Il est extrêmement intéressant d’observer le monde se scinder en plusieurs parties. Je ne sais pas si c’est « rassurant », mais une chose est certaine ; ça ne laisse personne indifférent. La journée d’hier est la très exacte représentation du merdier planétaire dans lequel nous sommes en train de nous enfoncer à la vitesse d’un ours au galop. Entre les dirigeants qui impriment des billets des banque et qui claque tout en armement en faisant exploser le secteur, tout en se réjouissant d’aller au front. Et Trump qui a démarré le rouleau compresseur des tarifs douaniers et qui coupe les vivres à l’Ukraine, l’équation est en train de sérieusement se compliquer.

L’Audio du 4 mars 2025

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Le choses dans l’ordre

Afin de ne pas tout mélanger et d’essayer de ne rien oublier, nous allons commencer par prendre les choses dans l’ordre. Commençons donc par ce qui s’est passé en Europe hier. Hier matin, tout le monde était excité par le concept de la réserve américaine de cryptomonnaies qui faisait exploser le secteur, mais pas que. Il y avait aussi les perspectives de voir des investissements massifs arriver dans le secteur de l’armement depuis que les dirigeants européens se prennent pour des Navy Seals et envisagent tous de se fringuer comme Zelensky pour faire plus « soldat ». Tout ce qui existe comme politicien en Europe est donc passé du côté guerrier de la force et ne cesse de vendre l’Europe UNIE (concept qui n’existe que dans les rêves prépubères de certains), une Europe UNIE qui aurait une armée plus forte que la Russie, plus forte que les USA et bientôt plus forte que la Chine – bon, la seuls différence entre ces quelques régions du monde, c’est que les USA sont un pays, que la Russie est un pays, que la Chine et un pays et que l’Europe est un club de pays qui ne sont pas tous d’accord entre eux et qui ne sont déjà pas capables de se mettre d’accord sur le droit de vendre une confiture grecque dans une supérette allemande, mais qui nous font croire qu’ils peuvent faire front commun contre la Russie. Russie qui est déjà virtuellement en train de prendre position dans la banlieue parisienne si l’on en croit les délires de certains.

Enfin, peu importe ce que l’on pense du sujet, pour bien comprendre la chose il faut quand même regarder le discours de Bayrou hier. Le gars se pointe devant l’Assemblée Nationale pour expliquer sur base de quelques additions savamment calculées en amont, que l’Europe c’est la plus forte des armées du monde (s’ils arrivent à se mettre d’accord) et qu’en dépensant des milliards, ça va être facile de mettre la pâtée à Poutine. Venant d’un mec qui n’a pas fait son service militaire et qui a été réformé parce qu’il ne pouvait pas porter le casque à cause des oreilles, on est immédiatement rassuré et personnellement, j’ai vraiment envie de m’engager… Mais revenons à nos marchés financiers. Hier, rien qu’à l’idée de voir des investissements massifs dans le secteur de la défense – chose que l’on nous avait déjà annoncé il y a deux semaines, mais un peu moins, parce que cette fois la réunion de Londres a fait prendre conscience à tout le monde que « c’était pour de vrai » – les investisseurs ESG ont définitivement viré leur cuti et se sont ENCORE UNE FOIS jetés sur les titres du secteur de la GUERRE. On a donc pris les mêmes et on a recommencé : Thales a explosé de 16%, Dassault Aviation de 15%, BAE Systems a fait pareil. Et puis Rheinmetall s’est envolé comme un missile de plus de 13%, Hensoldt de 22 %, Saab prenait plus de 11% et Leonardo : 16% de hausse. Je ne vais pas vous faire la liste, mais depuis le mois de novembre, si l’on prend l’exemple de Rheinmetall, le titre a été presque multiplié par 3. Visiblement, l’armement européen vit sa meilleure vie et l’idée d’aller faire la guerre semble emballer les politiciens plus que jamais. Hier la séance européenne aura été explosive – au sens propre comme au figuré – et le DAX terminait en hausse de 2.64%, au plus haut de tous les temps, comme la Suisse qui reste un îlot de neutralité en attendant ses F-35 qui risquent bien de ne jamais voir Emmen et de finir directement au musée des transports au rythme où ils sont livrés.

Et puis il y a eu Trump

Après la journée de conscription en Europe, durant laquelle les grands de ce monde se sont attribués des grades et décidé des couleurs des médailles militaires, on a fermé nos marchés en pleine euphorie guerrière et par moment on s’attendait presque à voir Macron, Stramer et Von der Leyen nous faire un HAKA pour montrer leur détermination guerrière. Et puis les Américains sont arrivés. Ou plutôt devrais-je dire : TRUMP est arrivé, tant il est vrai que pour le moment – et depuis le 27 janvier – il n’y a pas un jour où les marchés ne vivent pas à son rythme. Et le problème, c’est que l’on ne sait pas à quoi le mec carbure, parce que pour foutre une merde pareille dans les marchés toutes les 5 minutes, il doit avoir un cardio à toutes épreuves. Petit « reminder » ; le dernier acte de foi de Trump, c’était d’avoir annoncé l’arrivée de la « crypto-réserve » dimanche soir, on ne va pas revenir dessus. Enfin, pas pour le moment. En revanche, le sujet du jour Made In Trump, c’était d’annoncer les nouveaux investissements prévus aux USA et de revenir sur le sujet des tarifs.

Côté investissements, c’était pas mal avec l’arrivée de TSMC qui va investir 100 milliards aux USA et Honda, qui avait prévu de construire une usine au Mexique et qui va finalement le faire aux USA. À cet instant très précis, nous étions encore en train de nous dire :

« Tiens, c’est pas mal parce que Trump est en train de ramener du monde aux USA et ça va inévitablement créer des emplois et de la croissance, finalement c’est pas con ces histoires de tarifs douaniers »

Je dois vous avouer que la joie n’a pas duré très longtemps, puisqu’ensuite nous sommes justement revenus sur le sujet de tarifs. Mais avant d’aller plus loin, il faut tout de même se souvenir que dans l’imaginaire collectif – durant toute la journée d’hier – les traders s’étaient dit : « oui, bon, en même temps on ne craint pas grand-chose sur les tarifs douaniers ; Trump va sûrement faire preuve de souplesse et donner encore du temps aux Canadiens et aux Mexicains pour négocier, on sait tous que les TARIFS DOUANIERS ne sont qu’une arme de négociation massive et que ça va bien se passer ».

En fait : PAS DU TOUT…

Le Président Américain a donc décidé que les tarifs seront mis en place dès aujourd’hui, un point c’est tout. À partir de là, si vous vous souvenez de ce qu’avaient fait les marchés lors de la première annonce au sujet des tarifs. Eh ben on a fait pareil. Les marchés ont commencé une chute libre dont on a le secret et tout s’est enchainé. Les cryptos se sont re-pété la gueule parce que Trump n’a pas donné ASSEZ DE DÉTAILS sur la constitution de sa réserve fédérale de cryptos, la tech s’est effondrée parce que les Hedge Funds sont en train de réduire leur exposition aux MAGNIFICENT SEVEN et cherchent des alternatives plus défensives, la volatilité a explosé à 24% et on a commencé à voir des articles qui commençaient par : « Les traders options se préparent à un krach boursier » et puis, pour couronner le tout, la FED d’Atlanta a publié sont indicateur GDPNOW qui a montré que l’on pourrait rapidement se diriger en direction d’une récession – surtout à cause des tarifs douaniers – enfin, une récession – le mot est un peu galvaudé, parce que de nos jours on ne dit plus « récession » ; on dit : TRUMPCESSION.

Graphique du SOX – Source : Tradingview.com

Trumpcession et GDP NOW

Mais revenons rapidement à ce chiffre dont on ne parle jamais mais que l’on sort du chapeau quand ça nous arrange. La « Trumpcession » désigne le risque de récession aux États-Unis sous l’effet des politiques économiques de Donald Trump. Le modèle GDPNow de la Fed d’Atlanta, qui est réputé pour être plutôt fiable, a donc brutalement révisé sa prévision de croissance du premier trimestre de +4,0 % à -2,8 %, alimentant les craintes d’un ralentissement (directement dans la foulée des tarifs). Cette baisse s’explique par un déficit commercial record et une industrie manufacturière qui n’est pas au top. En revanche, il faut bien noter que ce chiffre vit dans l’instant présent et que la moindre « bonne nouvelle » a le pouvoir de renverser la vapeur à la vitesse de la lumière.

Le problème, c’est qu’hier, en parallèle de ce chiffre qui mettait de l’eau sur le feu, les marchés signalaient aussi une nervosité croissante : le Nasdaq a plongé de 2.64%, les Magnificent Seven ne sont plus si magnifiques que ça et Nvidia terminait plus bas qu’au moment de l’affaire DeepSeek. Pendant ce temps, les rendements baissent et les ménages aisés, qui soutiennent la consommation, pourraient réduire leurs dépenses à cause de la baisse des marchés. L’incertitude autour du protectionnisme, des relations internationales et des coupes budgétaires fédérales pèse sur la confiance économique. Si cette tendance se confirme, la Fed pourrait même être contrainte de baisser ses taux plus tôt que prévu – sauf que l’inflation reste quand même un peu présente et si l’on baisse les taux trop vite, ça pourrait repartir dans une direction que l’on essaie à tout prix d’éviter depuis des années. N’oublions jamais que Powell a toujours dit qu’il préférait lutter pour sortir l’économie de la récession que de lutter pour maitriser une inflation galopante.

Bref, pour faire simple : on s’est pris une claque aux USA. Si l’on cumule le fait que les tarifs, c’est pour de vrai, que la FED d’Atlanta craint le pire pour l’économie, que la volatilité s’envole, que les traders parlent de KRACH, que les tensions géopolitiques sont au top, que les gens sortent d’Apple, Microsoft, Amazon, Meta. Que Nvidia est en train de casser les plus bas récents et que le SOX ressemble plus à une maladie infectieuse et purulente qu’un graphique de bull market ET qu’en plus c’est un indicateur avancé et que, dans la foulée, Trump a coupé les vivres à Zelensky, tout en le traitant plus ou moins de « connard », on avait une journée passionnante qui a emmené les indices américains à des niveaux qui foutent littéralement les jetons… La seule bonne nouvelle c’est que ce matin, les futures sont en hausse et ne font pas mine de vouloir creuser la tombe encore plus profonde.

Graphique de Nvidia – Source : Tradingview.com

Et maintenant ?

Nous avons donc vécu l’explosion à la hausse de l’Europe et l’implosion à la baisse des USA et le tout en moins de 12 heures. La question qu’il faut encore se poser, c’est de savoir si les Européens vont se faire un retour de chez retour ce matin, ou s’ils n’en ont tout simplement plus rien à faire des Américains depuis qu’ils se sont découpé la paix… En tous les cas, en Asie on tient le choc du côté de la Chine et de Hong Kong avec des marchés plus ou moins inchangés et le Japon se contente de reperdre ce qu’il avait gagné la veille et reste dans une configuration latérale qui un peu l’aspect d’un marché où l’ennui est le premier qualificatif qui vient à l’esprit. Après, il y a l’or qui vaut 2901$ et le pétrole. Le pétrole c’est une autre histoire, puisqu’hier – histoire d’en remettre une couche sur l’ambiance pourrie – hier le baril a fortement chuté après que plusieurs membres de l’OPEP ont déclaré qu’ils prévoyaient d’augmenter leur production le mois prochain, ce qui pourrait entraîner une hausse de l’offre. Le baril se traite à dorénavant à 67.89$ et d’un point de vue technique, le support offert par la tendance haussière en place depuis six mois, vient de sauter.

Pour le reste, on notera tout de même le retour spectaculaire du Bitcoin et de ses pairs dans la foulée de la baisse des marchés et du fait que l’on reproche à Trump de ne pas « donner assez de détails » sur sa réserve stratégique de cryptos – chose qui pourrait encore venir d’un jour à l’autre, mais toujours est-il que le rebond de lundi matin a été effacé d’un coup de crayon et retour à la case départ. Ce matin le Bitcoin est à 84’000$.

Les nouvelles du jour

En ce qui concerne les nouvelles du jour, on notera que le Canada a annoncé qu’ils vont répliquer aux tarifs douaniers américains, que les Chinois ont fait pareil et que l’on parle toujours et encore des mêmes sujets qu’hier matin et que cette nuit. Du côté des actions, on retiendra que On Semiconducteurs est à la poursuite d’Allegro Microsystems, puisque Bloomberg pense savoir qu’un take over se précise et pour le reste, on a l’impression que nous sommes dans une merde noire et qu’il ne manque pas grand-chose pour que ça dégénère. Les futures sont en hausse de 0.29% et l’Europe est sur les dents pour l’ouverture de tout à l’heure. Manquerait plus que la Russie envahisse la Pologne et les dés seraient jetés.

Niveau chiffres du jour il y aura le chômage en Europe et Williams de la FED qui parlera, mais pour être franc, la seule chose que l’on demandera en ce mardi matin du mois de mars, c’est que Trump se taise. Juste pour une journée. Histoire que l’on puisse reprendre nos esprits parce que ça commence à faire beaucoup de lundis dans l’histoire des marchés de 2025 où l’on se fait déglinguer. La bonne nouvelle, c’est qu’en général, on finit toujours par rebondir. Je dis bien : en général.

Ceci mis à part, ce soir il y aura Webinaire chez Swissquote. Webinaire qui sera mené tambour battant par Marco et moi-même. Si vous n’êtes pas inscrits : c’est gratuit et vous pouvez le faire en cliquant sur ce lien – ça commence à 18h00, ça se termine à 19h00 et on va parler Intelligence Artificielle et investissements – même si c’est pas la mode ce matin – mais vous pourrez aussi nous poser toutes les questions qui vous passent par la tête ! Alors à ce soir et pour ceux qui ont mieux à faire ; à demain !!!

Très belle journée quand même !

Thomas Veillet
Investir.ch

“Your time is limited, so don’t waste it living someone else’s life.”
– Steve Jobs