Généralement, je me lève entre 3h30 et 4 heures du matin pour avoir le temps de tout lire et de tout vous dire sur ce qu’il faut penser ou savoir des marchés financiers dès 7 heures du matin. Mais là, avec tout ce qui se passe et afin de tout réussir à caser en 4 pages de chronique boursière, je vais devoir revoir mes horaires et envisager de ne plus dormir afin de rien rater et d’être toujours au clair le matin. Il faut dire qu’entre les tergiversations et les techniques de manipulation misent en place par la Maison Blanche, l’adjudant chef Chaudard de l’Élysée qui part en guerre et les Allemands qui ont remis la main sur le chéquier du Bundestag, il faut avoir le cœur bien accroché…

L’Audio du 6 mars 2025

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Disneyland et ses manèges

Nous allons donc essayer de résumer le plus simplement possible ce qui s’est passé hier. Il fût un temps on aurait presque pu essayer d’anticiper ce qui allait se passer « après », mais là, pour le moment, il est difficile d’envisager un après, puisqu’en l’espace de trois jours nous pouvons tourner la veste 4 fois, changer d’opinion 8 fois, repondérer nos portefeuilles toutes les 5 minutes et envisager 14 stratégies d’investissement à la demi-heure, tout en sachant qu’il suffirait simplement qu’un des branquignols au pouvoir dans un pays quelconque pète les plombs pour une raison que j’ignore et nous serions forcés de revoir nos prévisions mûrement réfléchies dans la demi-heure précédente.

Regardez ce qui s’est passé sur les indices américains depuis deux-semaines ! La seule chose qui me vient à l’esprit, en observant les graphiques du S&P500, c’est que NOUS AVONS DE LA CHANCE QUE LES MARCHÉS NE PUISSENT ALLER QU’EN HAUT ET EN BAS, sinon je vous laisse imaginer le merdier que cela pourrait donner si EN PLUS, ça pouvait aller à droite et à gauche. En l’espace de deux semaines, nous sommes passés de 14% de volatilité à 26. Là nous sommes de retour à 21%, ce qui semble être la « nouvelle normalité ». Le Greed and Fear Index va dans tous les sens et ne ressemble plus à rien. Quant au S&P500, il fait de la résistance sur la moyenne mobile des 200 jours, mais donne surtout l’impression d’être capable de passer de l’état de panique totale à celui de « bull market forever » en l’espace de trois minutes. Il suffit que quelqu’un de la Maison Blanche tousse ou éternue et on est reparti pour un tour de manège. Lors du précédent mandat de Trump, c’était spectaculaire, mais là depuis qu’il est revenu, on a dû installer des défibrillateurs dans toutes les salles de trading et la prise de tension est obligatoire à chaque fois que vous passez à la machine à café.

Il y a de l’Urgo dans l’air

Une fois n’est pas coutume, ce matin nous allons commencer par les États-Unis. Et afin de se remettre un peu dans le contexte, mardi soir on s’était fait peur parce que nous avions pris conscience que le répit d’un mois que Trump avait offert aux Canadiens, aux Mexicains et aux Chinois, venait de prendre fin. Oui, ça fait DÉJÀ un mois, mais en même temps, c’était un mois hyper-court. C’est toujours un mois très court, le mois de février, mais là on s’en est bien rendu compte. DONC. Le mois de répit était donc fini, il a donc été ABSOLUMENT nécessaire de RE-PANIQUER comme nous avions déjà paniqué un mois auparavant. Les marchés se sont fait défoncer et le S&P500 a miraculeusement tenu sa moyenne mobile des 200 jours. Hier – mercredi – nous sommes d’ailleurs allé la RE-TESTER. Juste pour voir. Un peu comme quand tu passes la main au-dessus de la flamme du réchaud à fondue pour voir s’il est allumé parce que comme un con, tu ne sais plus si tu l’as fait ou pas. Et puis, au moment où les marchés ont ENCORE UNE FOIS joué à se faire peur, Trump a remis en place son supplice chinois et le marché est reparti à la hausse pour sauver les meubles. Mais la volatilité à 21% laisse à penser que les intervenants n’ont pas encore complètement admis que nous puissions être sortis de l’auberge qui est au fond du trou qui se trouve au fond des bois.

Le supplice chinois selon Trump, si vous vous demandez ce que ça peut bien être ; et bien c’est tout simplement le fait que le gars vous annonce des règles qui sont brutales, violentes, massives et qui vont inévitablement avoir des conséquences économiques et surtout inflationnistes. Des règles qui vous forcent à paniquer et à sortir de votre zone de confort. Et puis, juste au moment vous avez commencé à envisager de vous ouvrir les veines avec un couteau à beurre, d’ouvrir une maison d’hôtes dans le Sud de la France ou de vous acheter un camping-car pour vous lancer dans la production de méthamphétamine, le Président de tous les Américains revient sur sa décision et vous explique que les tarifs OUI, mais les tarifs douaniers pour les fabricants de voitures : NON ! Enfin, pas pendant le prochain mois. Comme ça vous pourrez agender la prochaine panique sur le secteur automobile pour le 4 avril 2025, à moins qu’entre deux, tous les fabricants en question aient rapatrié ou construit leurs usines aux USA histoire de rendre l’Amérique Great, machin tout ça, vous connaissez la suite…

Tarifs au rabais

Donc oui, Trump a revu sa copie sur les tarifs douaniers concernant l’automobile et tout le monde s’est dit qu’en fait c’était beaucoup plus facile de respirer sans ce poids sur la poitrine. En fait, Trump c’est le gars qui vous plante un clou dans la main et pendant que vous hurlez de douleur, il vous fait une injection de morphine pour que vous ne sentiez plus rien. Mais au fond de vous, vous savez que dès que la morphine ne fera plus effet – dans un mois – la douleur va revenir pareil, l’infection en plus. Quoi qu’il en soit, le petit jeu du « ça s’en va et sa revient » qui a été inventé par un électricien français qui voulait changer une ampoule dans son bain pour voir si ça faisait bien « conducteur » a été encore un fois utilisé par Oncle Donald qui n’est jamais en retard pour mettre l’ambiance à Wall Street.

En plus des droits de douane, nous avons également eu droit à quelques publications macro qui était plus ou moins bonnes selon du côté où l’on se place. Tout d’abord, il y a eu l’ISM des Services qui a été publié au-dessus des attentes. Ce qui démontrait que l’économie allait toujours très bien de ce côté-là, mais on nous a quand même expliqué, lors de l’annonce que l’on était quand même inquiet des droits de douane à venir, chose qui pourrait entraîner de l’inflation non-désirée à moyen terme. Étant donné que la séance d’hier était placée sous le signe de l’optimisme, on a pris les choses du bon côté, tout en classant l’info dans la zone « méfiance quand même » de notre cortex préfrontal qui gère la mémoire à court terme – comme ça on est certain de ne plus y penser ce week-end.

Ensuite, après l’ISM, il y a eu les chiffres de l’emploi ADP. Généralement on s’en tamponne le coquillard, mais là il fallait quand même noter que les chiffres de créations d’emploi étaient très faibles. Les « experts » qui bossaient sur les attentes depuis 6 semaines s’attendaient à 141’000 nouveaux jobs et c’est sorti à 77’000. Alors je ne suis forcément hyper-balaise en mathématiques, mais je crois que l’on est presque à « la moitié en-dessous des attentes ». Mais que l’on se rassure, il paraît que c’est UNIQUEMENT TEMPORAIRE, parce que nous sommes dans ce que l’on appelle « UNE INCERTITUDE DE L’ENGAGEMENT ». Oui, en effet, avec les stratégies de girouettes misent place par Trump, les employeurs préfèrent attendre pour voir, avant d’engager qui que ce soit. Reste juste à espérer que nous n’allons pas nous trouver dans la même phase transitoire que sur le coup de l’inflation il y a quatre ans… Toujours est-il qu’hier, les circonvolutions trumpesques ont permis au marché américain de rebondir de 1% et de démontrer que « pour l’instant » la moyenne mobile des 200 jours est un roc. Une péninsule. Bref, elle est assez solide.

L’Europe emmerde l’ESG !

Du côté de l’Europe, il y avait deux axes à retenir. Tout d’abord l’Allemagne qui vient de retrouver un vieux chéquier au fond d’un tiroir et qui va se lancer dans une folie de shopping et de dépenses incontrôlées et puis l’autre c’est l’axe de la guerre contre la Russie qui continue de faire pleuvoir du pognon sur l’industrie de l’armement. Industrie de l’armement qui est devenue la meilleure amies des politiciens, à commencer par l’adjudant chef Macron qui a expliqué hier soir à son bon peuple, que tout le monde allait se battre ensemble pour protéger le pays et a déclaré :

« Notre génération ne touchera plus les dividendes de la paix. Il ne tient qu’à nous que nos enfants récoltent demain les dividendes de nos engagements. »

Venant d’un mec qui n’a pas d’enfant et qui vit avec une «femme » largement ménopausée qui passe son temps dans les défilés de la fashion week pendant que son « mari » joue avec les allumettes à l’Élysée, on peut se poser des questions sur l’avenir de l’Europe. Mais passons, parce que là n’est pas le sujet. Hier, les déclarations des uns et des autres, que ce soit à Berlin ou à Paris, ont fait exploser le marché européen qui a récupéré tout ce que la journée des droits de douane lui avait coûté la veille. Voire même plus.

Si l’on prend les choses par le début. Du côté de l’Allemagne, le nouveau chancelier allemand a annoncé qu’il allait injecter des centaines de milliards d’euros dans la défense et les infrastructures. Chose qui a largement fait péter les actions à la hausse, certains analystes n’hésitent pas à parler de « catalyste » pour une reprise économique plus large dans toute l’Europe. L’Allemagne va donc lancer un fonds spécial de 500 milliards d’euros sur 10 ans pour rénover les infrastructures et booster l’économie, tout en faisant sauter le mécanisme de frein à l’endettement qui empêchait le pays de claquer tout son pognon dans l’armement. Du coup, les dépenses militaires pourraient atteindre au moins 100 milliards d’euros par an soit deux fois plus qu’actuellement. On parle d’une enveloppe totale de 1’000 milliards sur 10 ans. Si avec ça l’Allemagne ne redevient pas championne du monde de foot, je ne sais pas ce qu’il faut. En tous les cas, le DAX a adoré et je ne vous parle même pas de Rheinmetall. C’était de la folie. Après avoir perdu 3.5% la veille, le DAX reprenait près de 3.4% et chez Rheinmetall, après avoir perdu 2% on en reprenait 7…

Allons enfants de la patrie

L’Allemagne a donc explosé hier et l’armement se sent pousser de ailes. Encore une fois. Il est vrai que la thématique d’investir à fonds perdus dans des tanks, des armes, des munitions, des missiles, peut-être même – soyons fous – des armes chimiques et des bombes à fragmentation a redonné une seconde jeunesse au secteur de l’armement en Europe. Les performances des Thales, Rheinmetall et Dassault Aviation, n’ont plus rien à envier aux pontes de l’intelligence artificielle qui ont été relégué au fond de la cote, puisque plus personne ne parle de Nvidia depuis que Trump a commencé à caresser le dos de Vladimir de Moscou. Comme je le disais plus tôt, hier soir l’adjudant chef Chaudard.. euh.. pardon, l’adjudant chef Macron a expliqué aux Français qu’ils allaient devoir se battre pour protéger la France et qu’ils seront tous des frères – que oui, bon, lui n’ira pas se faire tirer dessus au front parce qu’il doit tenir la baraque à Paris, mais par contre si on pouvait au passage lui prêter un peu de pognon pour acheter de la munition, ça serait pas mal. Mais il faut surtout retenir que les Français sont tous des frères d’armes et qu’il n’y a plus AUCUN problème en ce qui concerne la politique intérieure, puisque c’est la guerre. En fait c’était le même discours que celui pour le COVID, sauf qu’à la place des mots COVID ou VIRUS, il a utilisé le mot Poutine.

Mais peu importe, ce qui est surtout hyper-intéressant, pour nous investisseurs-soldats, c’est de constater que depuis 24 heures, absolument TOUS LES POLITICIENS d’obédience macronistes ou européenne sont en train de parler « financement du réarmement », d’appels aux fonds privés et de changement de réglementation pour que l’on puisse allégrement investir dans l’armement – qui soyons clair – ne rentrait pas vraiment dans les critères d’investissements responsables, il faut le reconnaître. Donc soudainement après presque 20 ans de développement et de mise en place, les critère ESG sont devenus presque aussi populaires que la Chlamydia ou la Gonorrhée. Bref, à la fin les marchés financiers sont en pleine forme, tout remonte à cause de la guerre, tout remonte à cause du fait que l’on va dépenser des milliards que l’on va aller taper dans les caisses de retraites et (peut-être même) parce qu’on n’a plus honte de le dire : sur l’épargne des privés. En fait, l’Europe c’est le Shérif de Nottingham qui va piquer dans les tirelires des enfants, des personnes âgées et des handicapés. Et tout le monde laisse faire. Reste plus qu’à espérer que Robin des Bois va finir par se pointer. En résumé, la guerre en Ukraine et les dépenses des Allemands font monter les marchés européens…

Comme disait l’autre, il faut acheter au son du canon et vendre au son du clairon… À moins que ça soit l’inverse…

Le reste du monde merveilleux des bidasses en folie

Du côté de l’Asie c’est la fête au village, tout est dans le vert. Le Japon grimpe de 1% parce qu’ils sont contents du rétropédalage momentané de Trump, et puis la Chine prend 1% aussi et Hong Kong presque 3% parce que La Chine a annoncé de nouvelles mesures de relance budgétaire lors de l’Assemblée nationale populaire hier. Le premier ministre Li Qiang a mis l’accent sur le renforcement de la consommation intérieure et de l’innovation technologique, en particulier dans le domaine de l’intelligence artificielle. Pour ce qui est du pétrole, les stocks continuent de se remplir et mettent la pression sur le baril qui lui, continu de s’enfoncer. Ce matin le WTI est à 66.65$, les supports sont en train de s’éloigner dans le brouillard. L’or est à 2926$ et le Bitcoin s’échange à 93’000$.

Dans le reste des nouvelles, on notera quand même que le CEO de Moderna a acheté pour 5 millions de dollars d’actions de la société, ce qui a fait exploser le titre de 16%. Puis Marvell a publié ses chiffres trimestriels en battant les attentes et en annonçant une guidance en ligne avec les attentes. Ça n’a clairement pas suffi pour soutenir Mister Bull Market. Le titre s’est fait démonter de 14% after close. Abercrombie a revu sa guidance à la baisse et le titre plongeait de 9%, FootLocker a fait mieux qu’attendu et grimpait de 5%. Et puis autrement la Deutsche Bank estime que les décisions prises par le gouvernement allemand peuvent s’apparenter à ce qui s’est passé avec la chute du mur de Berlin et que les montants mis en place en Europe font penser à ce qui s’est passé durant la période COVID. Soudainement les problèmes d’endettement, de budget ou de crise économique n’ont absolument plus aucune importance. Le premier Ministre français pourrait couvrir un scandale pédophile depuis 30 ans, on n’en parlerait même pas.

Ce matin les futures sont légèrement en baisse et je ne sais pas si l’on doit encore parler de chiffres économiques ou de macroéconomie, puisque tous les regards se portent sur des beaux discours inspirés des plus grands et que l’on préfère passer notre temps à faire des montages photos pour comparer Macron à De Gaulle, mais disons que je suis quand même obligé de vous annoncer que la BCE va baisser les taux tout à l’heure et que si ça se trouve, Lagarde va s’engager dans les forces spéciales. Et puis aux USA, il y aura le Trade Balance et les Jobless Claims.

Voilà, c’est tout ce que l’on pouvait dire ce matin. Et encore, il a sûrement beaucoup plus, mais comme j’ai largement dépassé mon quota, je vais aller m’habiller et me présenter au bureau de recrutement pour aller sauver le monde ! Belle journée à tous et à demain, parce que de toutes façons, ils ne voudront pas de moi là-bas !!!

Thomas Veillet
Investir.ch

« Nous ne sommes pas des héros, mais on fait ce qu’on peut ! »

La Septième Compagnie