Après le bain de sang de ce lundi, la journée de mardi était nettement meilleure et les intervenants ont pris le temps de réfléchir. Un peu. La séance de panique due à l’arrivée de DeepSeek a été relativisée et les investisseurs en sont arrivés à la conclusion que oui, DeepSeek allait faire baisser les prix, mais que si les prix baissaient, ça serait quand même une bonne nouvelle pour les sociétés qui auraient, dans le même temps, une baisse des charges liées à l’informatique et qu’en fait, c’était plutôt une bonne nouvelle. Sans compter que l’on a décidé à l’unanimité (ou presque) que Nvidia à -17% c’était une excellente opportunité d’achat. Bref, le S&P500 n’est plus très loin des records.

L’Audio du 29 janvier 2025

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Relativiser

On ne va pas dire que tout est plié et que tout est réglé, mais disons que la vague de terreur qui nous a saisi lundi semble être relativisée et hier le marché avait l’air plutôt d’accord sur le principe de se dire que Nvidia, c’était quand même pas cher et que l’IA bon marché chinoise n’allait pas pour autant mettre à genoux le géant des semiconducteurs. Cependant, le rebond n’était pas unanime partout. Si l’on reprenait la liste de ceux qui se sont fait massacrer lundi, pour certains, comme Marvell, ou AMD, on sentait quand même que les dépenses à venir risquaient d’être remises en question. Oui, car au cas où certaines sociétés revoyaient leurs dépenses liées à l’IA dans les mois ou les années à venir, on avait l’impression qu’il y avait quand même un peu de doutes. Pas sur Nvidia visiblement, mais sur les autres, oui. Broadcom par exemple, n’a rebondit « que » de 2% ce mardi, alors que la chute avait été bien plus violente. Finalement la seule qui s’en sort pas trop mal, c’est Nvidia qui a tout de même refait la moitié de sa chute.

Mais il faut surtout retenir que c’est les géants de la tech qui ont remis le Nasdaq et le S&P sur les rails. Le patron de Microsoft a même déclaré que si l’IA bon marché arrivait vraiment sur le marché, les volumes des produits liés à l’IA allait également exploser, du coup, l’impact financier pourrait être largement amorti par une explosion du volume des ventes. Tout ça pour dire qu’en prenant un peu de recul, on s’est dit que finalement DeepSeek c’était pas si moche que ça pour la tech et qu’en plus le gouvernement américain allait quand même mettre son nez dedans, ce qui allait aussi potentiellement freiner les rêves de grandeur de l’application chinoise. En résumé, lorsque l’on regarde le graphique du S&P500, on se dit que la baisse de lundi n’était pas aussi immonde que ça et que pendant que Nvidia se faisait déglinguer, il y avait quand même des grands noms qui s’en sortaient pas mal. Entre autres des noms comme Apple ou Meta qui sont tous les deux en hausse sur les deux premiers jours de la semaine et entre les extrêmes bas de lundi et l’ouverture indiquée de cette après-midi, le S&P500 a tout de même repris 2.4% et se trouve à 1% de ses plus hauts historiques, pour ce qui est de Nvidia, plus que 20$ à récupérer pour oublier la séance de lundi.

Le regard tourné vers l’avenir

Quoi qu’il en soit, la séance d’hier aura été bien plus apaisée et même si la facture est encore lourde sur ces deux journées, on sentait qu’on avait retrouvé nos esprits et que le vent de panique avait été très bref. Violent, mais bref. Les intervenants semblent avoir retrouvé un semblant de confiance et tout le monde a le regard tourné vers l’avenir et l’avenir c’est les chiffres trimestriels qui vont être publiés entre maintenant et vendredi soir. Et ça risque d’être très intéressant, puisque les noms qui vont monter sur scène dans les heures à venir ont le pouvoir de faire beaucoup de choses. Comme nous faire remonter au plus haut de tous les temps.

Nous allons commencer par les chiffres d’ASML ce matin qui vont donner la tendance dans le secteur des semiconducteurs, puisque l’on sait que ASML va, tout ira bien puisque le géant hollandais est le premier à qui on fait appel lorsque l’on démarre une nouvelle chaîne de production dans le secteur. Ensuite, ce soir il y aura l’ami de Trump qui publiera ses chiffres sur ses voitures électriques, mais pas que. Et puis il y aura aussi Microsoft et Meta. Meta qui est tout de même au plus haut de tous les temps, alors que l’on ressort d’une journée de lundi qui avait été cataclysmique pour certaines parties du secteur de la technologie, mais pas celui des réseaux sociaux visiblement. Tout ça pour dire que ce mardi, nous avons très rapidement oublié DeepSeek en se raccrochant au fait que « ça ne sera pas si moche que ça à la fin » (même si on n’est pas sûr de grand-chose) et on s’est dit que les Magnificent Seven ou les BATMMAAN, c’était quand même pas mal. En lisant la presse de ce matin, j’y ai même trouvé des gens qui ont trouvé moyen de parler du FOMC Meeting qui se termine ce soir et qui devrait se conclure avec un « statuquo » sans faille, puisque 97% des experts s’attendent à que Powell ne fasse rien. La seule chose que les gens vont essayer de savoir ce soir, c’est comment Powell se positionne par rapport aux EXIGENCES DE TRUMP au sujet de la baisse des taux. Pour le reste, la FED risque bien d’être un « non-event » pour ce mois.

Conclusion

En résumé et si l’on devait conclure ici ce résumé de marché, on pourrait dire que la catastrophe de lundi n’était pas si catastrophique et représentait plutôt une opportunité d’achat qu’autre chose et qu’après tout, les grosses Bertha’s de la tech resteront toujours les rois du monde et que dans quelques heures, on devrait en avoir la confirmation. Après, on peut aussi ajouter qu’au milieu de ces messages rassurants et remotivant, il y avait quand même Nassim Taleb et Mark Spitznagel qui étaient quand même très méfiants par rapport à ce qui s’est passé ces derniers jours. L’auteur du « Black Swan » estime que ce qui s’est passé sur Nvidia n’est que le début et que la situation quasi-monopolistique du géant des semiconducteurs devrait avoir – à terme – des conséquences sur ses finances et sur les attentes du marché ces prochains trimestres. Selon Taleb, la chute de lundi est appelée à se reproduire et il pense que ça sera pire à l’avenir.

Il a ajouté que le marché était très fragile et la correction de lundi le démontre et il a en profité pour rappeler – au cas où l’aurait oublié – que les Magnificent Seven sont responsables de 50% de la hausse du S&P500 pour l’année 2024 et que l’ultra-concentration à laquelle nous assistons actuellement ne laisse rien présager de bon. Reste à voir si les publications des stars de l’investissement qui vont toutes arriver ces prochains jours donnent raison à Nassim Taleb, ou s’il faut encore attendre un peu pour que ses prévisions apocalyptiques se produisent. Quant à Mark Spitznagel, directeur des investissements d’Universa Investments, le fonds spéculatif pour lequel Taleb travaille, il a comparé la hausse des valeurs technologiques de ces dernières années à la bulle Internet, ajoutant que le marché semble actuellement se trouver dans la «plus grande bulle de l’histoire de l’humanité». Rien que ça. On sait que les dinosaures ont disparus à cause d’une météorite, si ça se trouve l’humanité va disparaître à cause de la technologie et de l’IA, comme James Cameron l’a prédit dans Terminator.

Des chiffres des chiffres et des chiffres

Toutes plaisanteries mises à part, les marchés ont rebondi. Un peu. Et Nvidia va mieux. Un peu. Par contre, il y a quand même eu pas mal de chiffres trimestriels qui sont sortis et quand on voit la variation des actions concernées, on peut commencer à se dire qu’il va y avoir du sport ces prochains jours. Boeing est un mauvais exemple parce qu’elle fait partie de celles qui n’ont pas trop bougé après avoir annoncé sa plus grosse perte de ces quatre dernières années. Bon, en même temps, ça n’a surpris personne puisqu’ils avaient déjà prévenu que ça serait très moche. Boeing a perdu 11.8 milliards et le titre montait de 1.5%. Chez GM c’était très moche aussi, mais on n’avait pas été prévenu. Le titre a plongé de près de 9% après avoir annoncé une perte de quasiment 3 milliards de dollars au quatrième trimestre, plombé par des charges monstrueuses liées à ses activités en Chine. Le chiffre d’affaires était – en revanche – en hausse et au-dessus des attentes des analystes, mais ça n’a pas suffi. On notera aussi l’effondrement de JetBlue qui a publié des chiffres meilleurs que les attentes, mais qui a publié aussi des prévisions très faibles pour l’avenir. Le titre a perdu 26%.

Lockheed Martin a dégringolé de plus de 9% également après avoir annoncé un bénéfice net en chute libre au quatrième trimestre. Là aussi c’était à cause de charges exceptionnelles de 1,7 milliard. Comme quoi, la guerre ne suffit pas. En revanche, au chapitre « bonnes nouvelles », Royal Caribbean a explosé de plus de 12% après avoir publié un bénéfice net de 10,94 dollars par action ce qui dépassait de loin, de très loin, les attentes des Dieux de la finance. Et puis, hier soir il y avait encore Starbucks qui a publié des chiffres que l’on qualifiera de sans grand intérêt pour le cours de l’action mais qui démontrent une amélioration de l’opérationnel. Les restructurations mises en place par le nouveau CEO semblent fonctionner. On notera aussi des bons chiffres chez SAP, mais qui n’ont pas eu grande influence sur le cours de l’action et puis Logitech a annoncé que ses revenus nets pour le troisième trimestre ont diminué alors que les ventes nettes ont augmenté d’une année sur l’autre. Les chiffres ont été annoncé hier soir après la clôture américaine et le titre montait de 2% after close. Et puis, on ne peut pas ne pas parler des chiffres de LVMH.

Arnault et Bercy

Hier soir le géant du luxe français a donc annoncé un bénéfice en nette baisse pour 2024, la faute à la faiblesse (Ô SURPRISE) de la demande en Chine. Mais pas que, parce que c’est aussi la faute d’un ralentissement des dépenses personnelles en général. Pour l’année 2024 la société de Bernard Arnault a dégagé un bénéfice net de 12,55 milliards d’euros, contre 15,17 milliards d’euros en 2023, soit une baisse de 17%. Le résultat opérationnel de LVMH est de 19,57 milliards en repli de 14%, tandis que le chiffre d’affaires a reculé de 2%, à 84,68 milliards d’euros. La croissance reste de 1% en organique malgré « un environnement économique et géopolitique difficile ».

Ils ont également constaté un recul des ventes dans trois de ses cinq divisions : la Mode-Maroquinerie (-1%), les Montres-Joaillerie (-2%) et les Vins et Spiritueux (-8%) sur l’ensemble de l’année écoulée. En revanche la division Parfums et Cosmétiques (+4%) et la Distribution sélective (+6%) se portent pas mal dans un contexte de reprise du tourisme en Europe. Si l’on se base sur les attentes des analystes, il n’y a que le chiffre d’affaires qui est légèrement meilleur que les attentes, le reste est en-dessous. Hier soir à New York, le titre se traitait en baisse de 2%, reste à voir comment Paris va le prendre ce matin. Une chose est sûre, c’était mieux chez Richemont, plus enthousiaste en tous les cas. Et puis il y avait surtout le discours de Bernard Arnault. On ne va pas rentrer dans les détails mais disons que le peu que j’ai entendu et lu, j’avais assez envie de m’ouvrir les veines avec un couteau à beurre tellement il avait l’air déprimé. Il a surtout exprimé qu’ils venaient de vivre une année de merde et que c’était plus ou moins la pire depuis la reprise du COVID. Il a aussi expliqué qu’il revenait des USA – puisqu’il était invité par Trump à son investiture, contrairement à Macron – et que selon lui, les USA c’est vachement plus dynamique alors que la France c’est profondément déprimant. Il a qualifié son retour dans l’Hexagone de « douche froide » et puis il a aussi estimé que fiscalement Trump proposait des choses TRÈS intéressantes, avec des taxations à 15% alors que le gouvernement de Macronie va leur augmenter les impôts de 40% soi-disant « juste pour une année » mais que personne n’y croyait.

En substance, son discours était déprimant, comme la fiscalité française apparemment, et on a bien senti deux-trois attaques directes contre le gouvernement qui va aller ponctionner les Français après avoir totalement merdé financièrement depuis 7 ans. D’ailleurs le responsable est parti étudier en Suisse pour s’améliorer. Bref, si l’on reprend le discours de Bernard point par point, on a presque l’impression qu’il menace de délocaliser LVMH aux États-Unis, c’est vrai du coup, il ne payera pas de taxes douanières et il ne payera pas non plus pour les conneries de Bruno. Et puis il faut le reconnaître, si LVMH s’en va aux States, ça sera quand même très rigolo. On se réjouit déjà de voir certains politiciens en PLS.

Bref, les chiffres de LMVH c’était pas Byzance, mais Bernard Arnault a encore les moyens de se déplacer en jet privé, c’est que ça ne va pas si mal que ça, même s’il a un peu l’air déprimé. L’air de Washington lui réussissait mieux.

Pour le reste

Autrement, la Chine est fermée, le Japon est en hausse de 0.8%, le pétrole est à 73.65$, l’or est à 2’797$ et le Bitcoin est à 102’000$. Dans les nouvelles du jour, Microsoft et OpenAI enquêtent pour savoir si un groupe lié à DeepSeek a obtenu les données d’OpenAI et selon le FT, ils auraient même déjà des preuves et la NAVY déclare que DeepSeek n’est pas le bienvenu dans ses systèmes, pour des raisons de sécurité et parce que c’est Chinois. Ce qui veut dire la même chose. Apple a discrètement mis en place la prise en charge de Starlink sur les iPhones avec une nouvelle mise à jour logicielle. Le memecoin de Trump peut désormais être utilisé pour acheter des montres et des chaussures de sport. L’Ozempic de Novo Nordisk a obtenu son approbation pour les maladies rénales, élargissant ainsi son utilisation. On a l’impression que ce médicament fonctionne pour à peu près tout et on ne sait pas encore s’il fait revenir l’être aimé et peut concurrencer le Viagra, mais ça ne saurait tarder.

Et puis, après l’UBS c’est Julius Baer qui s’apprête à annoncer des centaines de licenciements au cours des deux prochaines années, alors que le nouveau directeur général Stefan Bollinger se concentre sur la réduction des coûts. Les suppressions d’emplois concerneront toutes les divisions et on parle d’un peu moins de 10% de réduction de staff et ils vont aussi réduire la taille du Board. Pour le reste, on attend la FED ce soir, le climat de consommation en Allemagne et les inventaires pétroliers. Pour le moment, les futures sont inchangés et moi je vous retrouve demain à la même heure pour parler de la FED, des taux, de Trump et probablement un peu d’intelligence artificielle.

D’ici-là, passez une très belle journée. Il ne devait pas pleuvoir, mais finalement, il pleut quand même. À demain et soyez forts !

Thomas Veillet
Investir.ch

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