Après la semaine que nous venons de vivre, on peut trouver normal que l’on ait besoin de se poser un peu et de moins s’exciter. Pourtant, les problèmes sont toujours les mêmes et les doutes vis-à-vis des droits de douane restent omniprésents. Le cadeau temporaire fait par Trump à tout l’électronique et ses composants aura été le « driver » de la séance, mais pour être franc, si l’Europe en a profité, c’était moins frappant aux USA. On sent que personne n’y croit « vraiment » et Apple qui était censé être le « grand gagnant » de la nouvelle du week-end, ne termine en hausse que de 2.2% après avoir affiché un +7% à l’ouverture. On n’y croit pas et on attend le retour de manivelle.
L’Audio du 15 avril 2025
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Deux jours à la suite
Mais bon, on ne va pas se plaindre, ça ne peut pas monter de 10% tous les jours et les indices américains ont tout de même enquillé leur second jour de hausse consécutif. Et ça faisait un moment que ça n’était plus arrivé. Alors on ne va pas s’emballer et commencer à dire qu’une tendance est en train de se dessiner, mais disons que « pour le moment », c’est UN PEU PLUS CALME que ce que nous avons vécu la semaine dernière. En même temps, ça aurait été difficile d’imaginer pire – surtout un lundi – mais la semaine n’est pas terminée, même si elle sera tronquée avec le Vendredi Saint.
Quoi qu’il en soit, nous sommes toujours dans le même monde et même s’il y a un peu plus de nouvelles du côté des sociétés, des nouvelles qui arrivent à trouver leur voie au milieu des multiples déclarations de Trump et de son équipe, l’obsession générale se situe toujours autour des droits de douane – on ne va pas se mentir. Hier le Président Américain a encore annoncé sa volonté de trouver une solution pour « soulager » les tarifs infligés aux fabricants de voitures et même si son objectif n’était pas très clair sur le fond et sur la forme, ça aura au moins eu le mérite de donner un peu d’air à des boîtes comme GM ou Stellantis, même si – encore une fois – le nouveau moratoire que Trump voudrait annoncer sur le secteur est très peu clair. On a l’impression que l’on est tellement à la recherche d’une bonne nouvelle ou d’un peu de clarté dans cet environnement géopolitique de merde (désolé, j’ai pas trouvé de synonyme), que l’on est prêt à croire ou à s’emballer sur n’importe quoi.
L’ambiance était bonne mais sans plus
Pour faire simple, les marchés ont terminé en hausse à cause de l’annonce sur l’électronique qui a eu lieu ce week-end, mais comme – dans la foulée de l’annonce – Trump et Lutnick se sont empressés de déclarer qu’il ne fallait pas crier victoire trop tôt, le marché avait de la peine à se motiver à 100%, sachant que l’on pouvait s’attendre à un revirement à 180 degrés dans les jours qui viennent. D’où la performance qui était moyenne sans plus et surtout sans grande motivation. Comme expliqué dans le titre, c’était trop calme. Les Européens, en revanche, étaient bien plus motivés que les Américains – comme s’ils profitaient d’un lundi tranquille et sans annonce méga-fracassante pour aligner leurs performances par rapport à la semaine dernière.
Donc, en attendant les prochaines annonces de la « Team Trump » qui ne vont pas manquer de nous tomber sur la figure d’ici la chasse aux œufs, les intervenants ont fait « comme si » ça ne les concernait pas et on a – pour un temps – tenté de reprendre une vie normale. On s’est donc concentré sur les chiffres de Goldman Sachs. Alors oui, je sais, généralement on se fout pas mal des chiffres des bancaires. Même si ces derniers sont un peu le « baromètre » du début de la saison des trimestriels, généralement on sait que ça ne veut pas dire grand-chose. Ça ne veut pas dire grand-chose, parce que si l’on se base sur les attentes des analystes, il n’y a pas pire qu’un banquier qui analyse la performance d’un autre banquier. Généralement, ils sont à côté de la plaque sur pas mal de secteurs, mais sur le secteur bancaire, c’est souvent lunaire. C’est comme si personne n’était jamais parvenu à lire le bilan d’une banque sans faire une crise d’épilepsie à la huitième page et depuis, à force de finir à l’hôpital aux soins intensifs, les analystes qui couvrent le secteur bancaire préfèrent jouer les « attentes » aux fléchettes. La probabilité de se gourer est moindre.
Donc. Goldman Sachs. La bonne nouvelle c’est que le secteur s’est tellement fait déglinguer depuis que l’on a intégré le fait que la Trumponomie allait faire revenir l’inflation, la récession et qu’on allait se faire envahir par les sauterelles et que les zombies allaient prendre possession de la planète, que – forcément – les attentes étaient faibles. Du coup, la reine des banques d’affaires que l’on surnomme « la pieuvre » depuis pas mal d’année suite à un article du magazine Rolling Stones, a publié des chiffres nettement supérieurs aux attentes. Évidemment, quand t’attends rien de bon basé sur pas grand-chose, c’est difficile de rater le trimestre. Les « EXPERTS EN ANALYSE DE BILANS BANCAIRES » attendaient 12.35$ par action et c’est sorti à 14.12$ Le bénéfice trimestriel atteint 4,74 milliards de dollars, largement au-dessus des attentes. L’an dernier, sur la même période, le bénéfice était de 4,13 milliards. La banque annonce également un programme de rachat d’actions pouvant aller jusqu’à 40 milliards et lors de la conférence de presse, le patron de la banque a estimé que les risques de récession augmentent à cause des droits de douane et que l’économie US est à risque, mais qu’EUX sont plutôt confiants pour eux-mêmes. Il faut dire que les revenus du trading sur les trois premiers mois de l’année ont été de plus de 4,2 milliards. Alors quand on parle de volatilité, chez Goldman on dit : Pourvu que ça dure !!!
Des chiffres, des chiffres et des chiffres
Il n’y avait pas que Goldman qui publiait hier, puisque LVMH était de sortie. Et le résultat n’était pas fou-fou, même si l’on place de grands espoirs en l’avenir. Bernard Arnault a un peu ramé au premier trimestre – bon, que l’on se rassure, il va quand même pouvoir se payer un hôtel particulier à 100 millions au centre de Paris (et pas dans le 9-3) et il lui restera même un peu de pognon pour s’acheter un ou deux canapés Ektorp de chez Ikea. Maintenant que nous sommes rassurés sur la qualité de vie de Bernard, on retiendra que les ventes étaient en baisse de 2 %, à 20.3 milliards. Rien de dramatique, mais ça coince surtout aux États-Unis – un marché qui pèse lourd pour eux – ET C’EST BIEN SÛR à cause des droits de douane de tonton Donald. Le groupe dit rester calme, confiant… mais aussi sur ses gardes, parce que ça sent quand même un peu comme les toilettes d’un restoroute en plein mois de juillet. Cécile Cabanis, la CFO, espère que la trêve de 90 jours permettra de négocier, mais en gros : « on croise les doigts, sauf que ça ne dépend pas de nous ».
La Mode et la Maroquinerie s’en sortent bien, pareil pour les montres et la joaillerie, mais les ventes globales aux US fléchissent. Le Cognac trinque (désolé), en baisse aux US et en Chine. Et pour tenter de limiter la casse, ils ont même envoyé des stocks en avance. Pas vraiment une stratégie durable dans le temps, mais au cas où ça ne dure pas trop longtemps, ça peut peut-être suffire. Arnault, lui, joue la carte du silence. Présent à l’investiture de Trump avec ses enfants façon « dynastie du luxe », il regarde quand même comment développer les ateliers Vuitton et Tiffany aux US. Mais Macron, de son côté, dit : « on se calme sur les investissements là-bas, on attend de voir ». On se demande qui donne les ordres à qui.
Bref : LVMH est dans un entre-deux. Ça baisse un peu, mais pas de panique. Pourvu simplement que ça ne dure pas trop longtemps et si les Chinois voulait bien se réveiller, on est preneur. Le titre perdait 6% aux USA hier soir, reste à voir comment Paris va gérer la chose.
Du côté de l’Asie
Ce mardi, les marchés asiatiques sont globalement en hausse et ont le sourire… mais le sourire crispé du type qui attend pour aller faire sa vasectomie. En gros, tout le monde espère que Donald Trump va lâcher du lest sur ses fameuses taxes douanières, en distribuant quelques exemptions façon Père Noël protectionniste et dans cet état d’esprit « optimiste », les indices montent mollement – comme la croissance américaine du prochain trimestre, parce que l’espoir, c’est bien, mais l’incertitude est toujours là. La Chine, elle, fait sa propre tambouille dans son coin : un coup ça monte, un coup ça redescend. Pékin est en pleine embrouille commerciale avec Washington, et même si quelques exemptions ont été accordées, Trump a bien prévenu que c’est juste temporaire. Donc ambiance : « On respire… mais pas trop fort et on marche sur des œufs ». Le Nikkei est hausse de 1%, Hong Kong monte de 0.2% et la Chine recule de 0.1%. Je vous le dis, c’est trop calme. On n’a plus l’habitude.
Du côté des matières premières, le WTI est à 61.71$ en ce début de séance. Le baril est stimulé par les nouvelles exemptions tarifaires annoncées par le président Donald Trump. On notera d’ailleurs que ces « fameuses exemptions tarifaires » sont un peu l’Ozempic de la finance mondiale, ça sert à justifier la hausse d’à peu près tout : le cours de l’or est à 3’245$ ? C’est à cause des « exemptions tarifaires ». Le Bitcoin a repris 200$ à 85’200$ ? C’est à cause des « exemptions tarifaires ». Goldman Sachs a réussi son trimestre ? C’est à cause des « exemptions tarifaires ». Apple remonte ? C’est à cause des « exemptions tarifaires » (oui, bon là en fait c’est vrai…). Les impôts en France vont encore augmenter ? C’est à cause des « exemptions tarifaires ». Bref, ça sert à tout, vous l’aurez compris. Après, si on veut faire hyper-pro, on peut aussi dire que le WTI monte aussi à cause d’un rebond des importations de pétrole brut en Chine en prévision d’un resserrement de l’offre iranienne. Ça fait quand même plus classe et plus sérieux.
Les nouvelles qui ne parlent pas des « exemptions tarifaires »
Dans les nouvelles du jour dont on peut parler sans aborder les « exemptions tarifaires » ou les « droits de douane », on notera que Palantir a pris près de 5% hier parce que l’OTAN va utiliser leur software d’intelligence artificielle pour améliorer leurs capacités au combat. C’est sûrement une bonne nouvelle pour Palantir, mais je ne suis pas certain que ça soit une bonne nouvelle pour le genre humain. Ou alors je suis trop resté bloqué à l’époque de Skynet et du Terminator. Oui parce que quand même, le Terminator, il l’a dit plusieurs fois : il va revenir. Autrement on notera que depuis hier soir le S&P500 est passé en mode « DEATH CROSS ». Alors « Death Cross », dit comme ça, on dirait un groupe de metal norvégien ou un sort dans World of Warcraft. Mais en fait, c’est juste un signal d’analyse technique. Et pas forcément le plus fun de tous. La Death Cross, c’est quand la moyenne mobile des 50 jours croise à la baisse la moyenne mobile à long terme (souvent celle à 200 jours). En gros : changement de tendance à la baisse…
Et pourquoi on appelle ça « death » ? Parce que dans le monde des chartistes, ça sent le sapin. Historiquement, ce croisement est vu comme un signal de retournement baissier. Un peu comme si le marché disait : “Bon, les gars, la fête est finie, sortez les gilets pare-balles”.
Mais attention ! Ce n’est pas une science exacte. D’ailleurs, si l’on regarde les statistiques en remontant à 1950, on se rend compte que dans les mois qui suivent une Death Cross, le S&P500 est en moyenne en baisse de 0.5% sur un mois, mais il est en hausse de 2.5% sur le trimestre suivant, en hausse de 4.2% sur 6 mois et de 5.8% sur un an. Si ça c’est une « mauvaise nouvelle » ; je suis impatient de voir les « bonnes » ! Bref : la Death Cross, c’est un clignotant rouge sur le tableau de bord. Pas forcément le crash immédiat, mais un bon moment pour resserrer la ceinture, jeter un œil sur les freins, et peut-être arrêter de foncer tête baissée sur du Nasdaq à levier X10. Et puis on le sait, à la fin : c’est les Bulls qui gagnent !
On notera encore qu’en mars, les exportations chinoises ont explosé de +12,4% (en dollars US) par rapport à l’année précédente, alors que les analystes s’attendaient à un petit +4,4%. C’est leur plus forte progression depuis octobre 2023. Les entreprises ont accéléré les envois à l’international pour devancer les nouveaux tarifs douaniers américains (merci Trump !). En gros : “Vite, chargez le conteneur avant que ça coûte un rein.”
Pendant ce temps-là, les importations chutent de -4,3%, alors qu’on attendait seulement -2%. Traduction : la demande intérieure chinoise reste bien mollassonne, malgré tous les discours sur la reprise. Encore une mauvaise nouvelle pour Bernard Arnault qui va quand même acheter son penthouse à 100 millions…
Les chiffres du jour
Du côté des chiffres du jour, on va attendre le CPI en France, le ZEW en Allemagne et en Europe et puis il y aura également le New York Empire State Manufacturing Index. Et pour ceux qui veulent brainstormer sur les taux en Europe et qui aiment lire entre les lignes, Madame Lagarde devrait parler aujourd’hui. Pour ce qui est des trimestriels, nous aurons encore des banques, il y aura Bank of America, Citigroup et Johnson & Johnson qui ne sont pas une banque… Pour le moment, les futures sont en baisse de 0.09% et c’est toujours très/trop calme.
Il me reste à vous souhaiter une excellente journée et on se voit demain, histoire de voir si Trump s’est réveillé et s’il nous a inventé un nouveau truc. C’est fou parce qu’on s’y est presque habitué et quand rien ne se passe, on s’ennuie.
À DEMAIN !
Thomas Veillet
Investir.ch
« Never put off till tomorrow what you can do the day after tomorrow just as well. » — Mark Twain