La semaine commence en douceur, les Américains sont en train de faire chauffer le barbecue pour le Memorial Day, le reste du monde va se retrouver orphelin de Wall Street pendant quelques heures et juste avant de partir en week-end, Trump nous a laissé deux-trois choses à gérer. Une nouvelle salve de tarifs douaniers contre l’Europe parce que les négociations ne vont pas assez vite. Et 25% de taxes supplémentaires pour Apple qui refuse de fabriquer Made in USA. La seule chose qui est un peu triste, c’est que tout cela n’aura presque pas eu d’impact sur les marchés, puisque Trump est déjà revenu en arrière sur l’Europe et que plus personne ne croit à ses menaces qui ne vont jamais au bout.

L’Audio du 26 mai 2025

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L’Europe

Tout le week-end, je me suis dit : « Tiens, tu vas pouvoir commencer ta chronique en disant : nouvelle guerre tarifaire avec l’Europe, le moratoire explose en moins de trois minutes ». Et puis en fait non. On n’a même pas eu le temps de se faire vraiment peur puisque Trump a collé ces tarifs vendredi soir et que nous, en Europe on était pratiquement en week-end et que déjà hier soir, le Président avait parlé avec Ursula von der Truc qui est venue supplier d’avoir un peu plus de temps pour négocier. Trump lui a accordé sa grâce et sa bénédiction jusqu’au 9 juillet. Youpie. Retour à la case départ, mais va falloir négocier pour de vrai, dorénavant. Oui parce que même si Trump nous a refait un 180 degrés dont il a le secret en moins de 48 heures, on voit bien que le concept des « moratoires de 90 jours » dépendent surtout de l’humeur du locataire de la Maison Blanche. D’ailleurs, je serais les Chinois, je me bougerais les fesses pour que les négociations avancent au plus vite et dans le bon sens, parce que quand on voit les crises de nerfs de Trump, on peut se dire le moratoire offert à la Chine ne tiendra jamais les 90 jours offerts. Soit ils vont trouver une solution avant, et ça sera plié. Soit ça n’ira pas assez vite pour Trump et il va nous en faire une sa manière.

Pour faire simple, on est parti à la maison vendredi en se disant que ça risquait de chauffer sur l’Europe en début de semaine. Et puis on n’a même pas eu le temps d’avoir peur puisqu’apparemment, la journée va commencer en fanfare parce qu’on a TROUVÉ UN ACCORD !!! Bon, on ne va pas non plus crier victoire trop tôt, puisque ça reste un report d’un peu plus de 30 jours et rien ne nous dit que Trump ne va pas s’énerver entre-deux et tourner la veste encore une fois. Enfin, toujours est-il que dans l’immédiat, on a l’air content en Europe et le premier jour de la semaine sans les Américains devrait bien se passer. Pour ce qui est d’Apple, le titre a perdu 3% vendredi soir, mais comme le week-end n’est pas terminé aux USA, on ne peut pas exclure que les deux parties ne trouvent pas un arrangement entre deux burgers et trois saucisses d’ici ce soir. En tous les cas, une chose est sûre, le marché maintient une vision hyper court-termiste des marchés puisqu’il est impossible de se projeter plus loin compte tenu de la volatilité mentale des gens qui nous dirigent et de celle de Trump en particulier. Demain sera un autre jour en attendant, on va vivre une journée en solo et voir où est-ce que cela peut bien nous mener, tout en sachant que Trump ne prend jamais de congés et que l’on ne peut pas exclure une intervention surprise sur un sujet où un autre.

Le marché obligataire japonais sous intense surveillance

Un des thèmes de la semaine qui nous attend sera sûrement le thème de l’obligataire. C’est une partie du marché que l’on a tendance à souvent mettre de côté, parce que c’est pas ce qu’il y a de plus passionnant et que personne n’est devenu riche en achetant du 30 ans, mais disons qu’il se passe des choses qui méritent notre attention et que « ces choses » pourraient être les prémices d’une nouvelle crise qui ne sera pas gérable à coup de « back-pedaling », je te taxe, tu me taxes, je te détaxe et tu me retaxe, ça sera sûrement plus compliqué que ça. La semaine dernière on se souviendra que l’auction du 20 ans américain s’est mal passée et que l’on commence à avoir des doutes sur l’avenir de la dette américaine. Mais le problème américain n’est peut-être pas le premier sur le podium des soucis actuels du monde merveilleux de la finance. Non, le danger immédiat proviendra peut-être un peu plus du Japon.

Le Japon où le rendement du 40 ans japonais a pris des allures de tornade totalement ingérable. La semaine dernière personne n’a voulu acheter de la dette et le taux est monté jusqu’à 3.15%. Pour un truc qui payait du 1.3% il y a encore deux ans et qui était proche de zéro à l’époque de la pandémie. On commence à se dire qu’il y a un énorme problème. La BOJ détient 52% de la dette japonaise et le ratio dette/PIB est à des niveau qui donnent l’impression que les USA sont super-bien gérés. La dette japonaise est à 260% du PIB alors que les USA ne sont qu’à 130%. Mais le problème n’est pas uniquement là-dessus. Le Japon doit faire face à bien d’autres soucis, comme une inflation qui arrive à toute vitesse – le CPI a été annoncé à 3.6% la semaine dernière et le coût de la nourriture est en hausse et le niveau réel des salaires est en train de baisser. Pas besoin d’aller chercher plus loin, le pays est en train d’entrer en récession. Et lorsque l’on se penche sur les obligations à 40 ans, plus de 500 MILLIARDS de dollars de « sûrs et paisibles » se sont pris une claque de plus de 20% en six semaines. 20% sur un produit censé être sécurisant pour un portefeuille de père de famille. Vous ne me ferez pas dire que tout cela n’aura aucune conséquence sur quoi que ce soit. Pour ceux qui ont oublié, l’été dernier lors de la crise du Carry Trade, la VIX nous avait fait un top à 65% et le Nikkei avait perdu 28% entre le 11 juillet et le 5 août. Je vous laisse imaginer si la crise de la dette japonaise devait s’intensifier – pour essayer de trouver des bases de comparaison, je vous recommande de vous pencher sur les années 2010-2012 avec la crise de la dette européenne et la Grèce en particulier. Pourvu que ça soit seulement une fausse alerte. Mais quand on voit la gueule des chiffres économiques japonais, on se dit que ça ne peut pas BIEN se passer dans ces conditions.

En Asie ce matin..

Ce matin, l’Asie s’est réveillée avec la gueule de bois. Encore une fois l’effet Trump avec ses tarifs douaniers sur l’Europe. Puis, fidèle à son style “je menace, je recule, je négocie, je me félicite”, il a reporté le tout à juillet. Résultat : la marchés asiatiques sont en mode sac de nœuds. Pendant que la plupart des marchés faisaient du surplace, le Japon s’est offert une 3ème séance de hausse d’affilée, boosté par des bruits de couloir qui parlent de nouveaux pourparlers commerciaux avec les Ricains – accords qui ne résolvent rien à la dette japonaise (mais pour l’instant tout le monde s’en fout). En tête du peloton il y avait Nippon Steel, qui a bondi de 4% après que Trump ait soudainement décidé d’adorer leur rachat de U.S. Steel. Un revirement magistral de “vous touchez pas à notre acier national” à “vive le partenariat stratégique”.

Trump s’est aussi fait plaisir sur son obsession préférée : les iPhones “pas made in USA”. Il menace de coller 25% de taxes sur tout ce qui rentre de l’étranger avec une pomme au dos. Les fournisseurs asiatiques d’Apple ont trinqué : AAC Tech, Luxshare, Goertek, TSMC, SK Hynix, même Samsung ont tous perdu entre 0.2% et 2%. Hong Kong baisse, plombé par BYD qui se fait démonter après un rallye un trop rapide, le titre reperd près de 8%. Shanghai hésite, un indice monte, l’autre baisse. Le tout sur fond de “on discute encore un peu avec les Américains mais on se méfie quand même, surtout quand on voit les aller-retours de Trump sur tous les sujets.

En résumé :

• Trump fait du Trump : menace, recule, avance et confond partenariat et rachat.
• Tokyo rit, grâce à Nippon Steel mais ne résout absolument rien du côté de la dette
• Apple et ses fournisseurs trinquent sévère, mais on compte sur Trump pour nous annoncer un truc avant l’ouverture de demain.
• Et l’Europe se félicite du dernier 180 degrés de Trump qui efface du même coup la crainte de vendredi soir. Enfin, jusqu’en juillet.
• Nvidia va lancer une puce Blackwell “light” pour pouvoir exporter en Chine et en même temps, c’est les stars de la semaine, puisqu’ils publieront mercredi soir après la clôture, les analystes sont plutôt timorés – surtout après le rebond de ces dernières semaines.

La semaine qui nous attend

Cette semaine commence donc dans le calme avec l’absence des Américains, mais la présence permanente de Trump. L’Europe devrait ouvrir en hausse en poussant un « ouf » de soulagement après le revirement du week-end. Trump a également repoussé les négociations avec l’Iran au sujet du baril – négociations repoussées en juillet – ce qui permet au baril de trouver un support autour des 60$. Ce matin le baril est à 61.76$, l’or est à 3’376$ et le Bitcoin vaut 109’000$ et des poussières. Du côté des chiffres – en plus de Nvidia – nous aurons la confiance du consommateur aux USA, ainsi que les Minutes du FOMC meeting, puis le PIB américain ainsi que le PCE – chiffre adoré par les membres de la FED pour tirer des conclusions sur l’inflation.

Voilà, surveillez quand même ce qui se passe au Japon et ne quittez pas des yeux les réseaux de Trump, tout peut arriver. Excellent début de semaine à tous et on se voit demain pour le VRAI début de la semaine dans le monde merveilleux de la finance !

Soyez forts et à demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

« The four most expensive words in the English language are, ‘This time it’s different.’” –Sir John Templeton