On l’aura attendu cette nouvelle semaine. Nouvelle semaine qui commence déjà avec un nouveau « show » à la Trump dont lui seul a le secret. La thématique du moment, c’est le licenciement potentiel de Powell et c’est ce qui a fait craquer le marché en ce lundi 21 avril. Non, ça n’est pas la mort du Pape, mais bien le nouveau merdier mis en place par Trump. C’est pas tous les jours qu’on peut comparer une séance boursière à la Grande Dépression, mais le Dow Jones est en route pour son pire mois d’avril depuis 1932. Et l’indice S&P 500 ne fait pas le malin non plus, puisqu’hier il a vécu sa sixième séance de baisse de plus de 1.5% sur un mois. C’était pas arrivé depuis 3 ans.

L’Audio du 22 avril 2025

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Powell sous pression

L’histoire ne date donc pas d’hier, mais force est de constater que l’on a gambergé tout le week-end sur le sujet. Jeudi dernier Trump s’en est pris à Powell et il lui a trouvé des petits noms adorables. Il l’appelle dorénavant « Monsieur Trop Tard » (ou Mister Too Late en anglais) et il a également utilisé l’expression « major loser ». Au milieu de tout ça, il a également laissé entendre et si ça n’est pas lui, c’est son service de presse, qu’il réfléchissait aux moyens juridiques de virer le patron de la FED – oui, parce que dans la pensée commune classique – le patron de la Réserve Fédérale est indépendant et ne PEUT PAS se faire jeter dehors par le Président. Sauf que ça n’est pas tout à fait exact. Techniquement, il y aurait moyen de moyenner, même si ça ne serait pas simple.

Le seul problème, dans tout ça, c’est que même si le licenciement devenait illégal, mais était tenté quand même, le mal serait fait au niveau de la réputation de la FED. Et c’est ça qui a mis la pression sur les marchés. Les marchés qui ne sont pas du tout d’accord à l’idée de voir partir Jerome Powell et qui craignent que le suivant fasse n’importe quoi pour plaire à Trump qui est probablement très doué pour manipuler les foules, mais beaucoup moins en économie. Si on avait un doute sur le point de vue des marchés – outre le fait que le S&P500 a perdu 2.36% et que le Nasdaq plongeait de 2.55% – il suffisait d’observer le marché obligataire. Alors que Trump faisait de la géopolitique façon Far West, les taux long prenaient l’ascenseur. Le 10 ans US était à 4.41% et le 30 ans tapait les 4.91%. Autant dire que du côté du crédit, ça commence à rire un peu jaune. Certains pros de l’obligataire, qu’on surnommait jadis les « Bond Vigilantes », on même envoyé un petit mot au Président, puisqu’un expert en la matière à plus ou moins dit :

« Lâche la Fed et occupe-toi de tes tarifs et de l’Ukraine »

En d’autres mots : « Powell, c’est pas ton punching-ball. Va jouer ailleurs ». Pour être franc, Trump n’a pas l’air d’avoir été touché par cette remarque et il aurait largement pu reprendre l’expression de Chirac qui disait que « ça lui en touchait une sans faire bouger l’autre ». Mais pendant ce temps-là, le marché continue de vivre et de fonctionner. Le dollar index en a profité pour aller chercher ses plus bas niveaux depuis 2022 et ceux qui pensaient que la volatilité allait se calmer cette semaine, pourrait bien revenir sur leur jugement.

Pour ceux qui veulent tout savoir et tout comprendre sur l’affaire Powell contre Trump, ce qui est possible et ce qui n’est pas possible, j’ai fait une vidéo complète sur le sujet que vous trouverez en cliquant sur ce lien et ça s’intitule : Trump vs Powell : Le scénario qui pourrait faire sauter la Bourse  – elle date de vendredi dernier, mais visiblement, elle est toujours d’actualité !

Revenons à nos moutons

Donc hier, les marchés se sont plantés à cause de la guerre Trump/Powell, mais aussi de par le fait que la guerre tarifaire continue de faire rage. La Chine et les USA ne se parlent plus et leur combat commencent à faire peur à tout le monde. Le Président Américain est en train de tout faire pour isoler la Chine et la coincer dans les cordes. Après, on sait tous que ça n’est jamais bon de s’attaquer à un animal sauvage qui est blessé, on ne sait jamais comment il va réagir. Alors un dragon, c’est encore pire. Enfin, je suppose. Pas que c’est pas non plus que je me sois retrouvé récemment confronté à un dragon. Mais toujours est-il que cette guerre tarifaire est en train de se transformer en guerre commerciale mondiale et provoque une redistribution massive des cartes. Selon ce que Trump annonce, environ 70 pays – et pas des moindres – vont recevoir une offre qui leur propose une baisse de leurs tarifs douaniers. La seule chose qu’il demande en échange – c’est de « ghoster » la Chine et de ne plus RIEN FAIRE avec eux. Ni commerce, ni plateforme d’expédition, rien… À la limite aller manger des nouilles du tigre affamé au Panda Gourmand pourrait encore être toléré, mais pas plus.

La Chine ne va – bien sûr – ne pas se laisser faire. Et Trump ne veut pas non plus les affamer et les assiéger, il veut qu’ils viennent négocier en ayant un genou à terre. Voire les deux. Le seul problème – problème qui crée encore plus d’incertitude dans les marchés – c’est que les Chinois ne veulent pas trop se laisser faire. Le concours de bras de fer est donc officiellement lancé et tant que l’on ne connait pas le vainqueur ET LES CONSÉQUENCES, ça ne va pas être simple de retrouver calme et sérénité en ce qui concerne la guerre commerciale entre la Chine et les USA ; là aussi je vous ai fait une vidéo qui s’intitule : L’ultimatum de Trump à la Chine : début d’un chaos mondial ?  et vous pouvez cliquer sur le lien, elle vous dira tout ce qu’il faut savoir sur le sujet – oui, je désolé, j’ai fait beaucoup de vidéos ce week-end, mais c’était le meilleur moyen d’exorciser le merdier dans lequel nous sommes. Merdier qui a pris forme concrètement sur les bourses américaines en ce Lundi de Pâques. Encore une fois, la géopolitique a fait son œuvre et personne ne s’est occupé des chiffres économiques et des chiffres trimestriels. Bon, en même temps, il n’y avait rien qui valait la peine d’en faire un tout un cirque. Bref, hier les bourses américaines ont terminé « presque » au fond du trou et les plus hauts de tous les temps sont à 19% d’ici… La route va être longue, surtout que tout le monde est en train d’admettre que les tarifs de Trump vont amener hausse de l’inflation, effondrement de la croissance et potentielle récession. En gros, les « experts à Wall Street » se préparent au pire – que ça soit une simple récession avec l’inflation qui baisserait en parallèle ou que ça soit une STAGFLATION, tous les avis sont dans la nature et il n’est pas simple de trouver des gens qui pratiquent encore la méthode Coué en ce moment !!!

Le génie de la manipulation

Par contre – alors que ce matin les marchés asiatiques digèrent la baisse de Wall Street en ne faisant rien – peut-être l’espoir que comme Trump n’a rien dit depuis 24 heures, on espère qu’il va se taire pour toujours. Ou alors c’est parce que les futures américains sont déjà en hausse de 0.32% et qu’on espère – ipso facto – que le sell-off causé par Powell et la guerre avec la Chine est désormais terminé et que l’on peut passer à autre chose. Personnellement je n’en ai aucune idée. Ce que je sais, en revanche, c’est que dans cet environnement il est plus simple d’avoir une vision à 10 ans qu’à 10 minutes. Au moins à 10 ans, on sait que Trump ne sera plus là. Par contre plus ça va de l’avant, plus je commence à me dire que Trump est finalement un génie incompris.

Bon d’accord, peut-être pas le genre de génie qu’on a envie d’inviter à dîner ou de laisser seul avec la valise nucléaire… Mais en matière de manipulation d’opinion, de communication politique et pour ce qui est de trouver des boucs émissaires, le mec est devenu le Ronaldo de la manipulation et le Michael Jordan de la communication politique. Et si vous cherchez un exemple, c’est encore plus facile, regardez « l’affaire Powell ». Trump est en train de le faire passer pour le « méchant de l’histoire », alors que le patron de la FED tente simplement de ne pas faire n’importe quoi afin que l’économie ne soit pas hors de contrôle.

Oui, Powell. Le patron de la Fed. Le mec que Trump a lui-même a nommé en 2017. LUI-MÊME !!! C’était SA PROPRE DÉCISION ! Aujourd’hui Trump s’en prend à lui comme si c’était un agent chinois infiltré qui voulait voler les secrets des puces Nvidia pour l’IA !!! Vous pensez que j’affabule ? Regardez plutôt…

Trump a « tarifé » le monde entier, il fait plonger le dollar, fait exploser les bourses et maintenant, il blâme qui pour tout ça ??? BINGO ! C’est tout la faute à Powell. La récession qui est à nos portes (90% de probabilité selon Torsten Slok, économiste chez Apollo, c’est ce qui attend les États-Unis si les politiques tarifaires ne sont pas rapidement modifiées) – c’est de la faute à Powell. L’inflation qui ne veut pas baisser alors que c’est les plans de sauvetage en 2020 qui ont mis le feu à cette dernière ? Powell encore. Quant au vent de panique sur les bourses mondiales, Powell encore et toujours. On sait tous que c’est faux, mais par contre une grosse moitié des USA pensent quand même que Trump a raison et pendant ce temps, le Président s’envoie un Coca Light et t’explique que tout va bien – sauf pour ce qui de ce « major loser » de Jerome.

Le dollar part en vrille

Et attendant le dollar s’est cassé la gueule depuis le fameux « Liberation Day ». L’addition se monte à 6% sur le Dollar Index, 7% contre le franc suisse, 10% contre l’or et même 3% contre le peso mexicain ! Alors oui, c’est génial pour les exportations mais vu que les exportatrices ne peuvent bientôt plus exporter à cause des sanctions de réciprocité, on peut se poser des questions. Mais c’est pas grave, parce que qui va accuser Trump ? Sûrement pas lui-même. Et sûrement pas les Républicains. Et encore moins la Cour Suprême. Ni le Mexique. Ni la Chine (trop compliqué). Non, il faut un bouc émissaire made in USA. Et ce bouc émissaire a un nom : Jerome Powell.

Le narratif est simple : « si l’économie va mal, c’est la faute de Powell parce qu’il ne veut pas baisser les taux ». C’est simple, ça se retient facilement comme une chanson populaire est les fans de « Make America Great Again » ne vont pas poser de questions. Et en plus, pour marteler la chose, Trump a son réseau : Fox, Truth Social, X et Newsmax… Une machine médiatique qui déverse la même litanie encore et encore jusqu’à que tu finisses par être convaincu. Un peu comme un rap merdique que l’on te passe en boucle jusqu’à tu te surprennes à fredonner la musique dans le bus en faisant des gestes ridicules avec tes doigts ! Pourtant, encore une fois, on ne peut pas reprocher grand-chose aux actes de Powell. Il ne veut pas baisser les taux trop vite pour ne pas redynamiser l’inflation. ON NE PEUT PAS LE LUI REPROCHER ! Il n’y a AUCUNE raison de le virer. Pourtant, les marchés flippent à mort à l’idée que cela pourrait se produire.

C’est tout de la faute de ???

Et pendant ce temps, les taux longs montent, le crédit se tend, les taux immobiliers grimpent, les marchés perdent confiance en la FED. Même si Trump ne vire jamais Powell, le simple fait d’en avoir parlé si fort aura probablement déjà fait le job. Le seul problème de cette stratégie, le seul problème qui pourrait retomber sur Trump, c’est qu’il n’aurait plus personne à blâmer ensuite.

Biden est parti, Hillary Clinton est has-been, Greta Thunberg, ça serait un peu gros, les Chinois, ça ferait un peu insistant de leur coller tout sur le dos. Reste peut-être le réchauffement climatique ! En tous les cas, il ne va pas toujours pouvoir coller la faute sur quelqu’un d’autre. Mais pour le moment, Trump s’en fiche : le populisme a besoin d’un ennemi permanent. Et Powell fait parfaitement office de punching-ball. Même si ça flingue encore un peu plus la stabilité économique. Même si ça fait grimper les taux à long terme et même si ça fait trembler la Bourse. Trump joue au pyromane, Powell fait le pompier, et pendant ce temps… l’économie prend feu. Mais à la fin c’est quand même le pompier qui va en prendre plein la gueule. Bref, Trump est peut-être bien une certaine forme de génie…

Les nouvelles à retenir

Pour les petites nouvelles à retenir, il faudra noter que Netflix a publié ses chiffres jeudi dernier et que c’était pas mal. La majorité des analystes s’attendent à voir la société passer au-dessus des 1’000 milliards de valorisation, ce qui serait parfaitement justifié selon la presse du week-end. Autrement, il y a Tesla qui s’est pris une nouvelle baffe hier. Le titre a plongé de près de 6% après que des rumeurs aient laissé entendre que leur modèle bon marché serait encore repoussé. Reste plus qu’à espérer que les Robo-Taxis ne seront repoussé à dans cinq ans – eux – et puis Tesla publiera ses chiffres trimestriels ce soir. Je me réjouis déjà. Autrement United Healthcare qui a publié des chiffres tous pourris jeudi dernier, continue de s’enfoncer. Après 22% de baisse jeudi dernier, le titre a replongé hier mais de 6.4% seulement. Ils ont non seulement raté le trimestre, mais en plus, les prévisions pour l’année ont été révisées à la baisse. Eli Lilly était en baisse de 2,6 %. L’action avait bondi de 14 % jeudi dernier après l’annonce que sa nouvelle pilule amaigrissante avait passé avec succès un essai clinique de phase 3. Les patients ayant reçu la dose la plus élevée dans le cadre d’un essai de phase 3 ont perdu en moyenne 8 kilos, soit 7,9 % de leur poids, après 40 semaines, ce qui est supérieur à la fourchette de 4 % à 7 % qui était l’objectif de la société. Lilly espère pouvoir fabriquer la pilule miracle aux USA. Merci Oncle Donald.

Autrement, le pétrole était en baisse lundi. La faute à la perspective d’une demande mondiale en berne due à la guerre commerciale mais aussi aux pourparlers encourageants entre les Etats-Unis et l’Iran. Ce matin le baril est à 62.85$ et l’or frise les 3’500$. Le Bitcoin quant à lui, se traite à 88’000$. Pour ce qui est des attentes de la journée, on va tenter de revenir un peu sur le sujet de la macro tant que Trump ne parle pas et aussi un peu sur la micro, pendant que Trump ne parle pas. Du côté macro, il y aura des gars de la FED qui vont parler, ainsi que Madame Lagarde et pour ce qui est des trimestriels, on retiendra Verizon, Ge Aerospace, Lockheed Martin et Haliburton aux USA et avant l’ouverture et puis en Europe, SAP et Temenos. Ce soir, il y aura donc Tesla et plus rien d’autre n’aura d’importance.

Pour le moment, les futures sont donc toujours en hausse de 0.39% et on va quand même devoir digérer la claque de la veille. On va y aller pas à pas et on en reparle demain ! Passez une excellente journée et à demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

« Everybody knows how to raise children, except the people who have them. » — P.J. O’Rourke