Nettoyés, poutzés, liquidés et effacés. C’est comme ça que l’on pourrait qualifier la performance du marché américain depuis l’élection du mois de novembre. Nous sommes de retour à la case départ et le S&P500 a même retesté la moyenne mobile des 200 jours pour la PREMIÈRE fois depuis 16 mois ! Plus personne ne parle de baisse des taux pour booster l’économie, toute la stratégie qui nous avait amené là où nous sommes est remise en question et ceux qui croyaient que Trump allait se préoccuper de la performance des bourses pour justifier son bilan, se rendent comptent qu’ils se sont mis le doigt dans l’œil jusqu’au coude. Hier l’ambiance était mortifère, mais ce matin l’espoir renaît.
L’Audio du 5 mars 2025
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Dans le dos
Encore une fois, la séance d’hier aura été une séance de rattrapage pour les Européens. En effet, la claque que le marché US avait pris vendredi soir lorsque nous nous sommes rendu compte que Trump n’allait plus négocier sur les tarifs, n’avait pas encore pu faire sentir son impact sur les marchés européens, puisqu’à l’heure où Wall Street s’était pété la figure, nous étions déjà rentrés à la maison pour aller faire bouillir la marmite. Niveau rattrapage européen, je dois dire que nous n’avons pas été déçus. Si lundi les membres de l’Union Européenne étaient sur leur nuage en train de signer des deals d’armement avec les 800 milliards annoncés par Bruxelles, alors que personne ne sait où ils vont trouver le premier centime alors que la plupart des pays de la région, sont au bord du gouffre financièrement, ça n’était pas la même purée dès ce mardi.
L’équation était assez simple à comprendre ; nous nous sommes dit que si Trump ne voulait pas négocier avec le Canada, la Chine et le Mexique, il n’y avait vraiment pas de raison qu’il le fasse avec l’Europe. L’Europe qui est probablement le prochain à se prendre la baffe de Washington en pleine face. Mais en attendant, comme nous savons tous que l’Europe est dépendante de la « bonne santé » du commerce mondial, on a clairement anticipé le moment où « Trump allait déposer sa bombe devant les bureaux de l’Union Européenne à Bruxelles » et on a tiré à boulets rouges sur tout ce qui « pourrait » en prendre pour son grade. Ça a commencé avec les constructeurs automobiles qui se sont fait littéralement massacrer – comme s’ils avaient besoin de ça – puis ensuite on s’en est pris au bancaires, puisque les « experts » se sont dit que si la mise en place des tarifs allait déclencher un ralentissement mondial, il semblait inévitable que tout ce qui est banques et brokers en prennent pour leur grade. Autant les banques sont le canari au fond de la mine quand les choses s’améliorent. Autant elles sont fragiles en cas de ralentissement économique. Et hier nous étions clairement en mode « l’économie va ralentir et on va tous mourir ». Même la perspective de la BCE qui va baisser les taux demain n’a pas atténué le bain de sang d’hier.
Prise de conscience, doutes et peur
Au niveau des chiffres, on retiendra surtout le DAX qui a ENFIN pris sa claque dans sa gueule de manière un peu plus conséquente. Lui, qui avait résisté à tout et battu 822 records historiques ces dernières semaines, a enfin craqué. L’indice allemand reculait de 3.54% et s’offrait sa pire journée depuis plus de 3 ans, une belle manière de saluer l’arrivée de la droite au pouvoir. Et le pire dans tout ça, c’est que la baisse massive d’hier ne se voit même pas sur le graphique. Ou à peine. Si l’on voulait revenir sur tendance de fond de ces deux dernières années, on devrait encore perdre 3’000 points sur l’indice Germanique. En France on limitait la casse en ne perdant que 1.8%, l’Italie faisait à peine moins pire que l’Allemagne avec 3.41% de baisse à Milan et en Suisse, on limitait la casse grâce au trois poids lourds du SMI qui terminaient tous en terrain positif alors que notre bon vieux SMI défensif, n’abandonnait « que » 1.21% alors qu’UBS se faisait littéralement flinguer pour fêter le retour de craintes du ralentissement économique.
Il est intéressant de noter que tous les beaux discours de confiance absolue sur les tarifs douaniers et sur le fait que ça n’était qu’un moyen d’accélérer les discussions entre Trump et le reste du monde, eh bien tous ces discours sont passés à la trappe et nous sommes tous en train de détester Trump pour ce qu’il fait et de ne pas comprendre « pourquoi il le fait ». Une chose est sûre, il est certain que ces tarifs douaniers vont rendre l’Amérique plus grande, plus forte, plus belle et Great Again. Très honnêtement, je n’ai pas trop fait d’études, je ne vais donc pas me plonger dans les traités d’économie selon Donald Trump, mais disons que le marché n’y croit pas une seconde et commence à douter fortement en ce qui concerne la suite des évènements. Il faut reconnaître que ça n’est pas un marché facile et que l’aspect « géopolitique » qui nous occupe en ce moment n’est pas du tout simple à gérer, à comprendre et à appliquer aux comportements grégaires des bourses mondiales.
En résumé, si hier vous étiez un fabricant de voitures, vous avez vécu une « putain » de sale journée, si vous étiez un équipementier qui vend des équipements pour les voitures en question : c’était pire. Et pendant un instant, en Europe, on n’a plus parlé de guerre mondiale, de réarmement à coup de 800 milliards d’Euros et même Rheinmetall était en baisse hier. D’ailleurs, j’aimerais bien revenir sur « l’emprunt que veut faire l’Union Européenne pour se réarmer ». J’aimerais bien savoir comment ils vont faire pour lever autant de fric alors qu’ils ont la crédibilité d’un politicien corrompu dans une République Bananière et que Von der Leyen à l’air à peu près aussi digne de confiance qu’un trafiquant de drogue colombien qui vient de se faire choper au volant d’un trente tonnes rempli de coke et qui dit que c’est pas son camion et qu’il est seulement là pour donner un coup de main à un pote ! En tous les cas, personnellement si tu me laisses le choix entre prêter de l’argent pour le « réarmement » de l’Europe ou me péter les deux genoux MOI-MÊME à coups de marteau ; je vais tout de suite au garage chercher le marteau… Mais là n’est pas le sujet, hier on n’a pas parlé de guerre en Ukraine, on n’a pas parlé de forces armées, mais on a pris conscience que les tarifs, c’était pas pour de rire et c’était une boucherie. Mais il y a de l’espoir, comme toujours.
Retour en arrière
Aux USA c’était pas forcément mieux, mais c’était « moins pire ». On s’est un peu basé sur les mêmes réflexions : inquiétudes sur les conséquences des droits de douanes, inquiétudes sur les 100’000 fonctionnaires que Trump veut foutre à la porte, inquiétude parce que le Canada, la Chine et le Mexique ont tous annoncés leurs mesures de rétorsion face aux décisions de Trump. Et dans cet environnement, le résultat était plus ou moins le même qu’en Europe ; les voitures se sont fait flinguer aussi, surtout celles qui ont des usines au Mexique, les banques en ont également pris plein la gueule « parce que l’économie elle va ralentir et que les biens et les services vont moins circuler et que les pôôôôôvres banques vont gagner moins de pognon à la fin de l’année. On anticipe un peu tôt dans le cycle économique, mais comme nous sommes des visionnaires, on ne va pas se priver de mettre les choses au clair dès qu’on sent bien les choses. Tenez, par exemple, depuis octobre 2023, on monte en anticipation d’une multiple baisse des taux de la part de la FED et on n’a pas eu tort. On avait anticipé. Bon, d’accord, on n’a pas eu les 12 baisses de taux que certains experts nous avaient promis en 2024, mais il faut quand même reconnaître que « TROIS BAISSES DE TAUX », ça compte aussi quand on dit : « multiple baisse des taux ». Trois c’est « multiple ». Et pis dans les TROIS y a quand même une fois ou c’est 50 bp, donc techniquement, ça fait quatre…
Mais bon, là n’est pas le sujet. Hier on était inquiet parce que les agissements de l’agent orange commençaient à faire peur à tout le monde et que l’on se disait qu’il était foutu de nous mettre en récession. Par contre, il y a DEUX choses qui nous ont plus ou moins sauvé la journée. Une qui s’est passée durant la séance et l’autre, juste après. En ce qui concerne la première cause de sauvetage, le S&P500 s’est arrêté de baisser dès qu’il a atteint la moyenne mobile des 200 jours. Le rebond est quasiment « microchirugical ». Au point près le S&P500 est reparti comme une balle dans l’autre sens. Et puis du côté du Nasdaq, on a évité la « zone de correction » – à savoir : une baisse de plus de 10% depuis les plus hauts – c’est à ce moment très précis que nous sommes remontés pour fortement limiter la casse sur les big techs et les Magnificent Seven. Pour faire simple, le marché avait une sale gueule, mais à 22h00, à la clôture, on avait nettement moins une sale gueule que deux heures auparavant. Une chose est certaines, les marchés sont volatiles comme ils ne l’avaient plus été depuis une moment et puis, le Greed and Fear Index est même allé chercher les 15… ça faisait un moment qu’on n’avait plus eu aussi peur. Le S&P500 n’avait plus touché sa moyenne mobile des 200 jours depuis… ah ben tiens, quelle coïncidence, plus touché depuis : LE PIVOT DE LA FED en octobre 2023 !
La somme de toutes les peurs et la somme de toutes les joies
Et puis alors après tout ça, après toutes ces peurs, on a quand même eu droit au sauvetage after close. Oui parce qu’après la clôture, il y a eu une interview sur FOX News. Une interview de Lutnick, le Secrétaire du Commerce américain qui a déclaré que Trump allait « PROBABLEMENT » renégocier les tarifs douaniers du Canada, du Mexique et de la Chine dans les jours ou dans les heures qui viennent. Du coup, les futures sont repartis à la hausse comme une balle magique et ce matin, les marchés asiatiques sont en hausse pour fêter ça. Ce matin le Nikkei avance de 0.4%, tout comme la Chine. Et Hong Kong progresse de 1.6%. Le pétrole est à 67.66$ – toujours en zone de grand danger et l’or remonte à 2921$ – à l’assaut de 3’000$. Le Bitcoin est à 87’000$ et plus personne n’aime les cryptos. Pour le moment.
Et puis Trump vient de finir son speech devant le Congrès il y a très peu de temps. Je vous passe les considérations de politique étrangère et le fait que selon lui Biden est un con et tout ce qui va mal aux USA est de la faute de l’ancien Président, mais Trump a défendu ses nouveaux tarifs douaniers, malgré la panique des marchés. Il admet un “petit dérangement” temporaire mais insiste que ça en vaut la peine pour “rendre l’Amérique riche et grande à nouveau”. Les économistes, eux, alertent sur des hausses de prix pour les consommateurs, mais Trump maintient que ce sont les autres pays qui paient et qui paieront. Lors de son discours, Trump n’a rien lâché et promet même un “boom” dans l’industrie automobile… pendant que les constructeurs avertissent d’une flambée des prix des voitures. On notera que Trump n’a même pas mentionné le fait qu’il « pourrait renégocier les tarifs douaniers » comme l’a laissé entendre Lutnick quelques heures plus tôt. Alors ? Rebond or not rebond ? Feu de paille or not feu de paille ? That is the question !
Nous noterons encore
Pour le reste, ben en fait il n’y a que très peu de « reste ». Il faut retenir que Walgreen est en hausse de plus de 5% sur des rumeurs de rachat de la part de Sycamore Capital, Tesla s’est fait encore une fois déglinguer hier soir. Rien à voir avec les usines au Mexique, c’est plutôt que les ventes sont en train de s’effondrer en Chine et que Bank of America a revu ses objectifs à la baisse. À force de prendre tout le monde pour des cons, Musk est en train de perdre des copains. Autrement, si l’on doit parler d’autre chose que des tarifs douaniers, on retiendra que la Chine s’est fixé une croissance de 5% en 2025 et qu’ils vont augmenter leur budget d’armement de 7.2% afin « de garantir leur protection » – histoire que Taïwan ne vienne pas les agresser. Qui dit croissance de 5% dit aussi mesures de stimulus à venir.
Et puis, du côté guerre en Ukraine, Zelensky est prêt à négocier la paix, à signer un accord sur les métaux rares en faveur des USA et visiblement, il est prêt à tout faire pour réparer sa relation avec les USA. Sauf peut-être mettre une cravate. Bref, tout ça pour vous dire qu’il n’y a pas des tonnes de nouvelle fondamentales très excitantes et que tout le monde vit dans la volatilité du moment en essayant d’interpréter les décisions de Trump ainsi que la mise en place de ces dernières. En plus la semaine n’est pas terminée, puisqu’aujourd’hui nous aurons le CPI en Suisse qui – j’en suis sûr – va totalement changer la face des marchés. Il y aura aussi pas mal d’ISM aux USA qui devraient nous donner une idée de l’état de l’économie et pour terminer, il y aura le Beige Book et les inventaires pétroliers et les chiffres de l’emploi ADP.
Pour l’instant les marchés parient donc sur une nouvelle renégociation des tarifs à la mode Trump et si cela devait se produire, toutes les questions que nous nous sommes posées hier, pourraient bien n’avoir servi strictement à rien. Merci d’avoir été là ce matin, on se retrouve jeudi pour faire le point et d’ici-là : excellente journée à tous !!!
Thomas Veillet
Investir.ch
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