Un lundi sans les Américains et tout est dépeuplé ? Hhhmmm, pas tant que ça. Alors oui, les marchés US étaient fermés pour cause de Président’s Day, mais on a quand même bien senti l’empreinte de Trump un peu partout. Ça s’excite dans tous les sens en Europe, Macron se prend pour le leader de l’Europe, il teste le terrain pour son prochain job de dans deux ans, on se réunit pour parler guerre et paix et on fait les comptes pour voir ce que l’on devrait dépenser ces prochains temps pour se « renforcer militairement » et se protéger contre l’ogre Poutine qui est attendu de pied ferme sur les Champs-Élysées. Pendant ce temps, l’Europe monte encore.
L’Audio du 18 février 2025
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Une journée en bleu avec des étoiles partout dans les yeux
En l’absence des Américains et pendant que Trump faisait des tours de circuit à Daytona avec sa voiture officielle, les marchés européens se sont concentrés sur la guerre en Ukraine et comment est-ce qu’ils pourraient être impliqués dans les accords de paix. On ne va pas faire de la politique dans cette chronique, mais disons qu’il est vrai que depuis Trump 2.0, tout s’est accéléré. Le nouveau Président Américain met des coups de pieds dans la fourmilière avec une force que l’on n’avait jamais vue. Et depuis qu’il est là, la perspective d’une paix en Ukraine n’a jamais été aussi forte. Le problème, c’est que sa méthode de travail se rapproche plus d’une division de char Abrahams qui écrasent tout sur leur passage, que d’une fine approche diplomatique avec petits fours et Ferrero Rochers pour conclure le dîner de Monsieur l’ambassadeur.
Alors forcément, la première ligne de défense européenne ne l’entend pas de cette oreille. Le discours de JD Vance à Munich la semaine dernière n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd et plusieurs Ministres de tous bords sont au bord de la crise de nerfs parce qu’on a osé remettre leurs compétences et leur pouvoir en doute. Et puis, il y en a un qui a encore moins supporté que les autres, c’est le Président de la France, Emmanuel Macron. Alors lui, étant donné la dimension de son égo, il ne pouvait pas laisser passer. La France a donc organisé une réunion d’urgence avec « une partie » de l’Europe, puisqu’ils n’ont pas jugé nécessaire d’inviter le reste. Encore une histoire d’égo. Par contre, la seule dirigeante du continent qui n’a jamais été élue par personne, était bien là. Peu importe, à la fin on a pu faire cocorico et Macron a déclaré qu’ils (les Européens) seraient impliqués dans le processus de paix avec le Américains et les Russes (et peut-être les Ukrainiens) et que du coup, ça serait quand même bien de renforcer leurs lignes de défenses, histoire de montrer qu’ils en ont une plus grosse que le voisin. Une plus grosse défense, bien sûr.
Dans la foulée, on a aussi parlé budgets militaires et besoin de financement pour l’OTAN. On ne va pas rentrer dans les détails, parce que ça n’est vraiment pas le sujet de cette chronique financière, mais il faut tout de même retenir qu’entre hier matin 8h00 et hier soir 22h00, tout le monde s’est convaincu ou auto-convaincu qu’il fallait dépenser, dépenser et dépenser encore dans l’armement. On est tous devenus fans de la défense et de l’armement. Hier c’était LA JOURNÉE du secteur de la défense. En fait, on dit secteur de la défense, mais en fait c’est surtout secteur de la guerre.
On construit la paix en passant par la guerre
Nous vivons donc une période étonnante. Ce matin, en lisant le résumé de ce qui s’était passé hier sur les marchés européens j’ai été tout simplement scotché par l’impression de déconnexion générale que donnait les politiques de ce monde. Ils sont tous dans leur coin à essayer de se faire reluire, à critiquer les négociations misent en place par les Russes et les Américains, tout en léchant les bottes de Trump jusqu’à plus soif. Je me demande à quel moment les citoyens que nous sommes vont commencer à se rendre compte que nous sommes dirigés par des clowns. Mais passons. Ce qu’il faut retenir, en ce qui concerne les marchés financiers, c’est que les discussions menées au travers de la planète pour essayer de ramener la paix en Ukraine et sont en train de déclencher la plus grosse vague de dépenses en matériel militaire depuis des décennies.
Hier Thales a pris 7.83%, Dassault était en hausse de 6.49% et le DAX a terminé sa séance en hausse de 1,26%, grâce à Rheinmetall qui explosait de 14%, ainsi que Renk Group en hausse de 18% tout ça dans le contexte de « la possibilité d’une augmentation des dépenses de défense parmi les pays européens », Saab était également en hausse de 16% et BAE Systems de 9%. C’est l’emballement total dans le secteur de la défense et puis, le plus drôle c’est que si l’on se concentre là-dessus, on se rendra compte que depuis 5 ans, ce truc ne fait que monter. Mais là, depuis deux jours, c’est plus de l’ascension, c’est une explosion verticale. C’est drôle parce qu’il n’y a pas si longtemps, on nous vendait des thématique ESG en nous disant qu’investir dans les « méchantes compagnies » c’était MAL et qu’il fallait plutôt investir dans les « gentilles compagnies » qui respectaient la vie des hommes et la nature et les abeilles. Et là : BAM !!! les gouvernements européens qui sont tous au fond du bac financièrement parlant, vont trouver des milliards pour donner au « méchantes compagnies » pour acheter des tanks, des fusils, des munitions, des missiles, des avions de chasses, des armes chimiques, des bombes. Et tout ça, pour nous protéger des Russes qui vont inévitablement déferler dans les capitales européennes ces prochaines années. Et là tout d’un coup : POUF ! Abracadabra, j’entends plus personne pour nous recommander d’investir dans les abeilles et les tomates bios qui poussent dans le champs du voisin d’à côté pour respecter le circuit court. Soudainement, on n’a plus aucun principe, tant que ça fait monter les marchés et que ça rapporte du pognon. Pas que je sois choqué, juste que je me rends compte que parfois, les beaux discours à propos de l’investissement responsable et le « black-listage » de certaines « méchantes compagnies »… Eh ben c’est du pipeau, même les gouvernements n’en ont strictement rien à foutre, je dirais même : SURTOUT LES GOUVERNEMENTS.
On s’en fiche, ça monte !
Bref, tout ça pour dire qu’hier les Américains n’étaient pas là, mais on a trouvé le moyen de monter quand même grâce à l’OTAN, grâce à la guerre qui va se finir et grâce aux diplomates russes et américains qui sont partis se luger en Arabie Saoudite pour trouver un moyen de se parler à nouveau – vu que ça fait deux ans qu’ils se font la gueule – et ensuite, une fois qu’ils auront réglé le problèmes de qui va garder les gosses et le montant de la pension – que l’on peut traduire, par « qui va garder l’Europe et qui va récupérer les contrats pour reconstruire l’Ukraine » – on pourra parler de la paix en Ukraine, justement.
En résumé de la journée d’hier on pourra dire que la probabilité de l’arrivée de la paix en Europe aura déclenché la plus grosse vague d’acheteurs et de contrats militaires de ces 5 dernières années. Je connais une colombe de la paix qui doit être en train de demander l’asile politique en Islande.
Le reste du monde
La plupart des marchés asiatiques étaient en hausse ce matin. Les valeurs technologiques chinoises continuent de se redresser à l’approche des résultats trimestriels. Goldman Sachs a aussi publié tout un pavé de recherche au sujet de l’intelligence artificielle en Chine, estimant que cela pourrait générer une manne de pognon qui serait investi là-bas à hauteur de 200 milliards. Mais par contre, autant le papier est positif pour le développement de l’IA en Chine autant, je n’ai que très rarement vu autant de pages de disclaimers qui disent qu’il ne faut pas se précipiter, qu’il n’y a pas urgence, qu’il faut être conscient des risques et que ça n’est pas un coup sûr. On dirait que c’est un cabinet d’avocats qui a rédigé le texte. Enfin, toujours est-il que ce matin, la tech est recherchée dans la région. Le Japon est en hausse de 0.63%, Hong Kong explose encore de 2% et la Chine avance de 0.29%.
L’Australie était légèrement en baisse ne montrant que peu de réaction à l’annonce de la baisse des taux de la banque centrale locale. La RBA a réduit ses taux de 25 points de base à 4,10%, assouplissant sa politique monétaire pour la première fois depuis novembre 2020, affirmant que des progrès avaient été réalisés en matière d’inflation, bien qu’elle reste prudente quant aux perspectives économiques – mais en fouillant bien dans le discours, on a quand même trouvé des traces d’optimisme qui laissent à penser qu’ils vont encore baisser les taux prochainement.
Et puis j’ai trouvé la phrase du jour dans un article de ce matin. Le journaliste parle des marchés asiatiques et déclare :
« Les marchés régionaux ont très peu suivi l’exemple de Wall Street, étant donné que les marchés américains étaient fermés lundi »
J’adore le : « ont très peu suivit l’exemple » !!! Ben oui, les marchés US étaient fermés, comment tu voulais qu’ils suivent l’exemple ? En restant fermé aussi ? Mais le plus fou, c’est que dans la phrase, tu comprends que le gars il est pas certain que les marchés asiatiques n’aient pas suivi Wall Street parce qu’ils étaient fermés, peut-être qu’ils ont suivi Wall Street de manière subliminale en faisant comme « s’ils étaient ouvert dans un monde parallèle ». Je te jure, on atteint des niveaux, ça fait super-peur… Je pense que si on n’a jamais vu d’extra-terrestres de par chez nous, c’est pas que ça n’existe pas, c’est juste que les mecs sont venus nous observer et ils ont dû nous trouver trop cons et repartir.
En résumé, l’Asie se fout pas mal de la paix et de la guerre sous nos latitudes, ils misent tout sur l’IA et sur le retour de la Chine et hier ils n’ont pas fait « comme Wall Street » parce que c’était fermé et que, comme l’Europe ils ont essayé d’avoir une vie propre, tout en achetant de l’armement. Le pétrole est à 71.41$, l’or est à 2922$ et le Bitcoin est toujours dans le coma.
Les nouvelles du jour (les maigres nouvelles du jour)
Pour les nouvelles du jour, on retiendra que le FT fait sa une du fait que les Européens ne sont pas d’accord entre eux pour savoir s’il faut envoyer des troupes au sol en Ukraine, depuis que le cinglé de Premier Ministre Britannique l’a proposé. On sent que l’Allemagne, l’Italie, la Pologne et l’Espagne ne sont pas « monstre » motivés alors que le Roi de France, se verrait bien à cheval sur le front pour faire peur aux Russes – qu’il aille devant, on le rejoindra si tout se passe bien. Autrement, dans le monde réel et pas celui des Bisounours de la politique européenne, on notera qu’Honda est d’accord de reprendre les négociations pour la fusion avec Nissan, mais seulement si le boss de Nissan se casse d’abord. On sent qu’on est bien au niveau « jardin d’enfant », mais si c’est le prix à payer pour une fusion, pourquoi pas. Mis à part ça un avion de Delta Airlines s’est retrouvé à l’envers à l’atterrissage à Toronto, tout le monde est vivant et pendant ce temps, le Président Argentin est dans la tourmente pour avoir soutenu un « meme coin ». Tout le monde n’est pas Donald Trump…
Pendant ce temps, le génie de Zelensky est au travail et il propose la création d’une armée européenne parce que « selon une source proche du dossier » – à savoir : lui-même, Vladimir Poutine ne serait « pas du tout prêt à dialoguer ». Rhhhoooo, mais à qui doit-on faire confiance alors !!??? Et puis, du côté de la FED, des taux et de l’inflation, parce que OUUIIIII, pendant que les politiques se déchirent pour savoir qui sera le maître du monde avec le plus de jouets qui font du bruit et qui tuent des gens, l’inflation est toujours présente et les droits de douanes, toujours un sujet, néanmoins, Michelle Bowman, membre de la FED, a déclaré que la banque centrale américaine devra continuer à faire preuve de patience au sujet d’éventuelle nouvelles baisses de taux. Elle a mis tout le monde en garde contre une « déclaration de victoire » prématurée sur l’inflation. Waller, aussi de la FED, a également parlé hier, estimant qu’il fallait savoir raison garder au niveau des taux et qu’il ne fallait pas se précipiter plus que de raison. On aurait dit une analyse de Goldman Sachs avec 143 pages de disclaimers.
Les chiffres, les chiffres, les chiffres
Du côté des chiffres, nous aurons le CPI en France – ce qui n’intéresse plus personne parce que l’inflation est vaincue grâce au chevalier Macron, il y aura le ZEW en Allemagne et en Europe, le dernier ZEW allemand sous Scholz, qui devrait être au chômage dès lundi. Et puis de l’autre côté de l’Atlantique, il y aura le New York Empire State Manufacturing Index, Daly de la FED et Barr de la FED qui parleront tous les deux et puis, normalement le Président Trump devrait parler ce soir aussi. On ne sait jamais ce qu’il peut nous sortir. Peut-être parler de la fraude à la sécurité sociale, puisque l’équipe de Musk a tout de même trouvé 21 millions d’Américains de plus de 100 ans qui bénéficient de la sécurité sociale et au milieu de tout ça, 1’345’000 en profite encore entre 150 et 159 ans et il y en même encore un qui reçoit ses chèques alors qu’il aurait entre 360 et 369 ans ! Damned, je savais qu’Highlander c’était un documentaire et pas une fiction !!!
Tout ça pour vous dire qu’on vit une époque formidable. Mais vraiment formidable. On ne s’en lasse pas. Peut-être que même dans les trucs importants de la journée, on aura la démission de Bayrou. Mis à part ça, je m’excuse de vous avoir parlé un peu trop de géopolitique, mais vu que c’est quand même un peu le sujet principal, je n’ai pas eu le choix. J’en profite pour vous rappeler que le monde de la finance tient sur trois piliers : La macroéconomie, la microéconomie et la géopolitique. On sait donc dorénavant que le pilier central des marchés, c’est la géopolitique. Vu que l’on se fout totalement de la macro et de la micro, ça ferait longtemps que tout serait par terre si la géopolitique n’était pas au centre du monde merveilleux de la finance. À moins que ça soit Trump qui tienne le tout, allez savoir !
D’ici-là, passez une très belle journée – n’oubliez pas qu’au hors-bourse Nvidia est au-dessus des 140$ et qu’elle a repris 700 milliards de market cap depuis l’affaire DeepSeek et que ce soir le S&P500 et le Nasdaq devraient finir au plus haut de tous les temps. Pour le reste, on se revoit demain pour de nouvelles aventures, moi je vais à la montagne ! À
Thomas Veillet
Investir.ch
“The question isn’t who is going to let me; it’s who is going to stop me.” – Ayn Rand