Si l’on fait abstraction des nouvelles du moment, de ce qui préoccupe les marchés et si l’on se concentre uniquement sur les performances de la séance d’hier, on peut rapidement se rendre compte que l’on hésite clairement sur la direction à suivre. L’avalanche d’informations qui déferle sur nos têtes depuis l’investiture de Trump ne nous facilite pas la tâche. La séance d’hier était néanmoins chargée au niveau des attentes, mais je ne suis pas certain qu’après avoir intégré la plupart des grosses nouvelles du jour, nous soyons plus avancés qu’avant. Musk a fait son show, Zuckerberg est toujours aussi confiant, Microsoft s’est planté, Arnault veut se casser et Powell se fout pas mal de Trump.

L’Audio du 30 janvier 2025

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Prendre les choses dans l’ordre

Autant il y a des jours où il n’y a rien à dire, autant il y en a d’autres où il n’est pas simple de savoir par quoi commencer. Quand ce genre de situation se présente, la meilleure des solutions, c’est de commencer par le début. Et si l’on applique cette stratégie, nous sommes à nouveau obligés de commencer par la suite des aventures de Nvidia dans le monde fabuleux de l’Intelligence Artificielle chinoise. Après la problématique de DeepSeek, l’effondrement qui s’en est suivi, enchainé par un rebond, la troisième séance d’hier aura été marquée par de nouveaux doutes en ce qui concerne Nvidia. Cette fois on parlait à nouveau du fait que l’administration Trump envisage de renforcer (encore une fois) les restrictions de ventes de semiconducteurs en Chine. On parle des puces H20 développées exprès pour la Chine qui pourraient ne plus être vendues aussi facilement aux Chinois. Premier coup bas pour Nvidia. Comme si l’affaire DeepSeek ne lui causait pas encore assez de torts et de stress.

Dans la foulée, on notera aussi que tout le monde veut être le champion de l’IA et le fait que Nvidia soit le champion incontesté qui commence à être un peu contesté, ça devient un peu lourd à supporter. Et je ne plaisante pas, rien qu’hier on a entendu qu’Alibaba avait lancé son modèle pour concurrencer ChatGPT, que Tesla est tellement leader dans l’IA qu’il faut un « télescope pour apercevoir le numéro deux » – c’est Musk qui l’a dit – et puis chez Meta, on s’en fout si DeepSeek c’est bon marché, on va continuer à claquer des centaines de milliards de dollars pour devenir le leader du marché de l’IA. En gros, la concurrence commence à être rude du côté de chez Nvidia et dans le doute, le titre reperdait 4% hier et c’était bien pire durant la séance.

Carton en Hollande

Un des titres qui s’est fait le plus déglinguer dans la vague « DeepShit » de lundi, c’était indubitablement ASML. Bon ben, que l’on se rassure, tout est oublié. Alors pour être franc, ça n’est pas simple de savoir si l’avenir sera un peu plus complexe du côté du champion hollandais, mais pour le moment, ce qui est ressorti de leurs publications trimestrielles n’est pas si mauvais et aura au moins permis à leur action de se retrouver plus haut que vendredi dernier. Les ventes étaient de 9,26 milliards d’euros, soit 2,6 % de plus que les attentes du marché et (EN PLUS) dans le haut de la fourchette des prévisions de l’entreprise. Les marges étaient également meilleures que les attentes et pour couronner le tout, le patron d’ASML s’est montré extrêmement positif pour l’avenir. Que demander de plus ? ASML a donc donné le ton pour la séance. Le titre terminait en hausse de 5.5% et même le SOX parvenait à progresser de 0.23% dans la foulée ! Même avec Nvidia qui perdait 4%.

L’un dans l’autre, les marchés ont donc pu commencer la journée de façon plutôt constructive, sauf dans le luxe puisque les « relativement mauvais chiffres de LVMH » et les jérémiades fiscales de Bernard Arnault ont mis la pression sur tout le secteur. En fin de séance, LVMH perdait 5%, Kering reculait de 5.4%, pendant qu’Hermès et Richemont parvenaient à renverser la vapeur et terminer en hausse après avoir frisé la correctionnelle. Nous étions donc un peu perdus au milieu de toutes ces infos, perdus et incapables de prendre une direction très claire, tout en sachant qu’en fin de journée, il y aurait la FED et une avalanche de chiffres trimestriels très importants. En Europe à la clôture, l’Allemagne terminait encore une fois au plus haut de tous les temps, le DAX est tellement en forme que l’on dirait que plus personne n’a le droit de vendre, la France subissait le choc LVMH et perdait 0.32% alors que l’on reparle de censure à Matignon après les paroles soigneusement débiles de la part de Bayrou qui est passé de centriste modéré à centriste d’extrême droite.

Et puis : Powell

Alors que l’on se demandait où aller et quoi faire, Powell est arrivé pour nous mettre encore un peu plus dans le brouillard. Comme prévu, le patron de la FED n’a pas touché aux taux et dans son discours, il a quand même dit qu’il ne se sentait pas sous pression de baisser les taux et que pour l’instant, l’inflation restait bornée et refusait de baisser. Quand on lui a demandé ce qu’il pensait des « EXIGENCES » de Donald Trump au sujet des baisses de taux à venir, le patron de la FED a répondu qu’il ne commenterait pas et que de toutes façons, il n’avait pas parlé au nouveau Président depuis son arrivée. On sent tout de suite que les deux hommes les plus puissants des USA s’apprécient énormément. Le statuquo de la FED n’est une surprise pour personne, puisque 97% des experts pensaient qu’ils ne feraient rien et depuis hier soir, de plus en plus d’experts pensent que la FED ne fera RIEN en 2025.

La réponse du berger à la bergère n’a pas trainé, puisque dans la foulée de l’immobilisme de la FED et son intention de rester immobile tant que l’inflation ne se calme pas, Trump s’est fendu d’un message dont il a le secret :

« Si la Fed avait passé moins de temps avec les politiques d’anti-discrimination, l’idéologie de genre, l’énergie « verte » ou le pseudo-changement climatique, l’inflation n’aurait jamais été un problème. Au lieu de ça, nous avons subi la pire inflation de notre histoire »

Le Président n’était visiblement pas content et il va falloir s’attendre à des joutes verbales assez spectaculaires. Trump doit devenir fou de voir que le seul endroit où il ne fait pas ce qu’il veut lui échappe encore. Et dire qu’il va devoir attendre 12 mois pour dégager Powell et mettre un candidat qui lui obéisse à la place. Tout ça pour dire que ça s’excite dans tous les sens, mais que Powell reste intraitable et que les taux ne baisseront pas cette fois encore aux USA. Reste à voir ce que nous réserve Madame Lagarde, puisqu’elle est censée – elle – baisser les taux européens dans la journée. En résumé, la FED n’a rien fait, la BCE devrait faire et Trump est fou de rage.

Les trois mousquetaires

Le reste de la journée aura été plutôt calme et tout le monde s’est tourné sur l’after-close, histoire de voir ce que Tesla, Microsoft et Meta nous avaient réservé. Les experts étaient prêts, ils avaient tous soigneusement aligné leurs attentes pour savoir s’il fallait tout vendre ou tout acheter. Et puis on s’est rendu compte ENCORE UNE FOIS que les chiffres sont les chiffres, mais que ce qui est autour est tout aussi important, si ce n’est plus. Surtout en ce moment.

Tesla

On va donc commencer avec la publication la plus fantasque et la plus lunaire, celle de Tesla. On est tous plus ou moins d’accord pour admettre que Musk est en train de vriller sérieusement depuis qu’il est dans les jupes du Président. On est tous également d’accord pour dire que Musk a toujours été LE spécialiste des conférences de presse délirantes à plus ou moins chaque trimestre. Eh bien hier n’y a pas fait exception. Tout d’abord, si l’on se concentre uniquement sur les chiffres, Au quatrième trimestre, la marge bénéficiaire de Tesla a reculé à 13,59%, contre 17,05% au trimestre précédent. Elle est inférieure aux attentes qui tournaient autour de 16.2%. De ce côté, on peut dire que c’est un raté magistral. Le chiffre d’affaires était de 25,71 milliards de dollars, contre un consensus de 27,27 milliards. Re-raté encore. Sans compter que les livraisons de voitures étaient en recul en 2024 – chose qui ne s’est jamais produite auparavant, la hausse des taux des leasings et la montée la concurrence n’y sont pas étranger.

Si l’on se base strictement sur les chiffres, le trimestre est décevant. EN REVANCHE, si l’on se base sur les discours de Musk, c’est du délire. Le patron de Tesla, de Starlink, de Space X, de la Boring Company et le directeur du DOGE a pris le temps d’expliquer que Tesla était LE LEADER de l’IA dans le monde et que tout le reste était loin, mais alors très loin derrière eux et qu’en plus, les Robotaxis vont inonder l’Amérique au plus tard en juin. Ça doit être la 24ème fois qu’il nous donne une dead-line qui n’a jamais tenue, est-ce que cette fois c’est la bonne ? Aucune idée, mais apparemment ça a suffi aux investisseurs pour pousser le titre en hausse de 4% après la clôture. Encore une fois, des chiffres pas exceptionnels, mais un discours motivant à souhait et ça marche. Musk a également annoncé que Tesla était en route pour atteindre les 15’000 milliards de valorisation. Tesla devrait donc devenir une Magnificent Seven, mais toute seule.

Microsoft

Du côté de chez Windows, on a fait mieux que les attentes sur le bénéfice par action et sur le chiffre d’affaires global, mais il y avait UN problème, la croissance de la division « cloud ». Le marché attendait 33% et c’est sorti à 31%. Ne cherchez pas plus loin. Ne cherchez pas dans les commentaires du CEO, ne cherchez pas dans les dépenses liées à l’IA ou dans le fait qu’ils auraient pu payer trop cher leur investissement dans OpenAi, n’écoutez pas le fait que Softbank voudraient encore injecter 25 milliards dans OpenAi. La seule chose qui a posé problème chez Microsoft hier, c’était le ralentissement de la croissance du cloud. La sanction aura donc été exemplaire, puisqu’hier soir after close, Microsoft était en baisse de plus de 4%. Tout ça pour du cloud.

Meta

Pour ce qui est de Meta, Zuckerberg et son nouveau look de mec cool avec des bouclettes dans les cheveux et un discours presque aussi autiste que celui de Musk étaient de retour pour chauffer la salle également. Grosso modo, Meta Platforms a enregistré un chiffre d’affaires record, grâce à l’IA et à la pub. Zuck a annoncé une augmentation de 21% des ventes et un bénéfice net de 20,8 milliards. Dans les deux cas, les chiffres sont supérieurs aux attentes. Meta a cependant estimé que la croissance du chiffre d’affaires ralentirait au cours du trimestre de janvier à mars, pour atteindre entre 8% et 15%, un niveau qui représenterait la plus faible augmentation en deux ans.

Meta était en hausse 4,6% after close. Les déclarations de Zuckerberg qui continue de marteler à qui veut l’entendre qu’il va continuer à claquer des montagnes de fric dans l’IA n’a fait broncher personne et ce, même au lendemain de la « crise DeepSeek » qui aurait pu laisser supposer que l’on claquait du pognon dans tous les sens alors que l’on pouvait tout aussi bien pour moins cher. Visiblement Zuckerberg s’en contrefout et comme la dernière fois qu’il a annoncé des dépenses extravagantes, que le marché l’avait sanctionné avant de se rendre compte qu’il avait eu raison, cette fois plus personne ne se pose de question et Zuckerberg est en train d’être labellisé « génie » au même titre que Musk.

Bref, pour faire simple, les chiffres de Tesla ne donnaient pas envie de se rouler par terre, mais les mots de Musk compensaient. Les chiffres de Microsoft étaient bons, sauf le Cloud et c’est là que ça faisait mal et pour ce qui est de Meta, ils claquent du pognon à tout va, mais comme ils continuent de cartonner sur les chiffres on se fout pas mal de l’arrivée de DeepSeek. Ou de qui que ce soit d’autre d’ailleurs.

Et le reste ?

La journée aura donc été longue et à la fin les futures ne font pas grand-chose ce matin, la FED n’a eu aucun impact, Tesla et Meta sont en hausse, mais pas Microsoft. ASML va bien mais on est inquiet pour Nvidia et puis pour être franc, on attend tous Apple ce soir. Apple et les cartes de crédit comme Visa et Mastercard qui pourraient à limite nous montrer que l’Américain moyen finance l’inflation par de la dette, toujours plus de dettes. Du côté de la Chine et de Hong Kong tout est fermé pour cause d’année du serpent et le Japon ne fait rien. Le pétrole s’est pris une nouvelle claque parce que pour la première fois depuis un bon moment, les inventaires sont en hausse. Le WTI se traite à 72.67$. L’or est à 2798$ et le Bitcoin repasse au-dessus des 105’000$, en route pour les records.

Pour le reste, un avion d’American Arilines vient de se crasher dans le Potomac à Washington après avoir percuté un Black Hawk de l’armée. La BCE va couper les taux cette après-midi, mais les experts voudraient un rythme plus soutenu et plus rapide pour aller plus vite plus bas sur les taux. Probablement parce que l’économie européenne va trop trop bien. D’ailleurs, à ce propos on notera qu’aujourd’hui nous aurons le PIB en France, en Allemagne, en Europe et aux USA. Et puis toujours au chapitre des chiffres du trimestre, on notera qu’IBM a nettement battu les attentes et prenait 9% sur la nouvelle. Roche a engrangé l’an dernier un chiffre d’affaires de 60,50 milliards de francs, en hausse de 3%, la pharma bâloise a profité d’un vif essor de son cœur d’activité dans la pharma, par contre la croissance des produits de diagnostic a progressé plus mollement. On verra ce que ça donne ce matin, puisque ça vient de sortir. ABB a également publié ses chiffres trimestriels et ils se sont maintenus en croissance l’an dernier, augmentant autant ses recettes que la rentabilité. La direction en a profité pour confirmer ses objectifs de croissance. Quant à Swatch, les chiffres étaient en nette baisse en 2024, mais ça on le savait déjà.

Voilà, trop d’infos tue l’info, il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une bonne grosse journée entre BCE et Apple. Une journée qui promet d’être aussi chargée que celle d’hier. Je vous revois demain à la même heure et au même endroit pour boucler la semaine ! Que la force soit avec vous et à demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

“My motto is: Always get even. When somebody screws you, screw them back in spades.”
― Donald Trump