Oui, d’accord le S&P et le Nasdaq 100 sont au plus haut de tous les temps. L’indice de référence américain bat des records pour la seconde séance consécutive. Cela devrait nous réjouir et nous pousser à faire péter le champagne. Pourtant, on sent quand même que l’on s’ennuie assez profondément. Pour ne pas dire que l’on « s’emmerde grave », comme diraient les plus jeunes. Ce matin j’ai comme l’impression que nous sommes dans un vide intersidéral de nouvelles. Il n’y a rien de neuf, on brasse de l’air avec des news que l’on connait déjà. On tergiverse sur les droits de douane qui servent à tout et à rien et puis on ne sait plus quoi penser de la guerre ou de la paix en Ukraine. C’est long.
L’Audio du 20 février 2025
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Dormir ou investir, telle est à la question
Quand on fait le boulot que je fais, il est important qu’il se passe des « truc », des profits warning, des crises de panique, des remises en doute d’une thématique ou d’une autre – comme l’arrivée de DeepSeek l’autre jour. C’est primordial que la tension soit à son comble, que la volatilité soit sous tension et que potentiellement, il y ait une petite partie du monde merveilleux de l’investissement qui « doute ». Le problème c’est que là, depuis quelques jours nous sommes tombés dans une espèce de « vortex-spatiotemporel » qui donne l’impression que rien ne se passe. Que nous sommes dans un monde parallèle où on a de la peine à trouver les arguments pour monter ou pour baisser. Alors oui, bien sûr, comme je le disais en intro ; le S&P500 est au plus haut de tous les temps, et les indices européens n’ont jamais été aussi en forme – enfin, sauf hier. Pourtant, il n’y a que très peu de nouvelles qui ont la capacité d’être un « game-changer » et même si les gens sont plus ou moins convaincus que « tout va très très bien », on a quand même le sentiment que l’on manque de carburant pour aller plus haut, mais en même temps, on ne trouve pas de « vraies raisons » pour baisser.
Là, ce matin, j’ai le sentiment d’être scotché au milieu de nulle part. Bien sûr, il se passe des choses à droite à gauche, ça spécule sur Intel, on tire à vue sur Palantir parce que le CEO a modifié les règles du pacte d’actionnaires pour s’autoriser à liquider une partie de ses actions et récupérer 1.2 milliard en cash. Ça et le fait que le budget du Pentagon – qui est un gros client de Palantir – va subir une cure d’amaigrissement. Il y a aussi des upgrades ou des downgrades qui font leur petit effet, comme l’upgrade de Jefferies sur STM hier en Europe qui faisait exploser le titre de près de 8%, ou encore les chiffres discutables et les prévisions merdiques de Bumble – l’application de rencontre – qui faisaient plonger le titre de 30% et qui faisaient réaliser les traders que l’action était en baisse de 92% depuis l’IPO de février 2021. Ou encore Etsy qui se vautrait de 10% pour avoir raté son trimestre du point de vue des analystes. Mais l’un dans l’autre, il n’y a rien qui fait vibrer le marché. Il faut être « sur les bons titres » ou alors on s’emmerde comme un rat mort. La bourse n’intéresse plus personne. Enfin, pour le moment.
Et l’Ukraine et les droits de douane
Alors bien sûr, vous allez me dire : « Oui, mais pourtant il se passe plein de trucs sur les droits de douane et ça devrait mettre l’ambiance, et puis il y a aussi l’Ukraine ». Oui, c’est vrai. Mais depuis le premier choc des droits de douane il y a deux semaines et le revirement immédiat via des accords de frontière avec le Canada et le Mexique, on a bien compris que ça n’était qu’un instrument de négociation diplomatique et qu’avant qu’une vague de droits de douane aient un réel impact sur l’économie américaine, il allait falloir attendre un bon moment et que ça n’était même pas certain que ça se produise. Et puis l’Ukraine c’est surtout un challenge politique et géopolitique entre les Européens et les Américains. Trump veut retisser des liens avec la Russie et l’Europe veut continuer à se donner une légitimité dans le conflit. Sans compter que ça leur permet de justifier leurs dépenses militaires comme jamais et de prendre des commissions au passage sans que personne ne dise rien, parce que « tu comprends, la guerre est à nos portes ».
Les marchés sont donc dans une espèce de cocon qui ne nous permet ni de monter vraiment – parce que c’est quand même vachement haut et que les valorisations ne sont pas « cadeau » – ni vraiment de baisser non plus – parce que l’économie US est forte, l’Europe va repartir une fois que la guerre sera finie et qu’il suffit que la Chine redémarre pour mettre tout le monde d’accord. En résumé, nous sommes au milieu de nulle part, mais très très haut en termes d’altitude et personne ne sait quoi faire, voire personne n’ose rien faire. En plus, nous sommes dans cette fameuse semaine un peu creuse et un peu vide. Une semaine qui se trouve entre la fin de la saison des résultats et le début d’une nouvelle vague de chiffres macros – une semaine où la plupart des boîtes qui publient n’intéressent plus personne – il n’y a pas vraiment de chiffres économiques représentatifs (sans compter que depuis l’aire Trump 2.0, tout le monde se fout de la macro, parce qu’il va multiplier les pains et marcher sur l’eau) et les arguments « bateau » pour acheter ou pour vendre, ne font plus kiffer personne. J’aurais tendance à dire que c’est « trop calme » et que j’aime pas « trop beaucoup ça » et que je préfère quand « c’est un peu trop plus moins calme ».
Bref
Bref hier les marchés US ont fini au plus haut de tous les temps et l’Europe s’est pris une volée de bois vert sans que les « experts » soient vraiment d’accord sur la raison. On parle de tension avec la problématique ukrainienne, mais en même temps ça nous avait fait monter la veille à cause des investissements dans l’armement. On nous parle de tension sur les taux, alors que généralement, les marchés actions européens se foutent pas mal des mouvements sur le Bund ou sur l’OAT. Pour vous dire, la dernière fois que j’ai parlé du Bund ou de l’OAT dans mes chroniques, c’était pendant la crise grecque au début de la décennie précédente. Alors hier, peut-être les marchés européens se sont dégonflés parce que c’est monté trop vite, trop haut et trop fort et que là tout d’un coup, on se rend compte qu’on a de la peine à justifier la hausse pour toutes les raisons que je viens de citer. Soudainement, faire du trading dans cet environnement devient très très chiant et qu’il est peut-être plus simple de réduire les positions et de revenir la semaine prochaine quand Nvidia aura publié ses chiffres et que l’on pourra enfin REPARLER d’IA. Parce que soyons réalistes, le seul truc qui nous a vraiment excité ces derniers mois, c’est quand même l’Intelligence Artificielle et pas la couleur de la cravate de Trump, le dernier enfant de Musk ou l’équipe de foot US qui a gagné le Superbowl.
On a besoin de retrouver un peu d’excitation et cette semaine, l’avant dernière de février est très chiante, surtout si on ne comprend rien à guerre en Ukraine, ou si les droits de douane ne nous intéressent pas.
Et maintenant en Asie ???
D’ailleurs, ce matin en Asie les marchés sont dans le rouge : le Japon recule de 1.3%, Hong Kong est en baisse de 1.10% et la Chine ne fait rien. Et ce qu’il y a de bien c’est que chaque marché a une bonne raison de faire ce qu’il fait. Si vous cherchez la raison du pourquoi du comment de la baisse du Japon, c’est parce que, je cite : « les intervenants sont inquiet du niveau un peu trop élevé des taux d’intérêts aux USA, ainsi que des problématiques de tarifs douaniers qui « POURRAIENT » avoir des conséquences sur les exportatrices japonaises ». C’est marrant comme les taux n’ont pas changé depuis 2 mois aux States, mais que c’est CE MATIN que ça devient un problème pour le Japon. Peut-être que c’est à cause des Minutes du FOMC Meeting publiées hier, mais on y reviendra dans 30 secondes… Ailleurs, la baisse de Hong Kong est à mettre sur le dos de, je cite : « l’intérêt faiblissant au sujet de l’Intelligence Artificielle ». Pour faire simple, depuis trois jours, toute la thématique de l’IA était en hausse en Chine et à Hong Kong suite à des recommandations américaines sur le secteur et là on a fait son beurre et on plie bagage. Très original comme « stratégie long terme », sur trois jours. Et puis il y a la Chine qui ne fout rien en attendant qu’il se passe quelque chose. Le pétrole est à 71.50$, l’or est à 2960$ au plus haut de tous les temps AUSSI et le Bitcoin repart à l’assaut des 97’000$, drainant à peu près autant d’intérêt que j’en ai pour la lecture de Guerre et Paix en Serbo-Croate et en commençant par la fin.
Parlons maintenant des Minutes du FOMC Meeting. Et des quelques nouvelles qui peuvent nous faire réfléchir dans cet environnement d’emmerdement maximum. Hier soir la FED a donc publié le rapport écrit de ce qu’il s’est dit lors du dernier FOMC Meeting de fin janvier. Elle a fait part de ses inquiétudes relatives aux tensions commerciales et des tarifs douaniers réciproques avec les USA – mais il ne faut pas non plus s’exciter, sachant que ce texte a été rédigé le 29 janvier et qu’en ce temps-là, Trump n’avait encore rien fait. Les membres de la FED estiment que les changements de politique pourraient avoir des conséquences sur l’inflation et sur l’économie en général, ainsi que le marché du travail. Ils ont aussi constaté que l’eau ça mouille et que le feu ça brûle et si tu mets la main dans la cheminée pour prendre une bûche incandescente dans la main, tu as mal. En résumé, les Minutes sont un condensé de ce que l’on sait déjà, de ce que Powell a déjà raconté au Congrès la semaine dernière et de ce que ses copains ont déjà exprimé dans la presse depuis trois semaines. Une chose est absolument certaine, ça n’est pas avec cette publication que la probabilité d’une baisse des taux avant le mois de juillet va augmenter. L’inflation est un problème et Powell aimerait bien qu’elle redescende, mais il ne sait plus comment faire vu qu’il ne peut plus monter les taux et que les Américains continuent de dépenser un max dans les services, seule division de l’économie où la FED ne peut pas agir. Mais honnêtement, ON S’EN FOUT des Minutes, de l’inflation et de l’état mental de Powell. Nous ce qu’on veut c’est de l’Intelligence Artificielle qui monte et des indices qui battent des records.
Les Magnificent Seven sont moins magnifiques
Normalement, à ce stade la chronique, je vous parle des nouvelles du jour. Sauf que là, niveau nouvelle du jour, comme je vous le disais plus tôt – à moins d’être fans du conflit russo-ukrainien et des histoires entre l’Europe et les USA, il n’y a vraiment pas grand-chose dire. Ça et Palantir qui s’est fait défoncer hier soir, mais ça, on l’a déjà dit. Je vais donc prendre quelques instants pour vous parler des Magnificent Seven. Ces deux dernières années, il a été difficile d’échapper aux « Magnificent Seven », ces grandes valeurs technologiques qui ont alimenté le récent cycle haussier au point de représenter aujourd’hui près d’un tiers de l’indice S&P 500. Apple, Microsoft, Amazon, Alphabet, Tesla, Meta et Nvidia qui ont tenu le monde entier en haleine depuis des mois et des années semblent se trouver dans une zone un peu creuse. Depuis le début de l’année, le groupe représente une hausse de 1.3% – c’est pas terrible – surtout quand on voit le DAX qui est en hausse de 13.5% sur la même durée. Même le secteur des compagnies aériennes fait mieux que les Magnificent Seven. Pourtant on ne peut pas dire que les histoires de crashs aériens ont aidé le secteur à raconter de belles histoires.
Quoi qu’il en soit, le S&P500 est en hausse de 4.46% depuis le premier janvier. Ce qui veut donc dire qu’à l’heure actuelle, les marchés montent MÊME SANS LES MAGNIFICENT SEVEN qui avaient été le moteur de ces dernières années. La résilience du marché est tout bonnement incroyable. Les investisseurs refusent de baisser les bras face à la montée du sentiment négatif et aux inquiétudes concernant les tarifs douaniers et l’inflation. Au contraire, selon les dernières statistiques : sur les 500 membres du S&P500, 319 sont en hausse depuis le début de l’année et 300 sur 319 font mieux que la performance des Magnificent Seven. C’est impressionnant. On espère simplement qu’un de ces jours, les intervenants ne vont pas avoir l’idée de vendre les 7 magnifiques qui pèsent encore 30% du S&P500 à eux 7. Le risque semble limité à court terme puisque six d’entre eux ont publié leurs résultats trimestriels et qu’il ne reste que Nvidia la semaine prochaine. Hier Apple a annoncé son nouvel iPhone SE qui n’a virtuellement intéressé PERSONNE. Le titre prenait 0.2% sur l’annonce.
Les chiffres et la conclusion
Voilà, je vous le dis, on ne vit pas la semaine la plus passionnante de ces 12 derniers mois et ne suis même pas persuadé que vous ayez pris le temps de me lire ou de m’écouter jusque-là, tellement ça n’intéresse personne. Aujourd’hui nous aurons le PPI en Allemagne, les Jobless Claims aux USA, ainsi que le Philly FED et les inventaires pétroliers.
Vivement que ça s’excite un peu la semaine prochaine et que l’on retrouve un peu l’envie, même si la semaine prochaine je serai en vacances. Profitez bien de cette journée et faites autre chose que de la finance, parce qu’il y a des jours où vaut mieux faire autre chose. Celui-là en est un. Belle journée à tous et à demain !
Thomas Veillet
Investir.ch
“Don’t wait around for other people to be happy for you. Any happiness you get you’ve got to make yourself.” —Alice Walker