Ce matin on va essayer de garder notre calme et rester simple dans les explications de ce qui se passe. D’ailleurs je ne sais même pas si on peut « expliquer » ce qui se passe, tellement nous sommes en train de friser le « grand n’importe quoi ». Alors oui, nous sommes toujours obsédés par la problématique des droits de douane et tout le monde a un avis là-dessus. On essaie de décoder ce qui se passe avec les infos qu’on nous donne mais, essayer de décoder ce que Trump à dans la tête devient un challenge psychologique et médical sans précédent tant l’homme a l’air complexe dans sa tête. Et au milieu de tout cela, les marchés deviennent fous. La séance d’hier restera dans les annales.
L’Audio du 9 avril 2025
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Les trois piliers en ruines
Lorsque l’on parle de finance, de marchés financiers et de bourse, on parle souvent du fait que ce monde fonctionne autour de trois piliers. Ces trois piliers, vous les connaissez, on parle de Macroéconomie – l’analyse de l’environnement économique – de Microéconomie – l’analyse des fondamentaux des sociétés – et il reste le troisième pilier qui est la géopolitique. Lorsque l’on fonctionne avec ces trois piliers en même temps et que les acteurs qui constituent le monde de la finance se concentrent sur ces trois piliers, s’intéressent à ces trois piliers et en font la base de leurs décisions d’investissement, tout se passe plutôt pas mal et nous avons une réflexion globale qui compense parfois les exagérations de l’un ou de l’autre des piliers qui pourrait être dans une période un peu compliquée. Ces derniers mois, nous avons beaucoup, beaucoup, mais alors beaucoup parlé de macro, en se concentrant sur l’inflation, les taux, la croissance économique ou la non-croissance économique et l’emploi.
Mais même si ce pilier était un sacré bordel depuis la fin de la crise COVID, on a quand même pu continuer à fonctionner plus ou moins normalement parce que les gens s’intéressaient également aux actions individuelles ou aux différents secteurs qui étaient en croissance, comme l’IA par exemple. Quant à la géopolitique, elle était toujours bien présente et on parlait tension entre Taïwan et la Chine, bombardements à Gaza, Guerre en Ukraine, élections américaines, Biden qui voulait parler au Général de Gaulle et le Général Macron qui démontait l’Assemblée Nationale. Mais ce qu’il fallait retenir, c’est que l’un dans l’autre, nous avions une réflexion globale. Une réflexion globale qui permettait d’avoir une volatilité moindre et un marché qui semblait au moins avoir un semblant de capacité à prendre « un peu » de recul et voir les choses avec un plan large pour se projeter un peu plus loin dans l’avenir que les 4 prochaines minutes.
Et puis Trump
Et puis Trump a été élu et ce fût clairement une victoire pour les marchés financiers. On en a remis une couche sur le sujet de la tech parce que Trump il voulait développer l’IA avec son projet Stargate – siiiiiiii, souvenez-vous, au tout début de l’histoire de Trump 2.0, l’IA a avait explosé parce que Trump il allait faire pleuvoir du fric sur le secteur. Tout comme pour les cryptomonnaies, c’était un COUP SÛR. Enfin, un coup (presque) sûr. Dans la foulée de la victoire incontestable du Président Républicain, les marchés se sont envolés, nous avons fait de « plus hauts historiques » comme si ça ne coûtait rien. Trump était le Messie. Alors oui, d’accord, il allait mettre en place des tarifs douaniers, mais comme TOUT LE MONDE savait que ces tarifs NE MÈNERAIENT JAMAIS à une hausse de l’inflation, c’était simplement un autre moyen, et un très bon moyen de rendre l’Amérique GREAT AGAIN et c’était tout à son honneur. Mais surtout et quoi qu’il en soit, nous étions capables de nous concentrer sur les chiffres trimestriels de Nvidia ou de ceux des Magnificent Seven, tout en se souvenant parfaitement ded dates de publication du PCE, des NFP, du CPI et autres ISM Manufacturier.
Sans compter qu’alors que nous gérions notre agenda macro et micro de main de maître, nous étions encore capables de suivre les débats électoraux au Kazakhstan ou le remaniement ministériel en Colombien, pendant que de l’autre oreille – la troisième – nous écoutions le dernier discours (un peu populiste, il fallait le dire) de Madame Meloni lors d’une Xième réunion du G-20. Et puis Trump a été intronisé à la fin du mois de janvier et nos cerveaux ont fait un « Control-Alt-Delete » et depuis nous ne sommes plus capables d’autre chose que d’articuler les mêmes mots en boucle, encore et encore :
« Droits de douane, Droits de douane, Droits de douane…. »
La nuit je me réveille en sursaut parce que j’ai rêvé que Trump venait directement chez moi prélever les droits de douane. Je me rendors et la minute qui suit, je replonge dans un cauchemar où je dois aller acheter un Nokia 3210 parce que pour acheter l’iPhone 17 je suis obligé de prendre un crédit hypothécaire et alors que je m’enfuis du Nokia Store, je suis poursuivi par un homme déguisé en « Obersturmbannführer » qui veut me forcer à rouler dans un pick-up Tesla. Quand j’ai réussi à m’échapper au volant d’une Clio Diesel équipée d’une hybridation chinoise qui se transforme en dragon après 30 kilomètres, je me réveille en sueur pour me rendre compte que nous sommes mercredi matin, que ça fait bientôt une semaine qu’on se fait balader par les tarifs de Trump et que depuis « Liberation Day » et ben justement, on n’a plus un jour de liberté.
100% Tarifs
Tous les matins, je me refais le film de la veille, je me tape environ 50 articles financiers qui parlent de bourse, de finance et d’économie – des fois je vais aussi voir des chatons qui jouent sur Tik-Tok, mais je reviens toujours à la finance. Et ce matin, je ne vais pas vous cacher que pendant un bref instant, je me suis demandé quel jour nous étions et quand est-ce que le marché était allé dans un seul sens durant toute une journée et où on n’avait pas forcément envie de s’ouvrir les veines avec un couteau à beurre trois fois par jour. Je ne sais pas si vous vous rendez compte, mais quand j’ai pris note de la clôture de Wall Street hier, j’ai eu l’impression que j’avais raté un truc, puisque hier après-midi les marchés US avaient ouvert en hausse de 4.5% et que là, devant mes yeux encore collés par la nuit, je me rendais compte que le S&P avait fini en baisse de 1.6%. Alors que lundi ça avait été exactement l’inverse. Après une ouverture au fond du bac, les indices étaient remontés en terrain presque positif.
Pourtant non, vous ne rêvez pas. Ce qu’il se passe depuis 48 heures, c’est la stricte vérité. Les marchés vont dans tous les sens et hier, pendant que l’Europe rattrapait le retard accumulé sur la séance de lundi aux USA (puisque la majorité du rebond avait eu lieu après la clôture européenne, comme d’habitude), les marchés US nous ont motivés jusqu’à la fin de la journée européenne avant de lâcher à nouveau avec une violence inouïe, histoire de nous créer un reversal baissier sur les indices américains que l’on n’avait plus vu depuis 1978. Le Nasdaq 100 ne l’avait même jamais vécu, puisqu’il est né en 1985. Et moi en 1978, je me baladais avec un maillot de l’Argentine en me prenant pour Passarella. Bref, on n’avait plus vu un truc pareil sur les indices depuis 1978. En résumé et pour rester très simple, vu qu’à l’heure actuelle nous sommes équipés d’un seul neurone qui ne réagit qu’à une stimulation : celle des droits de douane, il n’y a pas besoin d’aller chercher très loin. Le marché peut se résumer en deux équations relativement simples :
Première hypothèse :
Bonne nouvelle sur les droits de douane, perspective de négociation ou de moratoire = 5% de hausse
Seconde hypothèse :
Mauvaise nouvelle sur les droits de douane, pas de négociation, pas de moratoire, ou pire NOUVELLE HAUSSE de tarifs pour un pays autre que Saint Pierre et Miquelon = 5% de baisse
Une fois que vous avez compris ça, vous avez compris ce qui se passe sur les marchés. Attention, je ne suis pas en train de dire que ça sera comme ça les 30 prochaines années, je dis juste que là tout de suite, vous pouvez parler fondamentaux économiques, macro, micro, inflation ou PIB, tout le monde s’en fout comme de leur première cravate Hermès et de leur première bouteille de Dom Pérignon, puisque la seule chose qui intéresse et qui a le pouvoir de faire baisser ou monter les bourses, c’est « ce qui se passe sur les droits de douane ». Et même. Même si l’on se concentre uniquement là-dessus, on se rendra compte que la même nouvelle à propos des droits de douane présentée de manière différente à 3 heures d’écart, peu changer TOTALEMENT la configuration des marchés.
La Chine et Trump, une histoire d’amour
Je m’explique. Non parce que si on est arrivé jusque-là alors que l’on aurait pu résumer la journée d’hier en disant : « ce marché est complètement con, je me casse en week-end prolongé », autant aller jusqu’au bout de la narration de la séance d’hier, séance qui devrait d’ailleurs rentrer aux « HALL OF FAME DES SÉANCES COMPLÈTEMENT DÉBILES ». Donc, hier matin je me lève et je te bouscule, ensuite je lis la presse financière et on y apprend que Trump a botté en touche le moratoire des 90 jours et que ça n’arrivera pas et qu’en plus il s’est énervé contre les chinois en leur collant « potentiellement » des tarifs douaniers de 104%. Je n’invente rien je l’ai écrit dans la chronique d’hier, je cite :
« On nous apprend que Trump est fâché (encore une fois) contre les Chinois et qu’il va leur coller une surtaxe de plus. Surtaxe qui pourrait monter les tarifs contre la Chine à 104% et qu’il ne DISCUTERAIT pas avec les hommes de Xi-Jinping tant qu’ils n’auront pas supprimé les tarifs de rétorsion mis en place la semaine dernière contre les USA. »
C’est impressionnant, c’est la première fois que je me cite MOI-MÊME. J’ai peur pour mon égo. Mais reprenons. Donc hier matin tôt, on nous dit que Trump va se « faire les Chinois avec des tarifs à 104% » et le marché explose parce que visiblement on était content de voir « qu’il y avait QUAND MÊME de la place pour négocier », comme quoi quand on veut voir le verre à moitié plein, on sait le faire. Tout ça pour dire que la journée se déroule sans accroc, les marchés du Vieux Continent explosent pour faire comme les Ricains lundi soir et on se motive en se disant : « Meuh oui, ils vont sûrement proposer des délais et trouver des solutions ». Ensuite les Européens ferment et là les Américains relisent le communiqué de Trump qui d’ailleurs en remet une couche pour dire que « oui, oui, les tarifs de 104% contre la Chine seront bien appliqué des mercredi matin 00h01 heure de New York ». En gros tout ce qui part de Chine et qui va aux USA sera taxé de 104% et c’est le cas de puis 6h00 ce matin. Là tout de suite, la dernière BYD que vous avez fait venir aux States pour jouer à E-Fast and Furious dans les rues de LA, elle vous coûte le double. Oui, j’ai dit E-Fast and Furious, parce que c’est des voitures électriques et que… enfin, bref c’était de l’humour.
Mais mis à part ça, dès que les tarifs ont étéaffirmés et imposés, le marché US s’est fait défoncer. La journée de lundi, mais dans l’autre sens. Et ce matin nous sommes techniquement en Bear Market sur le S&P500 (le Nasdaq est déjà bien dedans). Nous sommes en Bear Market SI L’ON TIENT COMPTE du future qui est en baisse de 1.3% à l’heure actuelle. Mais il faut surtout retenir une chose : si vous pensiez que les niveaux d’ouverture de lundi matin étaient merdiques, eh ben on est de retour exactement au même endroit et le rebond tenté entre hier et lundi, peut déjà être balancé aux ordures. Retour à la case départ avec les mêmes interrogations que d’habitude :
« Droits de douane, Droits de douane, Droits de douane…. »
Je vous le dis, pour le moment c’est le seul stimuli qui nous fait fonctionner.
Pas de news
Pour ce qui est des news ou du reste du monde : il n’y a presque rien, on peut signaler que depuis que l’on sait qu’Apple va vendre des iPhones à 5’000 balles mais fabriqués aux USA avec des coques en bois et des écrans de récupération fait en peau de pomme de terre de l’Idaho, le titre se fait déglinguer de 5% chaque jour et Microsoft est redevenue la plus grosse capitalisation mondiale. Il paraît que Steve Jobs pourrait ressusciter tellement il est pas content. Il y a aussi Musk qui est en train de mettre l’ambiance dans la « Team Trump », puisqu’hier il a tout de même traité le responsable du département du Commerce, Peter Navarro de « moron ». Je vous laisse la traduction libre, mais quand on se parle comme ça dans une équipe, ça resserre toujours les liens.
Mis à part ça le Nikkei est en plongée de 5%, la Chine ne fait rien, mis à part des doigts d’honneur à Trump et Hong Kong recule de 1.55%. Le pétrole est à 57.14$, on a un target à 51$ et l’or est à 3’029$, pendant que le Bitcoin est de retour sur les 76’000$ et tout le monde a vu la DEATH CROSS sur le graphique. Donc voilà, si vous vous demandez, aujourd’hui il n’y pas de chiffre économiques – mis à part les Minutes du FOMC Meeting – et il n’y a pas de publication trimestrielle qui vaille la peine et nous restons bloqués sur le concept du moment qui se nomme :
« Droits de douane, Droits de douane, Droits de douane…. »
En fonction des NOUVELLES SUR LE SUJET qui sont susceptibles de sortir sur Truth Social ou sur X, la direction des marchés sera déterminée à la vitesse de la lumière au galop. Mais attention, encore une fois – selon la nouvelle et le contexte dans lequel elle est publiée, elle pourra être interprétée de différente manière. Et oui, c’est des marchés de professionnels, ça rigole pas.
Passez une bonne journée et à demain pour de nouvelles aventures sur les « Droits de douane, les Droits de douane, les Droits de douane…. »…
À demain !
Thomas Veillet a
Investir.ch
“Clothes make the man. Naked people have little or no influence in society.” — Mark Twain