Les marchés financiers, les obligations souveraines américaines en particulier, les membres lucides de son gouvernement et les grandes entreprises américaines ont fait plier Donald Trump dans sa guerre commerciale insensée. L’histoire économique montre que les guerres commerciales et protectionnistes finissent toujours mal. Aucune d’exception.
La stratégie de taxer les importations pour forcer les entreprises à produire aux Etats-Unis est vouée à l’échec. De nombreuses petites et moyennes entreprises américaines n’ont ni les moyens financiers ni le temps ni les compétences pour établir de nouvelles chaînes d’approvisionnement. Fabriquer des chaussures de sport (Nike, Adidas, Puma) au Vietnam demande des compétences spécifiques qui n’existent pas (plus) aux Etats-Unis; il faudra des années pour les acquérir. Les biens techniques, comme l’électronique, les équipements médicaux ou la pharmacie, ne peuvent pas être déplacés facilement, car cela prend du temps et beaucoup de capitaux financiers. De toute façon, aucune entreprise ne va investir aux Etats-Unis tant que la situation est incertaine et que Donald Trump change d’avis selon les « deals » à faire ou pas.
Les chaînes globales d’approvisionnement sont sous pression. Le transport maritime aussi. Les compagnies ne veulent plus prendre de la marchandise et celle qui est dans les containers n’est pas déchargée, car les importateurs refusent la marchandise. On observe donc un arrêt total des importations américaines venant de la Chine et du Sud-Est asiatique. Pour les petites entreprises, il n’existe pas d’alternatives d’approvisionnement et cela va se traduire par des ventes perdues et une pénurie généralisée de produits.
A court terme, cet arrêt du commerce US-Chine pourrait être une aubaine pour l’Europe avec un afflux massif de produits venant d’Asie à prix réduits pour écouler les stocks qui étaient destinés aux Etats-Unis.
Le géant de la logistique intégrée Maersk a averti que, du côté des lignes de transport de conteneurs, la baisse des réservations, associée à la possibilité que des frais de construction navale sur des navires « chinois » entrent également en vigueur cette semaine prochaine, entraînera une restructuration massive de tous les services de ligne vers l’Amérique du Nord.
Après avoir annoncé des droits de douane massifs sortis d’une formule propriétaire, Donald Trump est revenu en arrière le mercredi 9 avril annonçant une pause de 90 jours, sous la pression de Bessent, Lutnik, Rubio et Ted Cruz. Cependant, il maintenait des droits de douane de 10% sur toutes les importations, de 25% sur l’automobile, l’acier et l’aluminium, de 25% sur le Canada et le Mexique et 145% sur la Chine, qui a imposé des droits de douane de 125% sur les produits américains. Samedi 12 avril, Donald Trump annonçait une exemption de droits de douane sur les smartphones, les ordinateurs et les semiconducteurs. Mais ces droits restent encore les plus hauts depuis les années 1930.
La Chine a des armes pour répondre à Donald Trump: Hollywood, Tesla, les minerais stratégiques (70% de l’extraction globale et 90% du raffinage), dépréciation du yuan, bons du Trésor (la moins probable).
La probabilité d’une récession aux Etats-Unis a considérablement augmenté. Le moral des consommateurs et des entreprises américains sont au plus bas depuis plusieurs décennies. Au début de la saison des résultats du 1T25, de nombreuses entreprises américaines ont annoncé la suppression des perspectives. Les taux de droits de douane exorbitants ont stoppé le commerce entre les Etats-Unis et la Chine. Walmart a annoncé la suspension de ses importations d’habits et de chaussures venant de Chine, Vietnam, Cambodge et Bangladesh. Factset estime toujours une progression des profits du S&P 500 de 7% au 1T25, de 8% au 2T25 et de 11% en 2025, en grand décalage avec ce qu’on observe dans l’économie et auprès des entreprises. Les stratégistes ont augmenté considérablement le risque de récession, donc de contraction des profits, et ont réduit significativement leur objectif de niveau sur le S&P 500, pour la plupart en-dessous des 5’000. Pour notre part, nous sortons notre joker, ne sachant pas où nous allons.
Techniquement, le S&P 500 est en train de se retourner à la hausse avec une forte volatilité. La résistance cruciale sera les 5’600 pour savoir si on réintègre le couloir haussier ou pas.
En conclusion, l’administration Trump n’est pas fiable, Sa stratégie de rapatriement des lignes de production est vouée à l’échec. Sous la pression, Donald Trump cède. A court terme, les indices pourraient remonter et il y a le «Fed put». Nous suspendons notre objectif de niveau sur le S&P 500, ne sachant pas où nous allons. Aux Etats-Unis, le scénario d’une récession s’accroît et donc celui d’un bear market. Surpondération de l’Europe avec un focus sur l’Allemagne, avec l’industrie, la défense, la finance, la consommation de base, les producteurs d’électricité et les télécoms.
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