La semaine se termine et rien n’a fondamentalement changé. Les interrogations autour des droits de douanes sont les mêmes. On brasse de l’air et on vit au rythme des conférences de presse du Président Américain. La paix en Ukraine et le renforcement de la défense européenne est toujours un thème très présent mais qui – momentanément – n’intéresse plus trop les marchés. La macro est largement passée au second plan, mais on y reviendra la semaine prochaine et pour ce qui est de la séance d’hier, on s’est surtout concentré sur un sujet qui avait été largement mis de côté depuis un moment : l’état de santé du consommateur.

L’Audio du 21 février 2025

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Avant

Il y a quelques années on mettait beaucoup en avant le fait que le consommateur américain était le moteur de la croissance et que sans le consommateur, la croissance américaine ne pouvait pas se maintenir et toute l’économie avec. Depuis quelques années, on se fout pas mal de l’état de santé du consommateur et on se concentre sur la croissance des nouvelles technologies et ce que Joe American fait de son pognon, plus personne ne s’en préoccupe. On sait actuellement que l’Américain moyen s’endette pour pouvoir financer son combat personnel contre l’inflation, qu’il se pose des questions sur l’intérêt d’acheter une maison avec des taux hypothécaires aussi élevés – mais en même temps, ça reste le seul moyen de « vivre le rêve américain » et puis, plus récemment, hier Walmart a publié des chiffres et des guidances pour l’avenir qui laissent à penser que Joe American est en train de se serrer la ceinture et de commencer à faire un peu plus attention à ce qu’il consomme.

Le plus grand supermarché du monde a donc publié des chiffres en demi-teinte, expliquant que selon eux, leurs clients se dirigeait un peu plus en direction des produits qui offrent des marges moins élevées. Traduction : des produits bons marchés et que ces « nouvelles habitudes de consommation » ont poussé le management de Walmart à anticiper des trimestres à venir qui pourraient être plus compliqués. Le titre s’est pris plus de 6% dans les dents, mais c’est l’ensemble du secteur « vente de détail » qui en a pris pour son grade alors que les intervenants commencent à se dire que c’était mieux avant et que les ventes de détail pourraient être un problème pour les mois à venir. Présenté comme ça, ça peut faire peur, mais heureusement, Wall Street a cette immense capacité à savoir trier le bon grain de l’ivraie et à trouver la bonne nouvelle au milieu de la mauvaise.

Pression mais pas trop

En effet, les annonces de Walmart ne sont pas terribles si l’on tient compte du fait que le consommateur pourrait être en train de lâcher. Et c’est d’ailleurs pour ça que le marché était légèrement sous pression durant la séance d’hier et que le S&P500 n’a pas réussi (cette fois) à terminer au plus haut de tous les temps. On a commencé à sentir une vague de frayeur se pointer sur les indices, permettant de trouver un nouvel angle à l’angoisse après les droits de douane, DeepSeek et au fait que les Magnificent Seven ne peuvent plus en avant. Mais l’angoisse n’a pas trop duré puisque les analystes sont tous venus à la rescousse pour soulager le marché et l’empêcher de se replier trop loin. Oui, car si l’on se positionne avec un angle différent, on pourrait aussi se dire que « si le consommateur devait changer ses habitudes de consommation », cela permettrait à l’inflation de se calmer et d’envisager un futur plus « rose » du côté des taux d’intérêts. Sans compter qu’on n’a pas manqué de nous rappeler que Walmart est une entreprise conservatrice et que s’ils disent que le trimestre à venir ne sera « pas facile », c’est plus pour préparer les investisseurs « juste au cas où », mais qu’il ne fallait pas non plus paniquer, parce que Walmart n’a jamais été le genre à publier des prévisions euphoriques. Résultat : hier on a limité la casse, mais le Dow Jones perdait quand même 1%. Oui Walmart est dans le Dow Jones, ça veut dire qu’un trentième du Dow Jones a perdu 6.5% sur la séance. Forcément, ça pèse.

Fin de semaine et droits de douane

Du côté de l’Europe, on a continué à parler des droits de douanes, les annonces de Trump à propos des voitures et des semiconducteurs ont mis la pression sur certaines zones des indices européens, mais l’un dans l’autre, on s’en n’est pas trop mal sorti et la pression vendeuse ressentie lors de la séance de mercredi s’est tout de même bien atténuée. Le CAC40 terminait même la séance dans le vert. De façon homéopathique, mais dans le vert quand même. Il faut dire que l’Europe ne sait plus trop où donner de la tête. D’un côté, il y a les droits de douane, mais on sait que pour l’instant il ne faut pas trop paniquer et de l’autre, il y a les espoirs de paix en Ukraine qui pourraient donner un coup de fouet au marché. À ce propos c’est d’ailleurs très drôle d’observer le fait que ça fera trois ans le 24 février que les Russes sont entrés en Ukraine et que les marchés ont pris 60% depuis. 62% pour le Dax, 41% pour le CAC, 68% pour le Nasdaq. Et là on vient nous dire : « Oui, mais tu sais, si la guerre en Ukraine se termine, ça sera un soulagement pour les marchés qui vont retrouver des couleurs et se sentir moins sous pression ».

Ah ben ça c’est clair. 60% de hausse en trois ans et la fin de la guerre va nous faire nous sentir « plus à l’aise » dans le bull market. En gros s’il n’y avait pas eu la guerre en Ukraine, le Dax serait à 55’000, le CAC40 serait au-dessus des 15’000 et je n’ose même pas penser à la technologie. Bref. J’ironise, mais disons que c’est pas moi qui ai commencé. En tous les cas, la bonne nouvelle c’est que les « espoirs » de paix font fonction de soutien au marché européens qui se réjouissent déjà que ça aille mieux, tout en se disant que les droits de douane ; ça va bien se passer. En résumé, les marchés restaient solides hier. Légèrement en baisse, mais solides quand même ! Pendant ce temps, on va dire que je ne parle que de lui, mais il y en a un qui ne perd pas une seconde pour faire parler de lui, c’est Macron qui fait de l’Ukraine son sujet principal dans tous les sens. Le Président ne gère plus la France (Bayrou non plus d’ailleurs, il a d’autres soucis), mais il ne vit que pour et par l’Ukraine. Entre des sommets toutes les 48 heures des interviews, des interventions sur les réseaux sociaux on ne voit que lui. Du coup, ça permet de cacher le reste et de montrer à Trump qu’il existe. Aux dernières nouvelles, il veut lancer un grand emprunt pour soutenir l’Ukraine et ça va sûrement tout régler.

Du côté de l’Asie

Ce matin la plupart des marchés asiatiques étaient en hausse, certains plus que d’autres. On parle toujours de droits de douane et de taux trop élevés aux USA – alors que les USA s’en foutent complètement et que ça ne les a pas empêchés d’aller plus haut – mais le Japon avance péniblement de 0.2%, la Chine progresse de près de 0.9% et c’est Hong Kong qui remporte la médaille du mérite aujourd’hui, puisque l’indice Hang Seng s’envole de plus de 3% grâce aux chiffres canons d’Alibaba. Comme quoi le consommateur ne va pas si mal. C’est juste pas la même consommation, ni au même endroit. Mais au vu des chiffres d’Alibaba on s’est senti pousser des ailes en disant deux choses :

– La première c’est que le géant du retail chinois a quand même publié de super chiffres
– La seconde que l’on pourrait presque commencer à dire que la Chine se réveille. Oui, je sais c’est trop tôt pour le dire, mais on peut rêver

Et puis, si on voulait chercher un peu plus loin, on pourrait même dire que l’IA, c’est quand même super, parce qu’Alibaba ne s’est pas gêné pour mettre la chose en avant lors de sa conférence de presse. Ils estiment que « La stratégie d’intelligence artificielle d’Alibaba Group a contribué à porter la croissance du chiffre d’affaires du troisième trimestre à son rythme le plus rapide depuis fin 2023, alors que le géant du e-commerce a résisté à une concurrence nationale féroce et à un ralentissement de l’économie chinoise ». Du coup, ils ont annoncé une hausse de 7.6% du chiffre d’affaires à 38,5 milliards de dollars. Le titre est en hausse de plus de 8% et plus tôt à l’ouverture, nous avons même tapé les 13% de hausse.

Pour le reste, on notera que les inventaires pétroliers ont poussé le baril à la hausse, actuellement, le WTI est à 72.30$. L’or est à 2944$ après avoir tapé les 2972$ hier. Le Bitcoin est à 98’500$.

Nouvelles toujours maigres

Dans les nouvelles du jour, ça reste très très mince, mais il faut retenir que l’inflation au Japon est à 4 %, atteignant son niveau le plus élevé depuis janvier 2023, ce qui renforce les arguments en faveur d’une hausse des taux. Du côté de chez Musk et du DOGE, on continue à couper dans les coûts et hier il a viré la moitié du staff qui s’occupait de la surveillance et de la sécurité des véhicules autonomes. Ça n’a sûrement rien de personnel, seulement des mesures d’économie et il n’y a bien sûr AUCUN CONFLIT d’intérêt. L’un est le patron de la plus grosse boîte de véhicules électriques et les autres, font attention que ça ne parte pas en vrille. Tout va bien.

Autrement la boîte de Jack Dorsey, Block, a publié des chiffres en-dessous des attentes. Le titre perdait 6% hier soir after close. Chez Rivian on a dépassé les attentes en matière de bénéfices du quatrième trimestre et on a réalisé son premier bénéfice brut trimestriel – mais en revanche, on prévoit une baisse des ventes en 2025. Le fait d’avoir réalisé un premier bénéfice a rempli de joie les intervenants mais l’action était en baisse de 2.3% durant la séance d’hier et se traitait autour des 13$ alors que son plus haut historique est toujours à 179$. Et puis après les voitures électriques, Musk est en train de chercher à faire l’audit de la FED. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai comme l’impression qu’il y a un truc qui pourrait bien partir en vrille un de ces jours.

Côté chiffres

Du côté des chiffres du jour, il y aura des PMI’s composite et des PMI’s des services un peu partout dans le monde et ça sera à peu près tout. Il y aura aussi la confiance du consommateur version Université du Michigan dont tout le monde se fout en général, mais après Walmart, on pourrait finalement bien s’y intéresser.

Voilà. C’est à peu près tout pour ce vendredi matin. La semaine prochaine, c’est les vacances de ski pour les genevois, je ne serai donc pas là et je vais vous abandonner pour les chiffres de Nvidia. Profitez bien de ces quelques jours sans moi et dites-vous bien que chaque fois que je pars quelques jours, il se passe toujours des trucs mémorables. Et vu le niveau d’emmerdement actuel, on peut s’attendre à tout !

Excellente journée, excellent week-end et très bonne semaine à tous !

Thomas Veillet
Investir.ch