technologiques pour leur offrir une expérience aussi exaltante et immersive que possible. Au total, le budget technologique des jeux s’élève à environ 510 millions d’euros, selon Le Figaro: une enveloppe qui a notamment été utilisée afin de proposer de nouvelles expériences immersives.
Grâce à la technologie de l’américain Intel, la vidéo volumétrique, qui permet de capturer en temps réel des images 3D des athlètes, a ainsi pour la première fois fait son apparition aux JO. Situé dans le village olympique, un studio capturait et mettait à disposition, en temps réel, les rendus des images 3D des athlètes aux équipes d’Olympic Broadcasting Services (OBS) qui, à son tour, les distribuait aux détenteurs de droits multimédias du monde entier. «Intel contribue à fournir des vidéos spatiales 3D en streaming live avec une latence très faible, permettant un dialogue entre les athlètes et les diffuseurs sans être dans la même pièce. Le tout est alimenté par des algorithmes d’apprentissage automatique et de vision par ordinateur», précise Sarah Vickers, directrice du programme olympique et paralympique d’Intel.
Le géant américain des nouvelles technologies a également misé sur l’intelligence artificielle (IA) pour offrir une meilleure expérience aux téléspectateurs. Une plateforme s’appuyant sur cette technologie a ainsi été mise à disposition d’OBS pour générer automatiquement et en temps réel des vidéos sportives personnalisées, afin d’offrir à chaque téléspectateur, sur chaque plateforme, un contenu adapté.
Travailler avec le géant du cloud Alibaba a également permis à OBS d’enrichir encore davantage l’expérience utilisateur grâce à l’IA, comme l’explique Yiannis Exarchos, directeur général d’OBS. «Collaborer avec le partenaire olympique mondial Alibaba nous permet de fournir un nombre record de systèmes de retransmission multicaméras, avec une reconstruction de haute qualité alimentée par l’IA dans le cloud. Le tout afin de créer des modèles tridimensionnels et une cartographie de points de vue supplémentaires dans 21 sports et disciplines. Cela permet d’offrir des retransmissions plus convaincantes à partir d’un plus grand nombre d’angles de caméra.»
Grâce à l’IA visuelle d’Alibaba Cloud, les moments forts des matchs de boxe et de tir à l’arc de Paris 2024 ont en outre automatiquement été identifiés et compilés en vidéo. Cette fonctionnalité a permis aux professionnels des médias de créer des reportages plus riches, améliorant ainsi l’expérience de visionnage pour le public mondial.
Enfin, cette édition a pour la première fois introduit un réseau 5G privé dédié à OBS, fruit de la collaboration entre Intel, Orange et Cisco. Avec, à la clef, une couverture audiovisuelle omniprésente et sans bavure. «Nous avons déployé un réseau 5G privé inédit, pour les cérémonies d’ouverture et de clôture, sur la marina à Marseille, sur le stade de France, à Bercy et à l’Arena 92. Ce réseau permet de mettre à disposition les flux d’un grand nombre de caméras, sans dépendre des capacités du réseau public, ni affecter ces dernières. Toutes les caméras embarquées n’auraient pu être utilisées sans ce réseau», déclarait ainsi Pierre-Louis de Guillebon, Directeur général d’Orange, en amont de l’événement.
L’innovation au service des sportifs et des entraîneurs
Mais les téléspectateurs n’ont pas été les seuls à bénéficier des progrès des technologies numériques. Celles-ci ouvrent également une myriade d’options pour les sportifs et leurs coachs. Grâce à l’IA, il devient notamment possible de disséquer les vidéos des athlètes en action pour en extraire une mine d’or de données, qui peuvent ensuite être utilisées par les entraîneurs afin d’accélérer les progrès de leurs poulains. C’est notamment l’ambition du programme PerfAnalytics, projet porté par l’Inria Grenoble.
«Nous nous appuyons sur l’apprentissage profond pour analyser les mouvements des athlètes sur la vidéo et proposer des mesures concrètes qui ont une valeur biomécanique importante, venant augmenter la boîte à outils de l’entraîneur pour accompagner son ou ses athlètes», explique Lionel Reveret, chercheur à l’Inria et contributeur au projet. Dans une discipline comme l’escalade de vitesse, ce dispositif permet par exemple d’apporter des mesures très précises sur le moment exact où l’athlète a touché telle prise, l’effort qu’il y a mis, etc., autant de composants invisibles à l’œil nu sur un replay vidéo, et sur lesquels l’entraîneur peut s’appuyer pour orienter l’entraînement de son athlète afin d’optimiser ses performances futures.
Dans un autre sport, comme la boxe, ce dispositif permet de compter les coups pour attribuer à chaque combattant un indice de combativité, d’analyser son placement sur le ring et de déterminer s’il a eu plutôt tendance à s’avancer ou à reculer durant le combat, à occuper le centre ou les bords du ring… Des données également précieuses pour permettre au boxeur de mieux décortiquer son combat avec son entraîneur et de s’améliorer.
Le numérique vient aussi apporter des informations plus précises aux juges, les aidant à prendre de meilleures décisions durant les épreuves. Lors des Championnats du Monde de Gymnastique en 2023, le japonais Fujitsu a par exemple pour la première fois déployé un dispositif d’IA qui utilise l’analyse d’images basée sur des caméras pour capturer les mouvements complexes des gymnastes en temps quasi réel, afin d’optimiser l’évaluation des performances.
L’organisation des jeux facilitée par la technologie
Le jumeau numérique est de plus en plus utilisé en amont de l’organisation de gros événements, et cette édition des JO n’a pas fait exception. Intel a ainsi créé des répliques virtuelles de la plupart des sites de compétition, afin de faciliter et d’accélérer la planification et la préparation des Jeux Olympiques et Paralympiques. Ces jumeaux numériques ont notamment aidé le comité d’organisation de Paris 2024 à positionner plus efficacement les caméras et les écrans de diffusion, à évaluer les besoins en énergie et les problèmes éventuels d’accessibilité. Mais aussi à organiser à distance des visites virtuelles, des formations et des simulations avant l’événement. Ils ont ainsi évité les déplacements inutiles sur les sites, permettant de réduire l’empreinte carbone des Jeux.
La plateforme Energy Expert, d’Alibaba Cloud, a également été déployée sur 35 sites des JO. Alimentée par l’IA, elle est conçue pour aider les entreprises à mesurer, analyser, gérer et réduire leurs émissions carbone. Elle a, elle aussi, permis d’optimiser la consommation et de minimiser le gaspillage sur ces différents sites.
«La durabilité est l’un des trois piliers de l’Agenda olympique 2020+5, au même titre que la crédibilité et la jeunesse», a déclaré llario Corna, directeur général de l’information et de la technologie au Comité international olympique (CIO). «Grâce à Energy Expert, nous pouvons désormais prévoir nos impacts énergétiques à long terme et mesurer précisément nos progrès. La consommation d’électricité contribue aux émissions carbone des Jeux Olympiques. Les données produites par Energy Expert nous aideront à tirer des leçons de chaque édition des Jeux et à appliquer intelligemment ces connaissances pour rendre les événements futurs encore plus efficaces sur le plan énergétique.»
Une cybersécurité renforcée pour faire face à la multiplication des menaces
Dans un contexte géopolitique sous tension, les équipes chargées de la cybersécurité des Jeux s’attendaient à un événement sous tension, alors que pas moins de quatre milliards de cyberattaques étaient attendues. En prévision, le Comité d’organisation s’est associé avec l’américain Cisco, qui avait déjà sécurisé les Jeux de Londres, Rio et Tokyo. Un centre opérationnel de sécurité (SOC) a été mis en place en vue de coordonner les équipes chargées de surveiller l’ensemble du système d’information (SI) de Paris 2024 afin de détecter signes d’activités suspectes, dysfonctionnements et vulnérabilités. L’entreprise américaine a notamment déployé ses algorithmes d’IA pour assurer que les personnes qui se connectent au SI soient légitimes et les laisser accéder seulement aux applications pour lesquelles elles sont autorisées.
Le français Atos était également de la partie. Deux mille salariés de l’entreprise ont été mobilisés pour l’événement, dont 300 présents vingt-quatre heures sur vingt-quatre dans la tour de contrôle du comité d’organisation, à Saint-Denis. Plus de 100 experts cyber, répartis dans trois équipes, se sont en outre relayés lors des compétitions. Leur mission: établir une liste de risques pouvant affecter l’IT des Jeux, dont les 150 applications déployées par Atos au sein de deux systèmes IT distincts. De nombreux tests, ainsi que des exercices d’équipe rouge, ont par ailleurs été menés en amont des Jeux.
Enfin, des algorithmes d’IA ont été déployés pour analyser en temps réel les images capturées par les caméras de surveillance et détecter d’éventuelles menaces. S’il faudra attendre les Jeux paralympiques pour tirer un bilan complet, les équipes cyber semblent pour l’heure avoir été à la hauteur de l’événement.