Deuxième séance consécutive d’optimisme sur les bourses mondiales et tout ça grâce aux méthodes de la Trumponomie. On vous colle des taxes dans tous les sens, on terrifie le marché, on se fâche avec tout le monde et 3 jours après, on se la joue « tout cru patate crue ». Et les marchés remontent parce qu’ils sont TROP TROP contents que l’on parle désescalade en Chine et que, finalement, Powell ne soit pas viré. Le mot qui revient le plus souvent ce matin, c’est le mot : SOULAGEMENT. Reste plus qu’à que Trump ne nous refasse pas une pirouette dans les 24 prochaines heures et on devrait pas trop mal finir la semaine. Pour une fois.

L’Audio du 24 avril 2025

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Volatilité

La question c’est de savoir combien de temps ce cirque va encore dure. Non, parce qu’on ne va pas se mentir, autant la volatilité c’est marrant quand on veut faire du trading, autant c’est quand même relativement pénible quand on ne sait pas à quelle sauce on va se faire bouffer demain. Non seulement demain, mais surtout : SUR LE MOYEN TERME. Il n’y a pas besoin de savoir construire des fusées pour comprendre que les sociétés qui publient leurs résultats en ce moment sont complètement paumées et sont incapables de faire la moindre prévision au sujet de l’avenir et que ça se ressent inévitablement dans le comportement des investisseurs. Pas de vision : pas de pognon.

Non parce que Trump nous bassine avec son MAGA – son Make America Great Again – depuis plus d’un an et là, la seule chose qu’il a réussi à faire c’est plutôt du MVGA, plutôt que du MAGA. Comprenez : Make Volatility Great Again… On se fait balader dans tous les sens depuis le mois de janvier et pour être franc, je crois que l’on préférait quand même quand l’intelligence artificielle c’était trop génial et que ça prenait 12 % par jour, tous les jours et que l’on se foutait totalement de ce qui se passait dans la macro – parce que tu comprends, il y a Nvidia – plutôt que la période que nous vivons actuellement, période qui nous oblige à vivre au gré et au vent des déclarations d’un Président BIPOLAIRE avec une coupe de cheveux toute pourrie. Quoiqu’il en soit, pour le moment, nous n’avons visiblement pas le choix et il faut faire avec les valses à trois temps de Donald Trump, valses qui fonctionnent toujours sur le même rythme…

1) On menace
2) On colle de nouveau tarifs – Le marché se pète la gueule
3) On annonce des progrès ou on fait des moratoires sur les tarifs – le marché repart à la hausse
4) Comme il n’y a toujours pas de progrès et pas de trade deal : on menace…
5) On colle de nouveau tarifs – Le marché se pète la gueule
6) Vous connaissez la suite..

C’est ce que l’on peut appeler le cercle vertueux de la politique de Donald Trump. Quoi que je ne sais pas si le mot vertueux est très justifié dans ce cas, puisque selon Wikipédia, en économie le mot vertueux est utilisé pour qualifier un enchaînement positif de plusieurs évènements. Dans le cas qui nous occupe, c’est plutôt un enchaînement de communiqués de presse sans queue ni tête qui fout le doute à tout le monde et qui nous fait tourner en rond. Mais bon, hier les marchés sont remontés parce que les paroles de Trump étaient rassurantes. Rassurantes dans le sens où il fait un geste en direction des Chinois et rassurantes dans le sens qu’il ne va pas virer Powell et remettre en question l’indépendance de la FED. Pour le moment. Si je me réfère au cycle précédemment expliqué, nous sommes à l’étape 3 du cycle. Le week-end c’est dans 36 heures et je suis prêt à prendre les paris comme quoi il va nous faire une merde d’ici lundi matin !!!

L’Europe en folie

Les bonnes nouvelles annoncées dans la nuit de mardi à mercredi ont donc permis aux marchés européens de repartir à la hausse et de faire fi de la séance de lundi, on ne va pas dire que l’euphorie était parmi nous, mais disons que là aussi, le soulagement s’est fait sentir. Le soulagement, plus quelques chiffres trimestriels qui n’étaient pas mauvais. En Allemagne, c’est SAP qui tirait tout l’indice a eux tout seuls, leurs excellents chiffres, plus une guidance d’une autre planète ont entrainé le reste de la techno à la hausse et ce malgré un chiffre du PMI qui montrait une nouvelle contraction de l’économie allemande (mais on s’en fout parce qu’il y a plein de pognon qui arrive) et malgré le fait que le modèle de croissance allemand, tiré par les exportations, est confronté à de sérieux défis. La bonne nouvelle c’était que le merdier made in Trump n’a pas encore provoqué de ralentissement majeur dans le secteur manufacturier. Enfin, pour le moment. Le DAX terminait en hausse de plus de 3%. On notera que depuis les bas du 7 avril, l’indice allemand a repris 19%… Rien que ce chiffre et la vitesse de la hausse en dit long sur l’état mental des marchés boursiers.

Du côté de Paris c’était la folie générale avec un grand ouf de soulagement (là aussi). Entre Trump qui se détendait et la Chine qui déclarait que les portes étaient « grandes ouvertes », on ne pouvait pas rêver mieux. Pour le moment. Les chiffres publiés hier étaient à voile et à vapeur, puisque d’un côté nous avons eu Eurofins qui a confirmé ses objectifs annuels, estimant que les droits de douane américains ne devraient pas avoir de conséquences sur ses coûts, tout en exprimant une certaine prudence dans ce « climat économique incertain ». Tu m’étonnes, mais le marché se foutait pas mal de la prudence et le titre explosait de 12%. Histoire de voir les deux côtés de la pièce, nous avons également eu des chiffres pas terribles chez Kering qui nous rejouent le scénario des trimestres précédents : Gucci ça va pas bien, on n’arrive pas à s’en sortir, gna-gna-gna, ils annoncent des baisses de fréquentations dans leurs boutiques – surtout chez Gucci – bon, en même temps quand tu vois combien c’est moche – t’as pas envie de fréquenter une boutique, même depuis la vitrine. Enfin, peu importe, le titre a tout de même fini en hausse de 3% ou presque, parce que « tu comprends, Trump s’est détendu ». Il n’a pas acheté de baskets Gucci, mais il s’est détendu.

En Suisse et dans les tribunaux

En Suisse on a suivi le mouvement avec Logitech qui continue d’essayer de rebondir vu la meilleure ambiance aux US. UBS qui reprenait 4.4% parce qu’ils vont bosser avec l’Inde et aujourd’hui on va scruter les trimestriels de Roche, Nestlé et Kuhne Nagel. Autre sujet du jour qui n’a pas eu vraiment d’importance pour les marchés, la Commission européenne a infligé des amendes de 500 millions d’euros à Apple et 200 millions d’euros à Meta pour non-respect du DMA – le Digital Markets Act pour les intimes. C’est une législation qui vise à limiter le pouvoir des grandes plateformes numériques et à protéger les consommateurs européens. Aaahhhh, la régulation : grande spécialité européenne, pendant que les Américains et le reste du monde se lance dans l’innovation, en Europe : on régule.

Donc, hier la commission européenne a fait sa petite crise de nerf et a sanctionné Meta atApple. Apple est sanctionnée pour avoir restreint la liberté des développeurs d’applications en les empêchant de promouvoir des alternatives à l’App Store. Cette pratique limite la concurrence. Meta est épinglée pour son modèle « consentir ou payer », qui oblige les utilisateurs à choisir entre partager leurs données personnelles pour la publicité ciblée ou payer un abonnement pour une version sans publicité. La Commission estime que ce choix binaire ne respecte pas les droits des consommateurs. Apple et Meta ont désormais 60 jours pour se conformer aux exigences du DMA, sous peine de sanctions supplémentaires. En conclusion, 500 millions d’amende pour Apple c’est une goutte d’eau dans la mer, par contre il sera intéressant de voir comment la Maison Blanche pourrait utiliser cette sanction en appliquant des tarifs. Affaire à suivre.

Ailleurs dans le monde

Ce matin l’Asie est partagée. Après avoir ouvert en hausse un peu partout, Shanghai et Hong Kong sont repassées dans le rouge. Le Japon est en hausse de 1% et le thème favori reste « la désescalade ». L’or s’est donc pris une claque hier, après avoir touché les 3’500$, le métal jaune s’est subitement dégonflé et ça fait les gros titres de certains médias, car aussi fou que ça puisse paraître, l’or peut AUSSI baisser. À l’heure actuelle, l’once est à 3’337$, le pétrole est à 62.86$ et le Bitcoin a repassé les 92’000$. On commence presque à en reparler.

Pour le reste, hier soir aux USA, nous avons eu droit à la publication du Beige Book. On est bien d’accord, la plupart du temps, tout le monde s’en fout. Tout le monde s’en fout et c’est toujours le cas, puisque c’est pratiquement passé inaperçu, mais je voulais quand même y revenir, parce que la publication est tout de même très intéressante. Très intéressante, parce que malgré les discours rassurants, l’économie américaine montre des signes de faiblesse. Le dernier Beige Book de la Fed, révèle une activité économique en perte de vitesse, des tensions inflationnistes et une incertitude grandissante liée aux politiques commerciales de qui-vous-savez.

Le Beige Book. Ce fameux rapport où les banquiers centraux nous racontent ce qu’ils voient à travers la vitre teintée de leur bureau climatisé. Et cette fois, le tableau, c’est pas exactement une pub pour le rêve américain.

On commence tout de suite avec une Activité économique qui est qualifiée de « stable », mais mollement. Mollement stable ??? Je ne veux même pas imaginer ce que a peut vouloir dire – toujours est-il que sur les 12 districts de la FED, y’en a seulement 5 qui ont osé dire qu’ils voyaient un peu de croissance. Pas un feu d’artifice hein, juste un « léger mieux », du genre « je suis passé de la béquille au déambulateur ». Et pendant que la consommation générale se dirige vers les soins intensifs, les voitures se vendent comme des petits pains… mais pas parce que les gens deviennent riches et qu’ils commandes des Ferrari’s et des Porsche en multipack, non: ils flippent que les tarifs douaniers de Trump fassent flamber les prix. Donc ils achètent maintenant – moins cher – Parce qu’ils ont la trouille. Classe.

On enchaîne avec l’inflation. Les prix, oui, ils montent, aussi fou que ça puisse paraître, gentiment, mais sûrement – enfin, eux ils disent « modérément ». Mais les tensions s’accumulent, surtout sur tout ce qui vient de l’extérieur des USA. Et les entreprises ont déjà le doigt sur la gâchette des hausses de prix, prêtes à tirer dès que Trump hausse le ton côté Chine. Donc oui, l’inflation est peut-être “calme”, mais elle fait des pompes tous les matins histoire d’être prête le jour où…

On continue avec l’Emploi : moins pire que prévu… mais pas bon non plus. Y’a des licenciements, mais ça reste « soft ». En revanche, les boîtes recrutent plus facilement… ce qui est soit une bonne nouvelle, soit le signe que tout le monde a tellement peur qu’il accepte n’importe quel job. Sauf les postes techniques, là c’est toujours la guerre. Comme quoi, savoir coder ou réparer un robot, ça peut toujours aider.

Chapitre 4 de ce Beige Book, « L’INCERTITUDE ». Mot qui est répété 80 fois dans le rapport – sans rire. C’est dire à quel point les boîtes américaines sont paumées.
Entre Trump qui souffle le chaud, le froid, puis le napalm et de nouveau le chaud et le froid, les taux qui vont dans tous les sens et les chaînes d’approvisionnement qui dansent la macarena, les patrons n’investissent plus, ils serrent les fesses et les dents et espèrent que ça bien va passer.

Et on termine par le tourisme qui est en chute libre. Par exemple, les Canadiens ne viennent plus, les voyages d’affaires ont été coupé massivement, les conférences remplacées par des « Zoom » ou des Google Meet. Bref, les réunions sont en récession et quant aux vacanciers, c’est la zone parce que c’est très mal vu d’aller en vacances au pays de chez Trump (mais je veux bien me sacrifier pour aller voir cet été si ça se passe bien ou pas).

Conclusion de tout ça : Bienvenue dans l’Amérique du “pas tout à fait la cata, mais pas loin”. Le Beige Book d’avril 2025, c’est un peu comme un diagnostic médical qui dit : “vous n’êtes pas mourant, mais vous êtes loin d’être en forme”. La Fed, elle, va devoir jouer au funambule : ne pas faire paniquer les marchés, ne pas faire péter l’inflation à la hausse, ne pas aggraver la croissance molle, et surtout ne pas déclencher cette vilaine cousine qui rôde depuis les années 70 : la stagflation. Parce que si on bascule là-dedans… là, même Powell n’aura plus de tour de magie.

Le reste

Pour le reste, je vous disais en début de chronique que l’on ne sait pas quand Trump va nous en remettre un dans la figure et bien il faudra quand même retenir qu’hier soir il a dit qu’il pourrait suspendre le moratoire mis en place il y a quelques jours – mais pour certains pays seulement. Il en a également remis une couche sur Powell estimant que le patron de la FED devrait baisser les taux et qu’il pourrait être amené à l’appeler… Bref, ce type va dans tous les sens, souffle le chaud et le froid à 24 heures d’intervalle et il semble prudent, si vous comptez rentrer dans les marchés aujourd’hui, de porter un casque intégral et des gants.

On notera encore les très bons chiffres de chez Hynix en Corée, Hynix qui sont un des gros fournisseurs de Nvidia. Les chiffres sont bons, mais la volatilité des commandes est assez spectaculaire selon eux. Toujours dans les chiffres, Boeing a publié des chiffres moins pires que ce qui était craint – d’où la hausse d’hier. Et le Wall Street journal estime que la volatilité actuelle est la « nouvelle normalité » sous Trump 2.0. Super.

Les chiffres de la journée

Du côté des attentes du jour, nous aurons donc du monde au balcon en Suisse, puis aux USA nous aurons Pepsico, Southwest et American Airlines qui semblent tout deux super-prudents sur le tourisme, mais il y aura aussi Intel et Alphabet ce soir après la clôture. En Europe nous encore des Sanofi, Thales, Air Liquide, Saint Gobain, Nokia, Accor, Renault.. bref, y aura une chiée de monde et une montagne d’interprétation à faire ! Côté macro, ça sera IFO en Allemagne et Durables Goods aux USA, ainsi que les Jobless Claims.

Pour le moment, les futures sont en baisse de 0.20% et pour être franc, j’ai l’impression qu’on attend juste la prochaine claque… surtout après deux jours de hausse ! En attendant n’hésitez pas à vous inscrire à la Newsletter d’Investir.ch – c’est gratuit et gratuit, c’est pas cher. Ensuite vous recevrez tous les updates de cette chronique dès qu’elle sera publiée – pas aussi tard que ce matin – mais là c’est parce qu’il y a trop de trucs à dire !!

Belle journée à tous et à demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

« The reason I talk to myself is because I’m the only one whose answers I accept. » — George Carlin