À l’approche de la fin de cette seconde semaine sous Trump 2.0, si l’on doit retenir une chose, c’est que le marché fait preuve d’une résistance qui est tout bonnement impressionnante. Je ne sais pas si l’on doit utiliser le mot résistance ou le mot résilience, peu importe. La force relative des bourses mondiales ne laisse pas indifférent. Après avoir subi l’attaque de DeepSeek sur l’IA, puis l’attaque vicieuse des droits de douane en début de semaine, on aurait pu s’attendre à bien pire. Hier encore, les « relativement » mauvais chiffres de Google ou d’AMD avait mis le marché dans une position délicate. Mais que nenni, les investisseurs ont su faire le tri, encore une fois.

L’Audio du 6 février 2025

Télécharger le podcast

Les droits de douane pèsent encore en Europe

Lorsque l’on regarde les niveaux des indices à la clôture hier soir, la photo est plutôt encourageante compte tenu des craintes qui pèsent encore au-dessus de nos têtes. Craintes qui vont encore durer 3 ans 11 mois et deux semaines, car nous avons bien compris que tant que Trump serait là nous allons devoir vivre avec une épée de Damoclès dès qu’il va s’énerver sur un truc et là, pour le moment, il est très très énervé. Mais malgré ces tensions sur les risques éventuels à venir et les « mauvais chiffres » de certaines sociétés qui représentent une grosse partie des indices américains, on s’en est plutôt bien sortis hier. L’Europe finissait néanmoins légèrement dans le rouge du côté de la France et de l’Allemagne, puisque les deux poids lourds européens craignent toujours ce que le Président US va leur balancer au sujet des taxes douanières. Si l’on se réfère à ce qu’il a annoncé pour le Canada, le Mexique et la Chine, on a bien l’impression qu’il va attendre la clôture des marchés vendredi soir pour la ramener sur le sujet.

L’Europe a donc majoritairement traité dans le rouge pour montrer sa crainte de la réaction américaine, sans compter que Pernod-Ricard s’est montré désabusé à propos de ses perspectives d’avenir, expliquant que la situation économique et politique et géopolitique était trop compliquée pour prévoir quoi que ce soit. Le vendeur de spiritueux prend donc le parti de naviguer à vue et advienne que pourra. Les commentaires désabusés qui donnaient l’impression que le management était en Burn-Out, ont mis la pression sur le titre qui était le plus gros perdant du CAC40 hier. Mais encore fois, le maître mot de toutes les réflexions au sujet des marchés européens restait : « Qu’est-ce que le bonhomme orange va nous faire ces prochaines semaines ? » Et surtout : « Comment vont réagir nos élites qui sont actuellement à peu près aussi digne de confiance qu’une équipe de dealers qui se prépare à recevoir une cargaison en provenance d’un go-fast sur une aire d’autoroute du Sud de la France ».

Mais encore

Bref, l’Europe était légèrement en baisse et s’interrogeait sur la suite des évènements Made In Maison Blanche. On notera encore l’explosion de Valneva qui a annoncé que la FDA version britannique qui s’appelle la MHRA a autorisé la mise sur le marché de son vaccin le iXchiq, qui est le seul au monde à lutter contre le chikungunya. C’est sa quatrième autorisation, après l’Europe, le Canada et les States. Le titre prenait 17% et j’en profite pour me demander encore une fois pourquoi les scientifiques qui développent des médicaments, des vaccins ou des traitements contre des maladies graves ou inconnues, mettent toujours un point d’honneur à trouver des noms complètement délirants comme – dans le cas présent – le « IXCHIQ ». Mis à part pour gagner au scrabble, je ne vois pas l’intérêt. Là ils ont mis six lettres dont deux voyelles qui sont les mêmes et quatre consonnes, dont le « Q » et le « X » !!! Franchement ? Déjà rien qu’à prononcer le nom du vaccin on est encore plus malade que quand on se fait piquer par un moustique qui EN PLUS vous transmet le chikungunya. Ils auraient appelé ça « vaccin contre le chikungunya le plus performant du monde », ça aurait suffi. Ok, on n’aurait pu le placer au scrabble pour faire mot compte triple, mais au moins c’était prononçable.

Autrement hier il y avait TotalEnergies qui a publié un bénéfice en baisse de
21% pour 2024. La société a déclaré que l’environnement de marché était « moins favorable » qu’en 2023… Cependant, cette mauvaise nouvelle avait été anticipée, puisque le titre avait tout de même baissé de 30% par rapport aux plus hauts de l’an dernier. La société prévoit un baril à 70$ en 2025, ils vont continuer à investir dans les énergies renouvelables et veulent définitivement se faire coter à New York, mais « sans froisser la France » – on se réjouit de voir comment ils vont faire – sans compter que le patron de Total a rejoint Bernard Arnault sur le sujet qu’il est impossible d’investir et de se développer en France avec cette politique fiscale et économique de bras cassés qui est menée actuellement. Alors bien sûr c’est pas ses vrais mots, mais l’idée est bien présente au fond… Ce qui est intéressant avec Total, c’est qu’à chaque fois qu’ils publient des résultats records, toute la gauche est devant le siège pour hurler au scandale et réclamer la tête du CEO parce qu’il ne redistribue pas de l’argent gratuitement à tous les Français et quand le bénéfice est en baisse – pouf – y a plus personne pour la ramener. Bizarre quand même.

MAGA

Du côté des USA, la réflexion n’était pas tout à fait la même. On a déjà oublié le concept des DROITS DE DOUANE et on a bien compris que ce que faisait Trump, c’était surtout d’utiliser ces tarifs comme arme de destruction massive pour obliger ses partenaires commerciaux à trouver des compromis plus rapidement qu’en organisant des sommets aux quatre coins du monde dans des hôtels de luxe où tu paies 1’500 balles la nuit pour avoir une chambre de 24 m2 avec vue sur la piscine. Donc du coup, on s’est posé des questions sur les discussions avec la Chine et comme ça ne venait pas, on s’est reconcentré sur les chiffres économiques et les chiffres du trimestre. Pour ce qui est des chiffres économiques, on a eu la première publication d’un chiffre de l’emploi sous Donald Trump 2.0 – C’était les chiffres de l’ADP. Alors on sait bien que ces chiffres ne veulent rien dire et qu’en général on s’en tamponne parce que ce que l’on veut vraiment, c’est les chiffres des Non Farm Payrolls qui sortent vendredi, mais comme les ADP d’hier montraient pas mal de croissance au niveau de l’emploi, on s’est dit que c’était quand même pas mal d’y jeter un œil.

Selon ce rapport, le secteur privé a créé 183’000 emplois en janvier. Ensuite, ils ont révisé à la hausse les chiffres de décembre : 176’000 contre 122’000 précédemment. En gros, meilleurs que les attentes et surprise à la hausse sur les anciens chiffres. C’est marrant, parce que c’est exactement l’inverse de ce qui était publié sous Biden. De là à dire qu’il y a deux méthodes de calcul différentes, il n’y a qu’un pas que je ne franchirai pas. Du coup, on s’est tout de suite dit que ça n’augurait rien de bon pour une éventuelle baisse des taux un de ces jours. Il faut dire qu’actuellement, les espoirs de baisse des taux lors du meeting de la FED en mars, sont de 16%. Heureusement hier le marché obligataire s’est davantage concentré sur l’annonce du département du Trésor qui n’accélérerait pas ses émissions de dette ces prochains mois.

Earnings et earnings encore

Pour le reste, il a fallu gérer la baisse de Google qui pesait massivement sur le secteur des Magnificent Seven et sur les indices. Mais Eureka ! Il s’est passé quelque chose de magique ; les intervenants ont considéré qu’au milieu des « déceptions de Google », il y avait une bonne nouvelle : les investissements massifs annoncés dans le secteur de l’IA. Investissements massifs qui vont – bien sûr – profiter à Nvidia. La hausse du roi de l’IA a donc compensé un peu les mauvaises performances de Goggle et d’AMD. Pour le reste, on s’est concentré sur les chiffres trimestriels. Dans la longue liste des annonces d’hier, on retiendra UBER qui a annoncé un chiffre d’affaires meilleur que les attentes, avec un bénéfice net de 6,88 milliards contre 1,43 milliard il y a un an. Par contre, ils ont annoncé que « ses bénéfices étaient essentiellement dus à des éléments exceptionnels » et dans la foulée, les analystes ont été déçus par la croissance et s’inquiètent de l’arrivée des robotaxis que Musk nous promet tous les trois mois. Uber a perdu plus de 7% hier.

Chez Disney, on a fait mieux qu’attendu un peu partout et le titre baissait de 2.4% durant la séance. Comme d’habitude, il fallait creuser le sujet un peu plus loin, puisque les vendeurs se sont acharnés sur Mickey à cause de la baisse des leurs abonnés sur Disney+ (ce que l’on peut largement comprendre quand on voit l’originalité de leur contenu). En résumé, les chiffres sont bons, mais le marché se concentre surtout sur les abonnés dans le domaine du streaming. Il y a aussi MicroStrategy qui a publié une quatrième perte trimestrielle consécutive, il faut dire qu’ils ont comptabilisé une charge de dépréciation sur son stock de cryptomonnaies. Dans la foulée ils ont aussi annoncé qu’ils avaient encore levé 600 millions de plus pour acheter du Bitcoin et que, dans la foulée, ils changeaient de nom et se nommeront dorénavant : Strategy avec un logo qui est un « B » pour rappeler leur business plan. MSTR était en baisse d’un peu plus de 3% after close et le Bitcoin est à 97’900$.

Pour le reste

Après la clôture Ford a publié son trimestre et a globalement battu les attentes. Mais ils ont – en revanche – prévenu que 2025 ne serait pas une promenade tranquille au bord de la mer. La stratégie électrique va peser sur leurs coûts et leurs investissements et ça ne sera pas facile. Ils avaient l’air presque aussi motivés que le management de Pernod Ricard. Ford était en baisse de 4.5%. Ah oui, ils se sont aussi montrés inquiets en cas de mise en place de tarifs douaniers qui pourraient leur causer du tort. À 22h00 hier soir nous avons également eu droit aux publications trimestrielles de Qualcomm qui ont publié des chiffres meilleurs que les attentes, mais qui souffrent du fait qu’Apple va progressivement consommer moins de semiconducteurs made in Qualcomm. Le titre était en baisse de 4.5% hier soir. Et puis, ARM Holding a également publié des chiffres corrects, mais leur guidance optimiste n’a pas été assez optimiste pour les intervenants et le titre chutait de plus de 7% after close.

Ce matin, on peut résumer le comportement des marchés asiatiques de la manière suivante : « ça monte à cause de l’optimisme sur l’intelligence artificielle, mais la crainte d’une guerre commerciale Chine-USA, limite la hausse ». Le Nikkei est en hausse de 0.5%, le Hang Seng progresse de 0.7% et la Chine est en hausse de 0.95%. L’or est à 2’888$ et le pétrole, qui souffre également des tensions avec la Chine, se traite à 71$ et des poussières. On retiendra aussi que les inventaires pétroliers étaient plus forts que prévus et mettaient aussi la pression sur l’or noir. Un expert expliquait d’ailleurs hier que le gonflement des stocks de pétrole était principalement dû à la faiblesse de la demande saisonnière, puisque nous entrons dans la période de l’année durant laquelle les raffineries ferment pour faire les entretiens annuels avant l’arrivée du printemps. Si, si, vous avez bien lu : le printemps va revenir !

La journée du jour

Le Secrétaire du Trésor US, Scott Bessent a déclaré que Trump ne voulait pas pousser la FED a baisser les taux, mais qu’il désirait que les rendements soient plus faible sur les bons du trésor. On est soulagé de savoir qu’il ne va pas braquer une arme sur la tempe de Powell pour le faire bouger. Du côté de la BCE, elle est sur le point de fournir un élément d’information très important dans le débat sur l’évolution des taux d’intérêt dans la zone euro.

En Europe, de nouvelles estimations du taux neutre – (le taux neutre est un niveau théorique qui ne pousse pas l’économie à la surchauffe ni ne la freine, c’est ce taux mythique que rêve d’atteindre tout banquier ou banquière centrale digne de ce nom) – donc : de nouvelles estimations du taux neutre seront publiées vendredi. Christine Lagarde a déclaré qu’elle et ses collègues « travailleront sur la base » du document pour aider à déterminer « quelle devrait être l’orientation de la politique monétaire de la BCE ». En résumé, on devrait en savoir plus sur le plan de baisse des taux de la banque centrale dans pas longtemps !

Publications du jour

Pour ce qui est de la journée qui nous attend, nous aurons les chiffres de EliLilly – dans la foulée de Novo Nordisk qui ont publié hier et rassuré un peu sur l’avenir. Et puis ce soir, il y aura Amazon qui publiera after close. C’est l’avant-dernier Magnificent Seven qui publiera avant Nvidia qui viendra le 26 février, juste avant le dernier des BATMMAAN, Broadcom qui publiera le 28 février. En France, ce matin on regardera les chiffres de l’Oréal et de la SocGen – SocGen qui vient d’ailleurs de publier et qui annonce que son bénéfice a doublé à 1.04 milliard et ils annoncent un rachat d’actions de 872 millions d’Euros. Apparemment, la banque de détail fonctionne pas mal en ce moment.

Reste plus qu’à attendre les chiffres des Jobless Claims aux USA et des Factory Orders en Allemagne. Demain c’est NFP et ça sera vraiment intéressant. À moins que Trump s’attaque à l’Europe pour masquer les chiffres. Pour le moment, les futures sont en hausse de 0.24% et on se rapproche toujours un peu plus des records historiques sur le S&P500 malgré une saison médiocre au niveau des Big Names de la tech, comme le montre le graphique ci-dessous.

Pour le reste, il me reste à vous souhaiter une très belle journée et on se retrouve demain à la même heure et au même endroit soyez forts et n’écoutez pas trop le bruit assourdissant des médias financiers, fiez-vous à vos opinions et à vos instincts, dès fois c’est pas plus mal et vous vous rendrez vite compte qu’il ne faut pas écouter n’importe quoi et n’importe qui. Que le type assis en face de vous au bar a sa propre opinion et qu’il n’est pas forcément meilleur (ou moins bon) qu’une star de Wall Street. Et que surtout, vous n’avez pas forcément tort…

Belle journée à tous !

Thomas Veillet
Investir.ch

“Everything you’ve ever wanted is on the other side of fear.” – George Addair