La semaine qui nous attend risque bien d’être à nouveau spectaculaire. Et si c’est moins volatile que d’habitude – si par hasard c’est moins volatile que d’habitude – il y aura tout de même une avalanche de choses qu’il va nous falloir digérer. Comme toujours nous allons parler « trade deals » en fonction de ce que la Maison Blanche voudra bien nous donner comme informations, mais en plus de ça il va falloir gérer une montagne de chiffres trimestriels avec des noms comme Apple, Microsoft, Amazon et Meta en tête de pont. Sans compter que nous aurons le combo parfait avec le PCE, le PIB, les ISM et même les chiffres de l’emploi. Lundi prochain nous pourrions même regarder la FED d’un autre œil

L’Audio du 28 avril 2025

Télécharger le podcast

Un Trump bien silencieux

Je vous avoue, je ne tiens pas de statistiques, mais j’ai l’impression que ce lundi matin est le premier lundi matin calme depuis que Trump est de retour au pouvoir. Un calme tout relatif, puisque les futures sont quand même en baisse de 0.6% parce que tout le monde est « stressé » de la semaine qui nous attend et qu’il est tentant de réduire le risque avec le nombre d’échéances qui nous attendent. Cependant, il faut noter une chose : Trump n’a pas lâché de bombe durant le week-end et le sujet principal de son côté reste tout de même les droits de douane avec la Chine. Le Président a laissé entendre qu’il avait été en contact avec Xi Jinping, mais Scott Bessent a déclaré « qu’il ne savait pas » si Trump avait effectivement parlé à son pendant chinois. En gros, on nous donne des friandises pour nous laisser croire qu’il se passe des trucs de fou dans les négociations tarifaires, mais en même temps, comme ni Trump, ni la Chine ne confirme ces échanges, on se demande si on n’est pas juste en train de nous balader.

Quoi qu’il en soit Trump a été plus calme que d’habitude ce week-end, même si bien des choses ont dû être discutées durant l’enterrement du pape à Rome. Une chose est certaine, selon Bessent – toujours – plusieurs pays sont en discussion avec les USA pour trouver une sortie au niveau des tarifs douaniers et qu’il se pourrait que plusieurs annonces soient faites durant cette semaine. Ça tombe bien, on n’avait justement pas grand-chose à gérer ces prochains jours et si en plus des chiffres d’Apple, de Microsoft et consorts, on peut encore s’amuser un peu avec les accords signés entre les États-Unis et le Viêt-Nam ou la Nouvelle-Zélande, ça mettra un peu de piment dans nos vies. Et puis qui sait, Trump va peut-être nous faire un miracle avec la Chine de la main gauche, tout en réglant le problème de la guerre en Ukraine de la main droite.

La FED et les chaînes d’approvisionnement

En dehors de tout ce qu’il faudra analyser cette semaine, il y a encore deux choses de plus auxquelles il faudra prêter un peu d’attention. Tout d’abord il y a la problématique des chaînes d’approvisionnement. Ces dernières heures, on a commencé à entendre quelques chefs d’entreprises aux USA qui commencent à s’inquiéter de la suite des évènements, puisque tant qu’un accord n’est pas trouvé avec la Chine, on ne peut plus importer des marchandises de là-bas et certains experts estiment que si d’ici mi-mai un accord n’est pas trouvé, on pourrait se retrouver avec des ruptures de stocks massives sur certains produits qui viennent de Chine, rien que la semaine dernière plusieurs porte-containers n’ont pas pris la mer pour cause de droits de douanes prohibitifs (les cargos chinois vers les États-Unis ont plongé de 60%). Il n’y a – pour l’instant – pas le feu au lac, mais le sujet pourrait devenir assez obsessionnel ces prochains jours. À ne pas négliger. Parce que si l’on se retrouve avec une ambiance genre « COVID, saison 2 » dans les rayons magasins. Ça va commencer à pleurer dans les chaumières : entre pénuries, licenciements dans le transport, la logistique et le retail, ça va vite ressembler à un Black Friday… sans produits à vendre. On est déjà presque en mai, va pas falloir traîner.

Et puis, si vous vous souvenez un peu de la semaine dernière, on parlait de Powell qui pourrait se faire jeter de la FED. Les choses se sont arrangées à la dernière minute, mais dans ce scénario de politique-fiction, on imaginait que Kevin Warsh pourrait devenir le nouveau Calife à la place du Calife. Eh bien figurez-vous que Warsh s’est exprimé ce week-end et visiblement, il est tout colère contre Powell. On ne sait pas si c’est parce qu’il est frustré de ne pas avoir le job ou si c’est pour continuer à garder la pression sur la FED sur ordre de Trump qu’il fait ça, mais le discours était tout de même relativement « violent ». Selon lui, la Fed parle beaucoup trop, se mêle de tout et est beaucoup trop gentille avec les politiques qui vident les caisses des États-Unis. En gros, Warsh veut revenir à l’ancienne école : « Tais-toi, fais ton job, protège la valeur du dollar, et arrête de jouer au super-héros ».

À l’époque, les boss de la Fed (Paul Volcker, Alan Blinder & Co.) fumaient des cigares pour éviter de répondre aux questions et refusaient de parler d’économie aux journalistes. Aujourd’hui, entre conférences de presse, cibles d’inflation à 2% et météo économique détaillée, c’est devenu Disneyland dans les couloirs de la FED et de CNBC. Et ça, pour Warsh, c’est plus possible. Il pense que Bernanke, Yellen et Powell ont transformé la Fed en club de débat public et que c’est en partie à cause de cette surexposition qu’on a eu de l’inflation façon barbecue sans contrôle après le COVID. En prime, il accuse Powell d’avoir laissé filer les déficits publics : « Ok pour aider pendant la pandémie, mais ensuite fallait couper le robinet. Et pas organiser une rave-party budgétaire. » Conclusion de Warsh : la Fed s’est tiré une balle dans le pied toute seule et il est temps de faire un reset stratégique, sans chichi, sans standing ovation, et sans raconter sa vie toutes les deux semaines devant la télé. Le gars n’a pas donné son avis sur les taux ou l’inflation – parce que, fidèle à sa logique, il pense que la Fed ne devrait même pas dire ce qu’elle prévoit.

La semaine qui nous attend

Je vous l’ai dit en début de chronique, en dehors des tribulations de Trump aux quatre coins du monde, nous aurons une semaine bien chargée en termes d’informations économiques. Rien de bien surprenant en temps normal et en temps de publications trimestrielles. Mais comme actuellement, nous ne sommes pas en « temps normaux », il va quand même falloir se poser deux-trois questions parce que selon ce qui va sortir, on pourrait rapidement devoir réviser nos attentes sur « ce que va faire la FED » – la FED qui se réunira la semaine prochaine d’ailleurs. Quoi qu’il en soit si l’on prend juste le calendrier économique et que nous avons un poil d’imagination, il y a de quoi se faire un petit scénario de politique-économique-fiction.

Prenons simplement les choses dans l’ordre. Tout va commencer mardi. Nous aurons les JOLTS et le Consumer Confidence. Il ne serait donc pas surprenant que la confiance du consommateur soit fortement déprimée après ce que l’on vient de vivre et ce, même si le SOX a repris 10% la semaine dernière. La problématique des tarifs n’est pas réglée et si les ruptures de stocks se confirmaient, on peut imaginer que l’on continue de trouver l’ambiance fort morose. En plus de ça, les JOLTS pourrait facilement être en-dessous des attentes, puisque de plus en plus de monde est prêt à accepter n’importe quoi comme JOB et que les postes qualifiés ne trouvent pas preneur… On commencerait donc la semaine avec deux chiffres qui pourraient sans autre montrer que l’économie US n’est plus vraiment à son apogée et que l’emploi est en train de ralentir.

Ensuite mercredi, nous aurons les chiffres de l’emploi ADP, le PCE, le PIB américain et européen et puis le Chicago PMI et le GDP now de la FED d’Atlanta. En gros, si l’on se base sur le fait que l’économie est en train de ralentir (les probabilités de récession sont en hausse) et que l’emploi va en pâtir, les chiffres ADP seront en-dessous des attentes, le PIB devrait montrer que ça rigole beaucoup moins et le PCE devrait montrer des signes de faiblesse puisqu’on a mis les freins sur la consommation – enfin, tant que les rayons ne sont pas complètement vides. Sans compter que le GDP Now de la FED d’Atlanta pourrait nous confirmer une récession au second trimestre ou au troisième.

Et puis, on va terminer la semaine avec les Non Farm Payrolls qui vont nous confirmer que l’emploi est en berne. Si vous mettez tous ces chiffres bout à bout – et si ce scénario de dépressif se réalise – il n’y aura pas besoin d’aller chercher très loin pour voir poindre les déclarations méga-dovish au cours du week-end pour ENCOURAGER la FED à ne pas attendre la nuit des temps pour baisser les taux, maintenant que tout est aligné. Alors oui, je le conçois, je n’en sais rien et tout peut partir dans l’autre sens, mais vous avouerez quand même qu’avec tout ce que l’on attend cette semaine, ça serait trop dommage que l’on ne nous offre pas ce magnifique scénario digne d’une série Netflix et qui, cette fois, ne se terminera pas avec un Happy End, mais plutôt une baisse des taux. Ce qui peut d’ailleurs être largement considéré comme un Happy End en ce moment.

Un lundi au soleil

La semaine devrait être donc très très lourde et très compliquée pour tout le monde, il y aura énormément à analyser et à interpréter, sans compter que Washington est susceptible de nous balancer tout et n’importe quoi à n’importe quel moment. Il va donc falloir être très attentif à tout ce qui va être dit, publié et communiqué durant ces prochaines heures. Heureusement qu’il y aura une journée de « presque » pause pour le premier mai, ça devrait nous permettre de souffler un peu – même si les Ricains, eux, ne seront pas fermés. On ne va donc pas trop gâcher de cartouches en ce lundi matin et en garder un peu sous le coude pour le reste de la semaine.

Pour le moment, l’Asie est partagée. Pendant que le Japon monte, le reste ne fait pas grand-chose. Le pétrole est à 63.36$, l’or est à 3’307$ et le Bitcoin tourne toujours autour des 94’000$. On commence tout en douceur mais on pourrait bien être surpris dans les jours qui viennent, alors sortez couverts, soyez extrêmement prudents à chaque déclaration de la Maison Blanche et attendez-vous à tout et n’importe quoi.

Très belle journée à tous, bon lundi et on se voit demain pour de nouvelles aventures !!!

Thomas Veillet
Investir.ch

“Never underestimate the power of stupid people in large groups.”
― George Carlin