Il y a deux manières de voir les choses lorsque l’on se concentre sur la séance d’hier. Soit l’on part du principe que l’on rentre dans les détails de tout ce que l’on sait et de tout ce que l’on spécule sur l’avenir des tarifs douaniers qui seront mis en place le 2 avril et cette chronique devrait durer à peu près 14 pages et on en parle jusqu’à 11 heures. Soit l’on se contente de résumer la chose en utilisant les mots d’un comique français décédé trop tôt qui disaient : « on s’autorise à penser dans les milieux autorisés, qu’un accord secret POURRAIT être conclu sur les droits de douane » - ce qui offrirait joie et soulagement tout en affichant clairement le fait que l’on ne sait RIEN !
L’Audio du 25 mars 2025
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L’utilisation débridée du conditionnel
La journée aura donc été partagée en deux camps bien distincts. L’Europe qui a décidé de ne rien faire. Ou en tous cas de ne pas faire grand-chose et les USA qui ont pris le chemin de la hausse en partant du principe qu’il se POURRAIT ÉVENTUELLEMENT PEUT-ÊTRE, mais c’est même pas sûr, que les décisions concernant les tarifs douaniers made in Donald qui seront bientôt mis en place, ne soient pas aussi violents que prévus. Et que si – dans le pire des cas – c’est aussi VIOLENT que prévu, les secteurs touchés pourraient être triés sur le volet, certains pans de l’économie POURRAIENT même avoir des tarifs préférentiels. C’est d’ailleurs le cas du secteur des SEMICONDUCTEURS qui retrouvaient des couleurs durant la journée d’hier en se basant sur des spéculations, des rumeurs et des théories qui laisseraient à penser que ça « pourrait » être moins violent pour eux.
Mais soyons clair. Si vous reprenez l’ensemble des « justifications » de la hausse américaine et des explications rationnelles sur le pourquoi du comment de la hausse d’hier, ce qu’il faut SURTOUT retenir c’est que tout ce qui a fait monter le marché en ce lundi 24 mars n’est basé exclusivement sur des spéculations et des espoirs de voir une vague de tarifs qui seraient UN PEU MOINS violent qu’attendus. MAIS PERSONNE n’a vu un communiqué de presse officiel. Aucun média n’a cité la parole anonyme de « quelqu’un qui est proche du dossier ». Aucun politicien n’a lâché de petite phrase assassine laissant supposer qu’il sait quelque chose et qu’on comprendra plus tard, nous, pauvres mortels.
Non. Hier la hausse américaine, la hausse de 1.42% du Dow Jones, la hausse de 1.76% du S&P500, la hausse de 2.27% du Nasdaq et la hausse de 3% sur le Semiconductor Index, ne se justifient uniquement par le fait que l’on s’autorise à penser – dans le monde merveilleux de la finance – que les tarifs qui seront annoncés la semaine prochaine, ne seront pas si « monstrueux » que ça et que Trump pourrait faire preuve d’une certaine « flexibilité » vis-à-vis de certains partenaires commerciaux. Mais on n’en sait strictement rien et tout – et je dis bien ABSOLUMENT TOUT reste possible, hier les étoiles étaient alignées et on a eu une très belle journée à Wall Street, il suffirait cependant d’un battement d’aile de papillon pour que l’on prenne la direction opposée dans les jours qui viennent. Les volumes étaient d’ailleurs misérables hier – ne donnant pas non plus une immense crédibilité à la solidité du rebond, la seule certitude que nous ayons à l’heure actuelle, c’est que le niveau d’incertitude est toujours très élevé et bien présent. Il est peut-être plus simple de prendre la séance d’hier comme une bonne nouvelle temporaire et de vivre pleinement le moment présent, tout en sachant que tout pourrait être vaporisé dans les heures qui suivent, connaissant l’excentricité du gouvernement Trump.
Ne gâchons pas la fête
La séance américaine aura donc été faite de champagne, de cotillons et de caviar à la louche, pendant que les Européens préféraient rester assis sur leurs mains en attendant que la météo s’améliore vraiment. Il faut dire qu’actuellement – et ce depuis quelques semaines – on a l’impression que l’on vit dans deux mondes différents. Jamais les marchés européens et américains n’ont été aussi déconnectés les uns des autres. Aujourd’hui les Européens préparent la guerre sur le continent et investissent massivement dans l’armement, débloquent de crédits dans tous les sens pour « investir dans la guerre », faisant oublier carrément les problèmes structurels de bases comme le social, le ralentissement économique, l’immigration hors de contrôle ou les politiques plus que douteuses dans certains pays de l’Union. La thématique de la guerre a tout effacé et maintenant on perd plus de temps à parler des emprunts patriotiques pour soutenir l’effort de guerre, qu’à se poser des questions sur l’état réel de l’économie européenne.
Hier les indices du Vieux Continent n’ont absolument rien fait – sauf dans le secteur de l’armement – et on s’est contenté de tourner autour des PMI’s européens qui laissaient à penser que l’économie avait « l’air de repartir » mais que ça n’était pas encore la fête au village. Si l’on devait résumer les chiffres économiques d’hier, le secteur manufacturier se porte mieux que le secteur des services – et là je parle de l’Europe dans son ensemble – mais l’un dans l’autre, c’est mieux que le mois dernier et plus ou moins en ligne avec les attentes. Il est clair qu’avec des chiffres pareils, ça ne donne pas envie de se rouler dans le caviar, mais en même temps, c’est pas non plus trop catastrophique et si Trump ne nous massacre pas trop à coup de tarifs douaniers, ça devrait bien se passer. Comme vous le voyez, nous sommes toujours dans la même thématique : « L’incertitude des tarifs entraîne un certain stress et on se réjouit que tout cela soit derrière nous pour enfin revenir aux fondamentaux ». Fondamentaux qui vont bientôt frapper à la porte, puisque dans une semaine on va reparler d’emploi et d’ici mi-avril, c’est la saison des trimestriels qui va nous retomber dessus encore une fois.
Bref, hier l’Europe n’a rien fait. Les USA ont explosé sur pas grand-chose, l’incertitude est toujours parmi nous et pendant ce temps, hier on fêtait aussi les 25 ans de l’explosion de la bulle internet, ce qui laissait plein de place dans les médias pour se demander si l’on n’est pas en train de vivre la même chose sans s’en rendre compte. La réponse est : NON ! Mais c’est tellement bon de jouer à se faire peur que l’on aurait bien tort de s’en priver !
À l’autre bout du monde
Du côté de l’Asie, ce matin on est principalement en hausse parce que l’argument du « IL SE POURRAIT QUE LES TARIFS DOUANIERS SOIENT MOINS SÉVÈRES QUE PRÉVU », fait toujours recette. Le Japon est en hausse de 0.73% et la Chine avance de 0.12%. À Hong-Kong on est déjà passé à autre chose, puisque l’on est en train de se dire que le rallye dû au stimulus gouvernemental sur l’intelligence artificielle est en train de se dégonfler. Du coup, le Hang Seng recule de 1.85%.
Côté pétrole, là on a eu des choses un peu officielles, puisque Donald Trump (encore lui) a déclaré qui allait coller 25% de droit de douanes sur toutes les importations de chaque pays qui aurait l’outrecuidance d’acheter du pétrole vénézuélien. Visiblement le locataire de la Maison Blanche a décidé de se faire le gouvernement vénézuélien en place. Pour ce faire, il tape là où ça fait mal : le portemonnaie. L’annonce aura fait monter le baril à 69$ et des poussières. Là aussi, entre tarifs douaniers et incertitude, il n’est pas simple de savoir où l’on va. Pour le moment, on peut simplement noter que le baril est en train de réintégrer sa tendance haussière à moyen terme et que le risque d’une correction plus importante s’éloigne. S’éloigne (UN PEU), tout en gardant la chose au conditionnel, puisque c’est la mode. L’or est à 3047$ et le Bitcoin s’échange à 86’500$. D’ailleurs, à propos des cryptos, on retiendra quand même que Microstrategy a encore acheté – entre le 17 et le 23 mars – une quantité de 6’911 bitcoins pour environ 584,1 millions de dollars, à un prix moyen d’environ 84’529 dollars par bitcoin. À l’heure actuelle, la société détient un total de 506’137 bitcoins et le titre prenait 10% hier pour fêter ça.
Dans les autres nouvelles
Si l’on se penche sur les « autres nouvelles du jour » – oui, parce que LA BONNE NOUVELLE du moment c’est qu’il y a AUSSI d’autre nouvelles qui nous permettent de sortir un peu de la thématique de tarifs – donc parmi ces autres nouvelles, on retiendra que Tesla a explosé de plus de 10% hier. C’est la quatrième séance de hausse consécutive pour la société d’Elon Musk. Le fait que tout le monde le déteste est en train de s’estomper un peu et on se rend compte également que chaque jour qui passe, nous nous rapprochons de la mise en action des voiture autonomes – ce qui devrait faire monter le titre à 10’000 milliards de market cap si le plan se déroule sans accroc. En tous les cas, une chose est certaine, depuis quelques jours, les acheteurs « retail » sont revenus en masse sur l’action et la conjonction de cet état de fait et que l’on s’autorise à penser que le nouveau software « FSD » (FSD pour Full Self Driving) serait prochainement mis en place en Chine, aura permis au titre de s’envoler hier. Depuis le 11 mars Tesla a repris 30%.
Autrement on notera que le CEO d’Adobe vient d’acheter un gros paquet d’actions de sa société. Ça n’est pas un exploit en soit, mais le marché aura noté qu’il ne le fait pas souvent et qu’il a toujours été très fort au niveau « timing ». Et vu que le titre s’est fait défoncer lors de la dernière publication trimestrielle, on se dit qu’il y a peut-être quelque chose à gratter. Il y a aussi Super-Micro qui s’est fait downgrader par Goldman Sachs. La banque d’affaire passe sur « SELL », estimant que SMCI n’a plus l’avantage concurrentiel du début et qu’ils doutaient qu’ils puissent atteindre leurs objectifs en 2025. Le plus grand fabricant de véhicules électriques au monde et rival de Tesla, BYD a annoncé bond de 34% de son bénéfice net et le chiffre d’affaires a augmenté de 29% pour atteindre 777,1 milliards de yuans, dépassant ainsi les estimations des analystes. Le titre prenait 5.7% hier soir. Chez Nvidia, on avançait de 3.2% dans l’espoir hypothétique de voir les droits de douane sur les puces réduit à zéro – du moins temporairement. Et puis, Intuitive Machines a pris 30% après avoir montré une guidance légèrement en dessous des attentes, mais espérant quand même rentrer dans les chiffres noirs d’ici 2026. Difficile de se faire une idée de ce que pourrait rapporter l’espace sur le moyen terme, mais hier c’était la fête au village chez Intuitive Machines. Et puis ce soir GameStop va publier ses chiffres trimestriels. Si l’on en croit les analystes, il n’y a absolument rien à attendre du côté du « core-business » de GameStop. En revanche, il y a pas mal de spéculations sur ce qu’ils pourraient annoncer comme nouveau business autour des cryptos. Affaire à suivre.
Les chiffres du jour
Côté chiffres du jour, comme prévu nous aurons la Confiance du Consommateur aux USA. Chiffre qui sera très intéressant à observer. Et il sera également très intéressant de voir « comment le marché va le prendre ». Il y aura également l’IFO en Allemagne. Et puis on retiendra quand même qu’hier soir il y a Monsieur Bostic de la FED d’Atlanta qui a annoncé que – selon ses calculs persos – la FED ne baissera les taux « qu’une seule fois cette année » – à cause de, je cite : « une inflation qui est un peu trop chaotique ». Visiblement, là tout de suite, on dirait que le marché s’en tamponne. Les futures sont tout de même en baisse de 0.2% et pour le moment, depuis minuit, Trump ne s’en est pris à personne.
Je vous rappelle encore une fois que demain soir à l’Uni Dufour, il y aura une conférence organisée par Bilan et Vontobel et que le sujet sera :
« Comment la technologie démocratise l’investissement des jeunes »
Ça s’adresse aux jeunes, mais comme on est jeune de plus en plus tard, vous pouvez tous venir. C’est gratuit et l’inscription se fait ici :
D’ici-là, passez une très belle journée et je vous retrouve demain à la même heure et au même endroit !
Thomas Veillet
Investir.ch
“If you haven’t found it yet, keep looking. Don’t settle. As with all matters of the heart, you’ll know when you find it.” — Steve Jobs