Il me semble que les choses sont assez claires. Depuis que Trump est arrivé, les marchés sont devenus complètement ingérables. Entre incertitude, mise en place des tarifs et volte-face sur les tarifs dans tous les sens. Tellement dans tous les sens que plus personne n’est très au clair sur le qui paie quoi, pendant combien de temps et jusqu’à quand. Depuis fin janvier c’est le bordel total et nous sommes victimes d’une volatilité complètement débile tout étant obligés d’investir à tâtons. Mais ce qu’on vit depuis quinze jours – alors là on frise un niveau de débilité rarement vu dans les marchés. Ça n’est même plus le fait que c’est volatile – les marchés sont devenus inconséquents…

L’Audio du 23 avril 2025

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Florilège

Si vous voulez un résumé très rapide de ce que qui s’est passé hier où nous en sommes ce matin, j’aurais tendance à vous dire que l’on peut reprendre mot pour mot ce que l’on se disait hier matin et dire EXACTEMENT l’inverse ! Je dois vous dire que ça n’est vraiment pas simple de rester calme et rationnel dans cet environnement de marché qui donne l’impression que nous nous trouvons enfermés dans un asile de fous où tout le monde est autorisé à dire tout et n’importe quoi mais également TOUT ET SON CONTRAIRE ! Et pendant ce temps-là, on serait supposé prendre des décisions d’investissement avec tout le recul et l’analyse nécessaire et EN PLUS trouver des choses intelligentes à dire…

Clairement, ce matin nous avons atteint des niveaux de « N’IMPORTE QUOI » qui ne veulent plus rien dire. Si l’on essaie de se remettre dans le contexte et que l’on prend le temps de revenir un tout petit peu en arrière – on se souviendra qu’hier matin à la même heure, les marchés, les médias, les stratèges de Wall Street et les visionnaires du monde de la finance étaient tous en train de se ronger les ongles au bord de la panique économique dans laquelle Trump faisait mine de nous emmener alors qu’il crachait au visage des Chinois pendant que – dans un second temp – il inventait des mots et des insultes pour expliquer à Wall Street ce qu’il pensait de Jerome Powell : en gros, il le voyait assez bien se faire jeter hors de la FED après avoir été passé dans le goudron et les plumes, pendant que la Maison Blanche nommerait un type le moins qualifié possible à la tête de la FED – pour autant qu’il soit obéissant et enclin à baisser les taux n’importe comment mais surtout très très vite.

Angoisse, tournage de veste et revirement artistique

Dans cet environnement nauséabond dans lequel la journée a commencé, il ne fallait pas non plus attendre des miracles. Les marchés US avaient passé la séance du lundi de Pâques massivement dans le rouge – pour toutes les raisons que l’on connait mais surtout à cause de la guerre commerciale avec la Chine et à cause du fait que Powell était un tocard – selon la Maison Blanche – et qu’un licenciement du Powell en question pourrait éventuellement peut-être entrainer un poil d’incertitude sur les marchés financiers et que là tout de suite, L’INCERTITUDE commençait à fatiguer tout le monde. Et je crois qu’au stade où nous en étions hier matin, les mots devenaient difficiles à trouver pour décrire correctement la notion d’INCERTITUDE dans laquelle nous étions. Ou « nous SOMMES », là tout de suite je ne sais plus trop comment qualifier l’état mental du monde merveilleux de l’investissement – même si de prime abord, je dirais que le terme de BIPOLAIRE est le premier qui me saute aux yeux.

Toujours est-il que les marchés européens ont ouvert en baisse alors que les futures américains pointaient vers la hausse ; parce que tu comprends, après une forte baisse, on peut toujours espérer un rebond. Je précise tout de même que lorsque que nous avons ouvert hier matin en Europe, la Chine et les USA étaient toujours en train s’envoyer la vaisselle à la tronche et Powell était TOUJOURS un tocard. Puis, alors que les heures s’égrenaient à l’approche de l’ouverture de New York, on a commencé à se dire que « POTENTIELLEMENT » les Américains avaient l’air d’être « un poil » plus optimistes que la veille – on commençait même à parler « d’optimisme sur la thématique des droits de douane » sans pour autant que quoique ce soit ait été annoncé du côté des clowns de la Maison Blanche. Mais en revanche, nous avions déjà eu droit à des chiffres trimestriels qui n’étaient pas si mauvais que ça. C’était plutôt pas mal chez l’Oréal. L’Oréal qui a publié un trimestre en hausse de 3.5% avec un chiffre d’affaires de 11.73 milliards tout en déclarant qu’ils ont surperformé le marché du luxe. Mais c’est surtout le fait que les guidances sont restées solides et que l’Oréal s’en sort plutôt bien dans un contexte de marché que l’on va qualifier de « compliqué ».

L’interprétation

Et peut-être que lorsque l’on fait le bilan psychiatrique des marchés, nous devons prendre conscience du fait que dès à présent, il va falloir mettre l’accent sur l’interprétation des publications trimestrielles – puisque l’on sait déjà qu’aucune société ne va publier des guidances euphoriques en disant : « Oh oh oh, mais ça va être tellement facile l’année 2025 qu’on va peut-être même doubler nos bonus par rapport à 2024 et se les payer d’avance, champagne pour tout le monde !!! ».

Non, ça, aucune société ne va faire ça. Bien au contraire. On va plutôt faire de la victimisation version XXL et venir pleurer pour dire que ça va être très très dur et que ça serait quand même bien que les analystes n’attendent pas trop pour 2025, parce que potentiellement on ne sait même pas si on va pouvoir organiser une « Christmas Party » cette année et qu’il faudra peut-être la reporter en mars 2026… Oui, ça va pleurer sec dans les conférence post-publications, histoire que l’on attende rien de la part des grandes entreprises mondiales, parce que Trump il est trop méchant. Bref, L’Oréal s’en est bien sorti hier et c’était également le cas de 3M aux USA. 3M a publié une guidance de merde, mais encore une fois, tout le monde va publier sur le même modèle – je ne suis d’ailleurs pas loin de penser que ce trimestre, c’est CHATGPT qui va écrire tous les communiqués de presse et qu’ils auront tous un ton bien geignard qui donnera à chaque fois envie d’organiser une cagnotte en ligne pour les soutenir financièrement, parce que Trump il est trop méchant.

Tout ça pour vous dire que plus les heures passaient et plus les publications « pas trop mauvaises sortaient » (l’Oréal a pris plus de 6% et 3M plus de 8%), on a retrouvé un peu le goût de vivre et l’envie d’acheter des actions parce que – comme le disait un résumé des marchés à la clôture hier soir très tard : « les marchés retrouvaient un semblant d’optimisme dans L’ESPOIR DE VOIR LA PROBLÉMATIQUE DES DROITS DE DOUANE S’ALLÉGER… Alors pour être franc, je ne sais pas où ils ont vu ça et comment ils arrivent encore à croire ce qui vient de Washington, mais c’est en tous cas une des raisons qui poussaient les indices à la hausse en fin de journée. Sans oublier le fait que – la porte-parole de la Maison Blanche en a remis une couche sur Powell en soutenant son bon Président qui – selon elle – avait BIEN RAISON d’exprimer son COURROUX sur Powell qui était quand même bien un GROS TOCARD. Je dis « était » parce que vous verrez que dans deux paragraphes, ça va prendre toute sa saveur.

Le vent change de direction

Et puis, plus les heures passaient plus on sentait que la baisse de lundi était quand même surfaite et que même si Powell était un tocard, on allait s’en remettre et qu’en fait le plus important c’était quand même de voir que sur le premier trimestre – les chiffres des sociétés n’étaient quand même pas si mauvais (même si on a un peu oublié que les droits de douanes vont surtout se faire sentir dans la période d’après février et que là tout de suite, on n’a encore rien vu). Peu importe : la différence de ton entre lundi soir et mardi soir à New York était drastique. En fin d’après-midi les choses se sont accélérées parce que plusieurs membres de la FED ont parlé – les noms n’ont que peu d’importance – mais ce qu’il fallait surtout retenir c’est qu’ils sont d’accord pour dire que si les tarifs douaniers restent comme ils le sont aujourd’hui et qu’aucune solution n’est trouvée, l’économie va en prendre plein les dents. Et puis ils sont tous montés au front pour dire que Powell, en fait, c’est pas un TOCARD et qu’il a quand même fait un « super-job » jusque-là. Les commentaires étaient tellement bons de la part de certains que par moment on avait l’impression que Powell n’avait pas encore donné les ordres de virement pour les bonus de 2024.

Mais hier c’est surtout Scott Bessent qui a allumé la mèche de la fusée qui a propulsé le S&P500 en hausse de 2.51% et le Nasdaq de 2.71%. Dans une réunion ultra-secrète (mais dont tout le monde parle déjà parce qu’elle était retransmise en direct pour les gens qui sont plus égaux que les autres), le Secrétaire du Trésor américain a confié qu’il s’attendait à une « désescalade imminente » de la guerre commerciale avec la Chine. Oui, cette même guerre qui a été lancée avec fracas par son boss et qui, selon lui, ne peut pas durer éternellement. C’est pendant une conférence « secrète » de JP Morgan qu’il a admis que « négocier avec la Chine serait un « chemin semé d’embûches ». Mais que : « rassurez-vous les gueux », ni les États-Unis ni la Chine ne pensent que le statu quo est tenable. Autrement dit, après avoir joué aux durs pendant des semaines, les deux camps réalisent que cette guerre commerciale est aussi productive qu’une réunion sans café ou qu’une soirée en boîte de nuit sans Red Bull et sans Vodka. En résumé ; la stratégie du « je te taxe, tu me taxes » aurait atteint ses limites. Et maintenant, place aux négociations, aux compromis et, espérons-le, à une tasse de thé partagée entre Trump et Xi Jinping.

Dans ce contexte, la séance était pliée. En l’espace de quelques communiqués de presse bien sentis et bien placé, on a redonné une certaine légitimité à Powell et des espoirs de voir les tarifs douaniers se résumer à une bonne blague de la part de la Maison Blanche qui devrait bientôt nous faire un communiqué de presse qui dira « QUOI ??? MAIS VOUS AVEZ RÉELLEMENT CRU QU’ON ALLAIT LE FAIRE POUR DE VRAI ??? »… Et alors que les marchés terminaient presque au plus haut de la journée et que l’on avait l’impression que l’on s’était quand même foutu de nous durant la séance de lundi et que – SURTOUT – on ne pensait pas que la journée pouvait être pire en terme de foutage de gueule, Trump et Musk nous ont prouvé tous les deux que nous étions tous des marionnettes et qu’ils pouvaient faire ce qu’ils voulaient, comme ils voulaient et qu’à la fin, ça sera quand même nous les dindons de la farce..

Il y avait l’avant et il y avait l’après

Alors que la journée était déjà bonne en termes de performance et que l’on retrouvait tout doucement le gout de vivre et que l’incertitude se dissipait (un peu), le Président Trump a déclaré, je cite : « qu’il n’avait « aucune intention » de limoger le président de la Réserve fédérale, avant la fin de son mandat. » Autant vous dire que la déclaration en a surpris plus d’un – là aussi le mot BIPOLARITÉ me vient inévitablement à la bouche : ça fait des jours et des jours que Trump vomit sur Powell, c’est même un secret de polichinelle qu’il bossait sur un projet pour le remplacer et là, au milieu de nulle part – le gars vient nous faire un tournage de veste et nous dit les yeux dans les yeux qu’il n’a JAMAIS EU L’INTENTION de virer Powell même dans ses rêves les plus fous et qu’en fait « il préfèrerait JUSTE que Powell soit un peu plus réactif parce que selon lui – actuellement – c’est une période idéale pour baisser les taux ».

À ce stade-là, c’est soit Trump nous prend tous pour des cons et il va continuer à se foutre de nous parce que ça l’amuse. Soit il a réalisé que jouer avec l’indépendance de de la FED pourrait avoir des conséquences économiques pas très cool pour le pays qu’il est soi-disant en train de rendre « Great Again ».

Moi je vais vous dire un truc : à l’époque des élections américaines, on disait qu’on avait le choix entre la peste et le choléra si l’on devait choisir entre Harris ou Trump. Et j’avais osé dire que s’il y avait un troisième choix de candidat sous la forme d’une chèvre, je choisirais la chèvre sans hésiter. Ben je vais vous dire un autre truc : ce matin, la chèvre me manque terriblement.

Ils sont tous fous !

Surtout que cette histoire de bipolarité et de conneries en tous genre ne s’arrête pas là. Pourtant, je crois quand on voit ce qui s’est passé hier, quand on entend ce qui s’est passé hier, on a bien raison de penser ce qu’on pense. Mais malgré tout, la journée n’était pas terminée parce qu’il y avait les chiffres trimestriels de TESLA. Et si vous vouliez voir des chiffres de merde et un trimestre tellement pourri qu’on aurait dit que Tesla avait choppé le COVID, j’imagine que vous avez été servis.

Tesla a annoncé une chute vertigineuse de 20 % du chiffre d’affaires de la partie automobile. Le bénéfice par action attendu était de 39 cents, ça sort à 27. Le chiffre d’affaires attendu était de 21,11 milliards, ça sort à 19,34. Le chiffre d’affaires global a baissé de 9%. Tesla a déclaré que l’une des raisons de cette baisse était la nécessité de mettre à jour les lignes de ses quatre usines de véhicules pour commencer à fabriquer une version rafraîchie de son populaire SUV Model Y. L’entreprise a également indiqué que la baisse des prix de vente moyens et des incitations à la vente avait pesé sur le chiffre d’affaires et les bénéfices. Par contre à aucun moment on mentionne le fait que 47% des Américains ont une mauvaise image de Tesla et que c’est pire ailleurs dans le monde. On ne mentionne pas non plus le fait que les ventes sont en chute libre et que l’image de Musk est devenue totalement merdique depuis qu’il passe ses week-end en Floride dans la réplique de l’Élysée où habite Trump. Et puis, personne n’a mentionné un seul instant les ROBO-Taxis qui arrivent en août… Si ça se trouve, il s’est encore foutu de nous.

En résumé ; si dans une école de finance on devait présenter un exemple de publication trimestrielle pourrie, la publication d’hier conviendrait parfaitement. Alors vous me direz : oui, d’accord, les chiffres sont tellement pourris que personne ne regarde la guidance, mais alors pourquoi le titre est en hausse de 5% after close après avoir DÉJÀ pris 5% durant la séance ??? Eh bien, encore une fois : LA BIPOLARITÉ. Comme à chaque publication, Elon Musk vient faire son show et hier peu importe ce qu’il a dit, ce que le marché, les investisseurs, les shorts et les Hedge Funds ont entendu c’est : « Je vais passer moins de temps au DOGE d’ici le mois de mai et je vais me concentrer un peu plus sur la gestion de Tesla »… Non parce qu’à la fin, on s’en fout des chiffres, tant que Musk revient faire sa magie tout ira et tout va bien se passer. C’est aussi simple que ça. Si l’on devait résumer la publication d’hier on pourrait donc dire :

Chiffres de merde + Retour de Musk = Happy End

Voilà, en conclusion j’ai envie de dire que le marché est devenu complètement con, mais je crois plutôt que c’est un système entier qui commence à NOUS prendre pour des cons. Je crois que si – dans le secteur privé – un employé faisait le dixième du quart de ce que Trump fait en ce moment, je crois qu’il serait déjà viré tellement fort qu’il devrait se dépêcher de changer de ville, voir même de quitter le pays. Je pense que même chez Netflix ils n’oseraient pas faire des scénarios aussi abracadabrantesques de peur de perdre tout crédibilité. Mais à Washington, ils osent… Et le pire c’est que ça passe.

Le reste, quel reste – non parce que c’est pas tout…

ET EN FAIT, tout ça n’est même pas le pire. Parce que là tout de suite, il est 6h30 du matin, je suis en train de finir ma chronique à deux doigts de la publier et Trump vient de signaler un revirement potentiel dans sa guerre commerciale avec la Chine, il vient de dire que les droits de douane sur les produits chinois « baisseront considérablement, mais ne seront pas mis à zéro ».

P***** c’est pas possible. On n’arrive même plus à suivre tellement on nous balance de conneries à la minute. À ce stade j’aurais encore dû vous parler du baril de pétrole à 64.20$, de l’or à 3’350, du Bitcoin qui rebondit enfin à 93’000$, de SAP qui a publié de très bons chiffres et qui ont même une guidance correcte – ils doivent vendre leurs produits sur Mars probablement – je devais aussi vous dire que le FMI a coupé ses prévisions de croissance un peu partout dans le monde et qu’ils prévoient que ça sera très dur, on aurait aussi pu parler du fait que les sociétés de cartes de crédit craignent le pire parce que le niveau d’endettement explose, il fallait aussi signaler qu’aujourd’hui, il y aura les publications de Boeing, d’At&t, de Nextera, Texas Instruments et Lam Research et que du côté économique nous aurons plein de PMI’s manufacturier et composite et le Beige Book, mais pour être franc : TOUT LE MONDE S’EN FOUT PARCE QUE TRUMP A DIT QUE LES USA ALLAIENT ÊTRE TRÈS TRÈS GENTILS AVEC LA CHINE ET BAISSER LES TARIFS…

Ah oui, au fait : les futures sont en hausse de 1.6% en préouverture. Et comme disait l’autre : « Il y a de plus en plus de cons chaque année. Mais cette année, j’ai l’impression que les cons de l’année prochaine sont déjà là!… et j’ajouterais : et ils sont très nombreux à la Maison Blanche…

Passez une bonne journée et n’oubliez pas de vous abonner à la nôtre newsletter si vous ne voulez pas rater le prochain rapport psychiatrique des marchés financiers, de Donald Trump et des actionnaires de Tesla. Allez, on se voit demain. Moi je retourne me coucher en position fœtale et je crois que je vais recommencer à sucer mon pouce…

Belle journée et à demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

« I’ve never really wanted to go to Japan. Simply because I don’t like eating fish. And I know that’s very popular out there in Africa »

Britney Spears