La semaine dernière le Nasdaq est allé tester sa « zone de correction », mais s’en est sorti. Le S&P500 est allé vérifier plusieurs fois la température en-dessous de la moyenne mobile des 200 jours. L’emploi donne des signes de fatigue, mais le marché ne veut pas les voir (pour l’instant). La volatilité est allée chercher ses plus haut de l’année à 26.56% et l’indice « Greed and Fear » se trouve toujours dans des zones « d’extrême peur ». Peu importe comment on veut voir les choses ; il y a quelque chose qui est en train de se tramer et les investisseurs – même si les acheteurs sont toujours là pour « choper » les opportunités – ne sont plus aussi à l’aise qu’il y a quelques mois !

L’Audio du 10 mars 2025

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Le doute des tarifs

Visiblement, si l’on croit ce que l’on voit et si l’on croit ce que l’’on entend, on pourrait penser que la principale préoccupation du moment, concerne les droits de douane et l’effet que la politique magique de Trump aura sur l’économie mondiale. Tout le monde essaier de deviner à quoi ressemblera cette politique tarifaire dans une semaine ou dans un mois. Le problème, c’est que ce n’est pas simple à deviner, puisque là encore, si l’on croit ce que l’on voit et si l’on croit ce que l’’on entend, même Trump ne sait pas où l’on sera et ni avec qui les USA vont se fâcher. Et ce n’est même pas de la méchanceté ou de la critique vis-à-vis de sa politique, il n’y a qu’à regarder ; il change d’avis toutes les 3 minutes et pédale autant en avant qu’en arrière.

Il faut dire que ces histoires de tarifs douaniers inquiètent pour plusieurs raisons. Premièrement, ils peuvent entraîner une augmentation des coûts pour les entreprises qui dépendent de l’importation de produits étrangers, ce qui peut avoir un impact sur les bénéfices et, par conséquent, sur le cours des actions. Sans parler de l’emploi ou des salaires, parce que ça, ça n’est qu’un détail dans l’équation.

Deuxièmement, ces augmentations de prix peuvent être répercutées (et vont être répercutées) sur le consommateur, ce qui va les mettre sous pression et les limiter dans leurs week-ends shopping. On l’a dit et répété, le consommateur américain est le moteur de la croissance. Donc sans lui, je vous laisse faire les calculs et imaginer ce qui pourrait bien se passer. Pas besoin d’être un génie pour comprendre que la combinaison de ces effets sur les consommateurs et les entreprises fait craindre à certains, que les droits de douane puissent provoquer une récession. Oui, oui, je sais on n’a pas le droit de dire « Récession » parce que c’est pêché dans le monde merveilleux de la finance, de l’économie et de ceux qui préfèrent quand même quand ça monte tous les jours. Mais c’est pourtant une réalité qu’il faut accepter, puisque même dans son interview de ce week-end, lorsqu’on lui a demandé s’il s’attendait à une récession en 2025, l’infatigable Président Donald n’a pas hésité à dire :

« Je déteste prédire ce genre de choses. Mais il y a une période de transition parce que ce que nous faisons est énorme. Nous ramenons la richesse en Amérique. C’est une chose importante. Cela prend un peu de temps »

Alors oui, il n’a pas dit : « ll y aura une récession ». Mais par contre, il n’a pas dit non plus : « Il n’aura pas de récession ». Je pense qu’il est parfaitement conscient que ce qu’il veut faire va prendre du temps, coûter de l’argent et avoir des conséquences économiques, mais que pour l’instant, il avance à tâtons et n’en sait pas plus que nous.

Et puis, pour conclure le sujet des droits douane, ces hausses de prix pourraient intervenir à un moment où l’économie est encore aux prises avec une inflation résiduelle, et des chocs de prix supplémentaires pourraient rendre plus compliqué une intervention de la FED pour baisser les taux encore une fois. Ou deux. Nous sommes donc dans une situation extrêmement délicate sur les indices en ce début de semaine et visiblement, l’interview de Trump dont on vient de parler, met déjà la pression sur les futures qui ont déjà une sale gueule alors que les marchés ne sont pas encore ouvert sur le Vieux Continent et qu’il reste près de 12 heures avant l’ouverture de Wall Street (oui à l’heure où j’écris ces mots, il est 3h30 du matin)…

Le grand huit (again)

Nous commençons donc la semaine en mode grand-huit. Un peu à l’image de celle que nous venons de terminer. Les tarifs douaniers et l’incertitude qui les entourent, sont bien sûr le sujet principal du moment – si l’on fait abstraction de la thématique du réarmement en Europe, qui mobilise toutes les forces économiques et politiques, les gens sont obsédés par les décisions à venir au sujet des tarifs. C’est un chose, c’est un fait et il va falloir vivre avec. Pour combien de temps ? C’est encore une autre question à laquelle on ne peut pas répondre et qui va encore rajouter un peu d’incertitude. Et c’est elle, cette fameuse incertitude qui pèse sur notre moral. Parce qu’il y a une chose que l’on n’aime pas, c’est de ne pas savoir. Parfois on préfère avoir une bonne ou une mauvaise nouvelle pour l’interpréter à notre manière et parfois y trouver du bon à l’intérieur, plutôt que de ne pas savoir.

Tenez, par exemple, on peut rapidement parler des chiffres de l’emploi de vendredi dernier. Pour faire simple ; ils sont sortis 151’000 créations d’emplois pour le mois de février – février qui était le premier mois complet sous Trump 2.0 – le marché attendait autour de 170’000 créations et c’était donc un peu en-dessous quand même. Sans compter que l’on a également revu les chiffres du mois dernier à la baisse de 19’000 et que le taux de chômage était de 4.1%, alors que les génies de Wall Street avaient prévu un chiffre au même niveau que celui de janvier, à 4%. En temps normal et dans un monde normal, ces chiffres auraient été considérés comme « décevants », pas décevants au point d’envisager de se mettre short sur les marchés et de se faire tatouer le mot « Récession » sur le front, mais on ne peut pas dire rationnellement et sans sourciller que : « c’était quand même une bonne nouvelle !!! » – NON ! ça n’était pas une bonne nouvelle et ça confirme que le marché de l’emploi continue de ralentir et que – pour l’instant – nous ne sommes pas encore en mode « make america great again ». Mais c’est là qu’est la beauté de la finance, c’est que l’on a réussi à « trouver que c’était quand même pas mal parce que c’était moins pire que ce l’on craignait !!! »…

La trouille ça ne se commande pas

VOILÀ ! Nous y sommes ! En fait on avait fixé des attentes pour les chiffres de l’emploi, mais on n’était franchement pas sûr de nous et rien que d’y penser je vois le doigts des économistes qui tremblaient quand ils ont dû remplir le formulaire des attentes sur les NFP’s… Les gars ils étaient là en train de se dire que ça pue et que ces 170’000 c’est beaucoup, ça peut pas fonctionner, ils sentent que l’économie pue, alors ils mettent des chiffres pour se laisser croire que ça va, mais en fait ils ont peur. Et vendredi ils avaient peur que ça sorte à 35’000 au lieu de 170’000. Et là : OUF DE SOULAGEMENT ; on s’en est encore sorti ce mois. C’est magique ! Et c’est aussi ce qui nous a empêché d’aller clôturer en-dessous de la moyenne mobile des 200 jours, ce qui aurait été rédhibitoire pour la suite des évènements. Bon, après, à voir la tronche des futures ce matin, je ne suis pas certain que l’on puisse tenir longtemps au-dessus de cette fine ligne de soutien que l’on nous a dessiné sur le graphique. Mais retenez bien une chose : les analystes et autres économistes veulent croire que tout va bien se passer, mais ils savent au fond d’eux qu’il y a un truc de pourri au royaume de l’économie américaine, même Trump le dit, il faudra un peu de temps pour rendre l’Amérique Great Again. Reste à prier pour qu’il y arrive vraiment et si possible, pas trop à nos dépends…

En résumé de tout cela, nous commençons la semaine dans le même état d’incertitude dans lequel nous étions vendredi dernier. Les droits de douane sont un problème qui ne nous fait pas gagner en sérénité, mais en même temps nous avons compris – après 6 ou 7 semaines de Donald Trump à plein temps, que ça n’allait pas être une promenade de santé et que si l’on croyait que l’on s’était fait balader lors de son premier mandat et que plus rien ne pouvait nous surprendre ; eh ben on s’est gouré. Et ça risque même d’être bien pire. Il va falloir s’habituer, les swings vont être violents, mais Trump a le pouvoir de nous surprendre toutes les cinq minutes et il ne faut, il ne faudra jamais baisser la garde. Vendredi, même Powell a essayé de parler pour nous rassurer. Alors oui, l’économie est solide et se porte bien – selon lui – cependant, il a très clairement répété qu’il ne pouvait pas prendre de décision sur les taux au vu de la situation actuelle et du chantier dans lequel l’administration Trump est en train de mettre le pays. On a besoin de réponse à nos questions et de lever ce rideau d’incertitude qui nous pèse sur le moral !

L’actualité du moment

Ce matin en Asie, la Chine est confrontée à son inflation. Alors que les Américains ne savent plus comment la faire baisser, la Chine a profité de ce dimanche ensoleillé pour annoncer une inflation négative. Sur une année l’inflation est de moins 0.7% et du coup, les économistes sont tous plus ou moins d’accord sur le fait que ça ne sera pas simple d’atteindre les 5% cette année dans ces conditions. Pour le moment Hong Kong est en baisse de 1.44%, quant à Shanghai, le marché recule de 0.37%. Le Japon est en hausse de 0.54% pour le moment. Du côté du reste, le Bitcoin se fait encore déglinguer ce week-end, puisque le fonds de réserve de Trump n’aura satisfait personne dans le monde de la crypto et il va falloir trouver une autre raison pour voir remonter la crypto-star à 400’000$ comme c’est prévu depuis longtemps. Au passage, on signalera quand même qu’en lisant la presse du week-end, on peut tomber sur pas mal de commentaires très négatifs sur le bitcoin. Négatifs et surtout désabusés. Et je ne suis pas du tout, mais alors pas du tout expert là-dedans, mais en observant les comportements du passé, c’est en général quand tout le monde vient vomir dessus que ça remonte. À l’heure actuelle, le Bitcoin est à 82’250$ et Micro Strategy ou Strategy, comme ils s’appellent dorénavant, est en PLS. Le pétrole est à 66.67$ et l’or est à 2919$.

Dans les nouvelles du jour, nous sommes lundi matin et pour le moment, Donald Trump ne nous a pas encore gratifié d’information sur les droits de douane, mais il faut dire que son interview du week-end devrait déjà nous tenir un peu occupé. Au Canada, il semblerait qu’ils ont trouvé un remplaçant à Trudeau, puisque c’est Mark Carney qui deviendra Premier Ministre dans les jours qui viennent. Pour ceux qui se disent qu’ils connaissent ce nom, c’est normal puisque Carney a été patron de la Banque d’Angleterre ET patron de la Banque du Canada. Un bon banquier central ex de chez Goldman Sachs qui prend les commandes du pays. Ça se finit toujours hyper-bien quand c’est un banquier qui dirige un pays. Autrement il y a des risques de grève en Allemagne dans les aéroports. Il y a aussi Musk qui a déclaré qu’il ne couperait jamais le feed Starlink au-dessus de l’Ukraine et il a aussi déclaré que les USA devrait arrêter de participer à l’OTAN et arrêter de payer pour la défense européenne.

La semaine qui nous attend

La semaine qui commence ce matin ne sera pas simple. Tout d’abord vous savez que je suis un indicateur de « marchés agités » lorsque je ne suis pas là. Alors préparez-vous parce que dès demain je suis en vacances et je reviendrai le 24 mars. Virtuellement, je ne suis déjà plus là et je vous gratifierai encore d’une chronique demain et ensuite je vais manger du renne. Mais mis à part ça et pour ne pas jouer l’égocentrique, il faudra quand même retenir que la semaine va être un peu chaude, parce qu’il y aura les chiffres du CPI américain qui vont sortir mercredi. Ça va être intéressant sachant que les derniers chiffres étaient inquiétants, parce que trop fort, mais que l’on a été calmé par le PCE d’il y a une semaine qui disait que ça allait pas mal finalement. Ce mercredi, si l’inflation est à nouveau forte, il faudra quand même que l’on m’explique comment le CPI et le PCE arrivent à donner des informations aussi différentes, tout en se basant sur les mêmes données.

Graphique de l’inflation selon Truflation.com

Et tiens, à ce propos, il est intéressant de voir qu’un nouvel indice a été mis à notre disposition et on pourrait commencer à s’y intéresser, il s’agit de l’indice du Truflation Index. Le Truflation Index et basés sur des données de prix du marché collectées à partir de plus de 30 sources de données différentes, comprenant plus de 13 millions de points de données pour fournir des informations commerciales essentielles sur l’inflation et ses composants sous-jacents. En gros, ils ont accès en temps réel aux prix des biens de consommation, ce qui leur permet de fournir le niveau de l’inflation en temps réel. C’est en tous les cas ce qu’ils promettent. En partant du fait que les méthodes de calcul du CPI et du PCE datent d’une époque où la technologie n’était pas la même, on peut se dire que c’est la nouvelle génération… et que c’est l’avenir. Et si l’on se base là-dessus, il semblerait que ladite inflation est en train de se péter la figure. Si l’on en croit le graphique que vous pouvez trouver sur leur site, l’inflation serait en train de plonger en direction des 1.5% – et si c’est le cas, faites-moi confiance, ça n’est pas du tout dans les prix du marché ! Bref, cette semaine on va parler inflation et pas que, parce qu’il y aura aussi la confiance du consommateur version Michigan en fin de semaine et en ce moment, la confiance du consommateur, c’est pas rien. Il y aura aussi Oracle et Adobe qui vont publier cette semaine, une bonne occasion de reparler d’Intelligence Artificielle.

Pour le moment, les futures sont en baisse de 0.45%, mais c’était bien pire à 1h du matin, pour l’instant on remonte en espérant un miracle du côté de Trump. Souvenez-vous que le S&P500 est sur ses support et que le Nasdaq doit à tout prix éviter d’entrer en zone de correction, pour ne pas faire monter la volatilité trop haut. Et puis on notera que l’ensemble des Magnificent Seven se trouvent dans des situations de survente et qu’il serait bon de commencer à inverser la tendance ! D’ici-là, passez une excellente journée, un très bon début de semaine et on se retrouve encore demain, avant d’initier le Sell-Off parce que je serai dans l’avion !

À demain.

Thomas Veillet
Investir.ch

« C’est pas parce qu’ils sont nombreux à avoir tort qu’ils ont raison! »

Coluche