Rien à foutre. C’est officiel. Le marché n’en a plus rien à foutre des droits de douane. Pour le moment les indices du monde entier sont en train de dire que « tout le monde a compris que c’est une arme de négociation massive » et que tant qu’il n’y aura pas des vraies applications de la chose et que l’on pourra mesurer l’impact sur l’économie, on achètera le reste du marché. Les « menaces de taxer tout le monde » de vendredi soir a déclenché un coup de froid sur le week-end, mais on s’est bien rattrapé lundi en faisant comme si les tarifs sur l’importation des métaux n’étaient que du bluff. Bluff que Trump a tout de même signé sous forme « d’executive orders » hier soir.

L’Audio du 11 février 2025

Télécharger le podcast

Not selling

Le marché se retrouve dans une situation très bizarre. On sait que le Président veut exercer son pouvoir sur le reste monde et rendre son « brillant » à l’Amérique et que, pour ce faire, il va devoir d’abord se fâcher avec ses alliés et que ces désaccords pourraient mener à des guerres commerciales qui ne sont jamais bonnes pour les économies. Des guerres qui pourraient mener à des hausses de l’inflation et à des craintes de ralentissement de la consommation. Mais malgré ces craintes et le fait que l’on sache que Trump est totalement ingérable et qu’il est capable de faire n’importe quoi à n’importe quel moment, on continue d’acheter tant que l’on n’a pas du « CONCRET ». C’est un peu le message qu’a envoyé le marché : « Cher Président vous voulez monter les droits de douane dans tous les sens et vous fâcher avec tout le monde ? On n’a pas de problème avec ça ! » Même si au fond de nous on a aussi envie de lui lancer : « CHICHE QUE t’oses pas ! ».

Et donc tant qu’il n’y a pas de VRAIS DROITS de douane qui sont imposés (apparemment les 10% contre la Chine ne semblent pas compter dans la tête de Wall Street), les acheteurs ne veulent pas renoncer à la hausse et à l’opportunité de racheter de la tech et de l’IA si la vague du moment continue de pousser à la hausse. D’ailleurs même si la hausse de ce lundi n’était pas stratosphérique, il est intéressant de voir que les intervenants sont revenus ENCORE une fois sur le sujet de l’IA et des Magnificent Seven, parce que quand on ne sait plus quoi acheter autant acheter des gros trucs qui au pire, seront les fondations de la World Company. Alors oui, la hausse n’était pas spectaculaire, mais tout était dans le vert sauf Tesla. Pendant ce temps Nvidia continuait de monter à coup de 3% et pour la sixième séance consécutive. Et puis on est obligé de citer Meta qui montait de 0.4% – alors oui, il n’y a pas de quoi se rouler par terre – mais c’est la SEIZIÈME séance de hausse consécutive pour META ! Je n’ai pas de statistique sous la main mais même ChatGPT n’a pas trouvé d’autres sociétés qui auraient aligné 16 séances de hausse à la suite. Même Nvidia n’a pas fait ça.

Pour faire simple, les méthodes de Trump ne font plus peur, jusqu’à qu’elles fassent peur à nouveau. D’ailleurs, si l’on avait un doute sur le fait que le marché est bipolaire, il est intéressant d’observer certains commentaires. Avant la clôture, le marché montait et les intervenants disaient qu’ils étaient sereins parce que les tarifs c’était une arme de négociation et juste après la clôture, quand on a entendu que Trump avait signé la mise en exécution de ces tarifs, les futures ont immédiatement retracé la moitié de la performance de la journée.

Les pieds dans le béton

En résumé, on sait ce qu’on fait, on est convaincus de beaucoup de chose, mais notre conviction est très limitée et pourrait rapidement être mise en doute par notre capacité à tourner la veste à la vitesse de la lumière. À l’heure où je vous parle, les futures sont en baisse de 0.3% pour ce que ça vaut à 5 heures du matin heure de Genève. Une chose est plutôt claire et cela se voit très bien sur les graphiques des indices comme le S&P500 ou le Nasdaq 100, c’est que les marchés sont coincés dans une période d’incertitude : on sait que les valorisations ne sont pas cadeau, on sait que l’on sera tributaire des décisions de la FED ces prochains temps et que l’inflation qui sortira mercredi est un des facteurs décisionnaire qui peut guider la FED dans ses prochaines décisions. Mais tant que l’on n’y verra pas plus clair, on a de la peine à se lancer et faire péter le marché à la hausse. Parce qu’il faut être franc, si on casse les plus hauts historiques sur le S&P500, on démarre pour une nouvelle vague haussière qui pourrait ouvrir la porte à toutes les fenêtres.

Graphique du S&P500 – Source : Tradingview.com

Mais pour le moment, force est de constater que l’on n’arrive pas vraiment à basculer d’un côté ou de l’autre. La date de la décision finale ne semble plus très loin, mais il n’est pas simple de la pointer du doigt sur le calendrier. Donc pour le moment, nous vivons au jour le jour, ou plutôt de paroles de Trump en paroles de Trump, en attendant peut-être une autre nouvelle qui nous montrera la voie. Une nouvelle qui arrivera – peut-être sous la forme du CPI de demain ou des chiffres de Nvidia de dans 15 jours. Allez savoir. On a vu vendredi dernier que les chiffres économiques n’avaient que très peu d’impact en ce moment. Les mots et les déclarations du locataire de la Maison Blanche ont trop de poids et on ne sait jamais comment est-ce que ça va se finir. Pour autant que ça puisse se finir.

L’Europe

Du côté de l’Europe on est dans le même mood avec deux trucs en plus :

– Truc numéro un : le fait que les valorisations des actions européennes sont moins élevées et que l’on peut jouer « l’effet de rattrapage
– Truc numéro deux : il y a le somment de l’intelligence artificielle à Paris avec le fabuleux, le truculent, l’excellent.. que dis-je : l’EXTRAORDINAIRE Emmanuel Macron Président de tous les Français, en guise de VRP

Et comme l’intelligence artificielle, c’est quand même trop cool. C’est encore plus cool quand il y a des grandes soirées en Europe et qu’on a l’air plus forts que les autres, on ne va pas se priver d’aller chercher les 8’000 sur le CAC et de clôturer au plus haut sur le DAX. Pour faire simple, pour le moment l’Europe surfe sur la vague et comme personne n’ose ou n’a vraiment envie de vendre et qu’en plus les chiffres trimestriels ne sont pas mauvais, on va se laisser porter encore un peu.

Pour ce qui est du reste du monde, ce matin les indices asiatiques ne font pratiquement rien, un peu comme s’ils attendaient de voir quel était la perception des tarifs douaniers pour la journée avant de prendre le moindre risque. Il est vrai que même si on a « tout compris », on n’est pas à l’abri d’un dérapage incontrôlé pour une interprétation soudainement différente de ce que l’on pensait avoir compris. Vous me suivez ? Non parce que même moi je me suis perdu. Bref, l’Asie attend, l’or est à 2’944$, sur le chemin des 3’000 et le pétrole est à 72.55$, parce que le pétrole remonte toujours quand on sent poindre les tensions géopolitiques à l’horizon. Du côté de la mesure de l’appétit au risque, il y a le Bitcoin qui ne fait rien et qui se traîne autour des 97’700$, un peu à l’image des marchés ; dans immobilisme relatif en attendant que le brouillard se lève et que le soleil revienne.

Les petites histoires du jour

Après, je vais être très franc avec vous, si l’on se concentre sur les indices uniquement, il n’y a que du très très chiant et, un peu à l’image du SOX depuis 8 mois, on a de la peine à trouver une direction. Cependant, si l’on se concentre sur les sociétés individuellement, ça bouge quand même pas mal. Alors pour la seconde partie de cette chronique boursière, on va se concentrer sur les rumeurs, les ragots et les vraies nouvelles neuves.

Bon appétit !

Tout d’abord, il y a McDonald’s qui a publié ses chiffres trimestriels. Pour faire simple, tout était en dessous des attentes. Mais le titre prenait tout de même 4.8% parce qu’il y avait UN chiffre de bien dans le tas, c’est le fait que les ventes étaient en croissance de 0.4% alors que les « experts » tablaient sur une baisse de 1.1%. Les fins gourmets retournent donc manger au McDo plus fréquemment et c’est une bonne nouvelle – à moins que ce soit une MAUVAISE nouvelle parce que ça veut dire que les gens ne peuvent plus aller manger ailleurs – mais en tous les cas, hier soir on a préféré voir le côté « positif » des choses.

Pas que des malheureux

Ensuite on peut parler ENCORE UN PEU des tarifs sur l’aluminium et l’acier, parce que ça n’était pas forcément une mauvaise nouvelle, puisque les producteurs locaux américains allaient forcément faire face à une concurrence qui allait lutter avec des droits de douane qu’eux n’auront pas. Ce qui devrait améliorer le bonus de fin d’année. Dans cet esprit Nucor
prenait 5,6 %, United States Steel grimpait de 4,8 %, Steel Dynamics de 4,9 %, Cleveland-Cliffs explosait de 18 % dans une moindre mesure, Alcoa avançait modestement de 2,2 %.

Magique IA !

On continue avec les délires haussiers de l’IA. Tout d’abord il y a Super Micro qui a pris encore 17% hier soir. Le titre est en hausse de 60% depuis le 3 février. Mais ce soir ils vont faire leur « business updates » et, en théorie, publier leurs chiffres trimestriels. Souvenez-vous du sketch que SMCI nous avait fait il y a quelques mois avec le départ de son auditeur et des bruits de méthodes de management bizarre ainsi que d’éventuels cadavres dans les placards, et bien on va en savoir plus ce soir. Au vu du comportement du titre, on peut se demander s’il y en a qui sont mieux informés que les autres ou si c’est les shorts qui sont en train de se couvrir. Attention à ça, parce que ça pourrait être SPECTACULAIRE ce soir !

Toujours dans le secteur de l’IA qui se porte toujours tellement bien et qui a un narratif hyper-bien rodé, on peut parler de Monday.com. Le titre a bondi de 26 % après l’annonce d’un bénéfice ajusté de 1.08$ par action. Les analystes s’attendaient à un chiffre de 79 cents. La société a également déclaré que son produit de gestion d’entreprise AI avait fini sa période de test et était dorénavant disponible pour tous les clients. Oui, vous avez bien lu : son produit de gestion d’entreprise AI – c’est surtout le AI à la fin de la phrase qui a fait monter le titre de 26%. Le titre est en hausse de 51% depuis le 15 janvier. L’IA c’est magique quand même, on comprend que personne n’ose être short sur SMCI ce soir !

Moins drôle

Chez On Semiconducteurs on a raté le trimestre, fait moins bien que les attentes et publié une guidance qui donnait envie de suivre une thérapie pour lutter contre la dépression, le titre se pétait la figure de plus de 8%. Semtech qui fait aussi dans les semiconducteurs a révisé ses prévisions de 2026 ( !) à la baisse. Le titre s’est pris 31% dans les dents. Et puis, puisque l’on parle des baisses du jour, on notera aussi que Tesla a perdu 3% encore et que tout le monde commence à se demander si Musk n’est pas un problème pour Tesla, sans compter que les ventes en Chine sont en baisse de 11.5% et qu’en plus certains propriétaires de Tesla sont passés à la télé pour dire qu’ils « haïssaient » Elon Musk et qu’ils allaient donc se séparer de leurs véhicules. Je ne sais pas si c’est ce qui fait baisser le titre ou même si ça empêche Musk de dormir, mais toujours est-il qu’il a mauvaise presse en ce moment.

Si c’est pas Trump, c’est Musk

D’ailleurs si ces derniers temps on parle pas mal de Trump, il faut reconnaître que depuis quelques jours, l’homme le plus riche du monde fait beaucoup parler de lui et pas pour ses entreprises. Entre le merdier qu’il est en train de mettre dans les comptes de l’US AID, les histoires avec le Trésor Américain, ou son salut nazi de l’autre jour, on se demande si lui aussi, il dort, comme on se le demande à propos de Trump. Dernières incartades en date, il est en train de prendre la tête avec Xavier Niel qui l’a traité de « connard » et depuis Musk fait campagne contre Niel en le traitant de « proxénète ». On voit que le niveau vole très haut dans les hautes sphères de la richesse mondiale. Mais ça n’est pas tout.

Hier Musk a également pris la tête d’un groupe d’investisseur pour proposer de racheter la société qui contrôle Open AI pour 97.4 milliards de dollars. Il faut savoir que Musk et Altman était associés au début d’Open AI et l’idée de base était de créer une entité active dans l’IA qui ne ferait pas de profits et qui serait destinée au bien-être de l’humanité. Étant donné que ça n’est plus vraiment la direction que ça prend, Musk a voulu changer les règles du jeu en rachetant la partie majoritaire d’OpenAI – prenant du même coup le contrôle du concurrent de SA boîte qui fait de l’IA. Sauf que, depuis que Musk et Altman se sont séparés, ils se haïssent cordialement. Altman a donc répondu à Musk via X : « Non merci, mais nous achèterons Twitter pour 9,74 milliards de dollars si vous le souhaitez ». Ce à quoi Musk a répliqué en traitant Sam Altman de « Scam Altman » et il ajouté, via une version plus officielle : « Il est temps pour OpenAI de redevenir la force open-source et axée sur la sécurité qu’elle était autrefois, Nous ferons en sorte que cela se produise ». On peut donc retirer plusieurs choses de cette affaire :

1) Sam Altman veut faire du fric avec OpenAi et il n’en a rien à battre du concept de « bien être » de l’humanité qui était à l’origine d’OpenAI.
2) La guerre commerciale n’est peut-être pas encore complètement démarrée, mais celle de l’IA est en pleine bourre et ça ne va pas s’arrêter de sitôt.
3) Au point 3, 100 milliards ne suffisent probablement déjà plus pour prendre le contrôle d’OpenAI, puisque le dernier round de financement valorise la boîte à plus de 300 milliards.
4) Et pour terminer, il est probable que Musk ne dorme jamais et qu’il ne mangera pas tout de suite avec Altman, ou alors pour l’emmener dans un restaurant qui fait du « fugu », en précisant bien au cuisinier de rater la recette.

Pour le reste des choses à dire

Autrement, on apprend que Merck (les Allemands) sont en discussion pour racheter la biotech SpringWorks Therapeutics, spécialisée dans le traitement des cancers et maladies rares. Springworks n’a rien confirmé ou infirmé, mais le titre prenait quand même 34% dans le doute. On notera aussi que GameStop a pris 10% hier soir, parce qu’on a trouvé une photo du CEO de GameStop avec le CEO de Strategy, Michael Saylor et on a immédiatement tiré des plans sur la comète et sur Reddit pour dire que – si ça se trouve – GameStop va faire comme Strategy avec du Bitcoin. Ça c’est de la vraie recherche fondamentale.

Il y a aussi Trump qui a « ordonné » au Hamas de libérer la totalité des otages restant d’ici midi samedi ou sinon, il leur promet l’enfer. Et il ne sait pas s’il y a assez de vierges pour tout le monde là-bas. Et puis toujours le bras de fer entre la France et les USA, le ministre de l’Économie dont personne ne sait le nom, mais on s’en fout parce qu’il ne restera pas longtemps, a refusé de faire sauter la taxe digitale qui ne plaît pas à Trump. Macron a mis en garde Trump qu’il ne se laisserait pas faire et il paraît que le Président Américain a peur dorénavant et qu’il ne dort plus. Il est vrai que le Président Français est impressionnant physiquement. Surtout depuis qu’il fait de la boxe sur Instagram.

Pour la journée d’aujourd’hui

Aujourd’hui il n’y aura pas de chiffres économiques, mais il y aura Powell qui va parler. Pour les trimestriels, il y aura Coca, Shopify, SuperMicro, DoorDash, BP, Lyft, Gilead, Kering et M6.

Je terminerai cette chronique avec deux choses :

– Premièrement, je voudrais faire un ERRATUM ; hier je me suis moqué des finances françaises en disant que les 109 milliards investis dans l’Hexagone c’était beaucoup par rapport à l’éducation nationale. En l’occurrence, ces 109 milliards, c’est de l’argent privé, ma remarque ne faisait donc aucun sens. J’ai pensé envoyer un mot d’excuse à Macron et puis après j’ai vu son discours où il a dit : PLUG, BABY PLUG (à propos de l’électricité) et je me suis dit qu’il était largement assez occupé faire son one-man show et que je n’allais pas le déranger pendant qu’il pluguait le monde.
– Deuxièmement, ce soir il y a WEBINAIRE chez Swissquote et devinez le thème ??? – oui, c’est bien l’Intelligence Artificielle ! Vous avez le lien pour vous inscrire ICI, c’est à 18h00 – ça dure une heure et c’est gratuit. Marco et moi vous recevront avec joie durant ces instants privilégiés !

Je crois que c’est tout pour ce matin, alors belle journée à tous et à demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

“Doubt is a killer. You just have to know who you are and what you stand for.” -Jennifer Lopez