Journée intéressante avec plein de rebondissements hier. Pour une fois l’Europe s’en sort mieux que les Américains et la thématique de l’élection ainsi que celle du Trump Trade n’est plus vraiment d’actualité. En revanche, le futur nouveau Président est en train de faire ses choix pour son nouveau gouvernement et ça risque de faire un peu bouger les marchés ces prochains temps et pas que les marchés d’ailleurs. Et puis surtout, hier soir Powell a fait quelques déclarations fracassantes qui n’avaient pas été mises à l’agenda. On a presque l’impression que le pivot de la FED pourrait être remis en question. À moins que Powell anticipe déjà les excès de Trump à partir du 20 janvier.

L’Audio du 15 novembre 2024

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Ouf de soulagement

Hier l’Europe aura vécu une belle journée, on avait presque l’impression qu’ils étaient en train de vivre leur période post-électorale à eux. Mais la raison était toute autre. Tout d’abord la BCE est arrivée à la rescousse en publiant les Minutes de leur dernière réunion. Minutes dans lesquelles on peut lire qu’ils sont confiants au niveau de l’inflation et que – selon eux – la « bonne santé » de l’économie (ne pas rire, ne pas rire, ne pas rire et penser à un truc triste). Donc, la bonne santé de l’économie devrait empêcher l’inflation de retomber trop bas, même si l’Allemagne a parfois des comportements qui font penser à une récession.
Selon la Banque Centrale, l’inflation devrait se situer un poil en-dessous de leur objectif – ce qui, in extenso – renforce la probabilité d’une baisse des taux en décembre. Selon les experts qui scrutent Lagarde en permanence, le taux directeur de la BCE devrait aller à 2% d’ici le mois de juin prochain. En résumé, taux qui baissent = marché qui monte, surtout quand il y a de l’inflation qui est sous contrôle et modérée…

Et puis, alors que la BCE passait la pommade dans le dos des investisseurs, nous avons également eu les chiffres de Siemens en Allemagne et pour une fois, on était content de voir qu’il y a encore des boîtes en Allemagne qui arrivent à sortir des résultats que l’on peut qualifier de « canons ». Ça nous change un peu du secteur automobile, mais de là à dire que Siemens va nous faire préférer le train, il n’y a qu’un pas que je ne franchirais pas. Toujours est-il que l’industriel allemand a annoncé un bénéfice de 9 milliards d’euros sur l’exercice décalé 2023-2024 qui se terminait en septembre. C’est une hausse de 5% pour le bénéfice, alors que le chiffre d’affaires grimpait de 3%, pour fêter ça, le titre prenait près de 5% à Francfort, terminant du même coup au plus haut de tous les temps. Il y a également Burberry’s qui a annoncé une nouvelle stratégie pour essayer de se sortir de la morosité actuelle. Le fabricant d’imperméables ne parvient plus à séduire, mais son « plan de secours » après l’échec des négociations avec Moncler, a séduit les traders et le titre reprenait 17%. Comme quoi il n’y a pas besoin de faire de bons chiffres pour que le titre monte, parfois des promesses suffisent. Mais il ne faudra pas décevoir. Et comme ce jeudi était placé sous le signe de la bonne nouvelle, il y a également ASML qui montait de 5% hier parce qu’ils ont – tenez-vous bien : « Confirmé leurs objectifs pour 2030 »…

AAAAhhhhh, les marchés sont formidables. On est incapable de savoir ce qui va se passer en février prochain, mais on arrive à acheter de l’ASML parce que son management nous dit qu’ils savent que « tout va bien se passer jusqu’en 2030 ». Il y a que moi qui trouve ça un tantinet débile ?

Powell tourne la veste (ou presque)

Du côté américain en revanche, c’était un peu la douche froide hier soir. Non seulement l’effet de la victoire de Trump semble s’atténuer, mais en plus les nominations que ce dernier est en train de mettre en place, ne plaisent pas à tout le monde. Hier soir le futur Président a annoncé que Robert Kennedy était nommé à la tête de la santé aux USA et, même si cela était plus ou moins attendu, il y a des sociétés pharmaceutiques qui sont spécialisées dans les vaccins qui n’ont pas trop apprécié de voir arriver un « vaccino-sceptique » à ce niveau de pouvoir. Robert Kennedy a plusieurs fois annoncé qu’il allait faire le ménage et le comportement de Pfizer et de Moderna laissent entendre qu’ils se sentent un peu visés par la menace.

Et puis, pendant que la politique faisait son office, il y avait aussi Monsieur Powell qui prenait le micro. Il n’a pas parlé de Trump mais en revanche, il a sorti deux-trois phrases dont on se serait bien passé. Le marché n’aime pas ne pas savoir et depuis des mois, le fait de « SAVOIR » que la FED allait baisser les taux progressivement, avait fait beaucoup de bien aux bourses américaines, la performance des indices ces 12 derniers mois le démontrent clairement. Mais hier soir, Powell a déclaré « que la FED n’était pas PRESSÉE de baisser les taux » – alors qu’il prononçait ces mots, Wall Street s’est comme figé dans le temps – nous étions tellement convaincus que la FED allait baisser les taux, baisser les taux et baisser les taux encore que l’annonce a fait l’effet d’une bombe. Tout était remis en question.

Pas encore la hausse, mais bon

Alors que l’on soit bien clair, Powell n’a pas dit qu’il n’allait plus baisser les taux ou même qu’il allait les remonter. Il a simplement exprimé le fait que – selon lui – « la force de l’économie leur permet de ne pas se précipiter ». En dehors du fait que je ne vois absolument pas à quel moment il voit de la « force dans cette économie », le patron de la FED a simplement exprimé son intention de ne pas faire n’importe quoi au nom de la hausse des marchés. Sans compter que la publication du PPI hier après-midi, a confirmé que l’inflation redonnait des signes de vie.

Powell se retrouve donc devant une équation relativement complexe :

– Tout d’abord, il sait que l’économie n’est pas dans sa meilleure forme et que l’emploi est en train de s’enfoncer depuis 18 mois, il est donc obligé de soutenir l’économie pour ne pas qu’elle sombre dans la récession. D’où la baisse des taux.
– Ensuite, il voit que le combat contre l’inflation n’est pas encore terminé et que – par moment – la bestiole refuse de rendre les armes. Il est donc obligé de rester vigilant s’il ne veut pas À NOUVEAU devoir sortir l’artillerie lourde pour s’en sortir
– Et puis – et ça c’est ce qu’il ne dit pas – il sait très bien que la politique que le Président Trump se prépare à mettre en place dès le mois de janvier, va INÉVITABLEMENT créer de l’inflation. Donc, là aussi, le patron de la FED essaie d’anticiper et de ne pas griller ses cartouches trop vite, puisque le siège qu’il va devoir tenir face à l’inflation et à son Président, risque bien de durer un sacré moment. En tous les cas jusqu’en mai 2026 en ce qui le concerne.

Toujours est-il que les mots de Powell ont mis à mal le plan de marche de certains qui étaient convaincus que la baisse des taux de décembre était déjà actée et gravée dans le marbre. Hier je vous disais que dans la foulée de la publication du CPI avait « rassuré » les intervenants puisque les gens qui prônaient la baisse des taux en décembre étaient passés de 58.7% à 82%. Eh bien hier soir on est reparti dans l’autre sens à cause de Powell et du PPI. En fin de journée, les indices américains étaient en baisse d’un peu plus de 0.5% et on sentait que le narratif était un peu remis en question – il faut dire que ça fait depuis le 31 octobre de l’an dernier que l’on attend nos baisses de taux et là, pouf, après deux baisses, tout est déjà remis en question. Gros coup de blues à Wall Street, heureusement que nous avons une mémoire de poisson rouge et qu’on va rapidement passer à autre chose. Tiens, il y a les chiffres de Nvidia la semaine prochaine et Super Micro qui va se faire virer du Nasdaq, ça va nous occuper.

L’Asie et le reste

Ce matin le Japon est en hausse de 0.8% après avoir publié un PIB légèrement en-dessous des attentes, alors que la Chine et Hong Kong se regardent le nombril et ne font pas grand-chose. Lorsque l’on se penche sur la presse asiatique, on sent bien que l’effet Jerome Powell se fait sentir, mais que personne n’ose vraiment le dire. Ni n’ose vraiment paniquer. Ailleurs le pétrole est à 68$ et l’or se traite à 2569$, quant au Bitcoin et l’ensemble des cryptos, les choses semblent se calmer – pour le moment. Le Bitcoin est à 87’700$ et le DogeCoin d’Elon est à 36 centimes.

Du côté des nouvelles qu’il faudra retenir, il y a Disney qui a publié des chiffres spectaculaires qui ont battu les attentes, ce qui tranchaient nettement avec les annonces déprimantes de ces derniers mois. Lorsque l’on lit le communiqué de presse de Mickey Mouse, on a l’impression qu’ils ont renversé la tendance et que, dorénavant, le ciel est bleu et les souris dansent. D’ailleurs, dans la foulée de ces très bons chiffres, Disney a même fait des projections très optimistes sur TROIS ans – ce que personne ne fait en général – enfin, sauf ASML hier, mais c’était sur 5 ans. Toujours est-il que la comm n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd et le marché s’est enthousiasmé de tout cet optimisme et le titre bondissait de plus de 6%. Et puis on notera que la division parc d’attractions et croisières n’est pas le point fort de Mickey en ce moment, mais en même temps quand je pense qu’ils ont construit des bateaux de croisière sur lesquels on peut aller en vacances avec des fausses souris géantes et des princesses en carton, c’est un peu comme si on rassemblait le pire du tourisme de masse en un seul endroit dont on ne peut même pas s’échapper.

Coté chiffres du trimestre on signalera qu’hier soir tard, Applied Material a publié de bons chiffres À CAUSE DE L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE et les bénéfices ont battu les attentes des analystes, mais pas le chiffre d’affaires qui sortait un micro-poil en-dessous des attentes et comme AMAT n’a pas publié de prévisions sur les 25 prochaines années, le titre baissait de plus de 5% after close. Pendant ce temps, le patron de JP Morgan, Jamie Dimon s’est exprimé sur la présidence de Trump et sur le retour éventuel de l’inflation et il pense qu’on n’en a pa sencore terminé avec elle. Visiblement Powell pense comme lui. Et puis, il faudra aussi retenir que Trump veut supprimer le cadeau fiscal de 7’500$ que Biden avait mis en place sur les voitures électriques. Cela peut paraître surprenant, sachant que le premier impacté sera Musk, mais le patron de Tesla s’est immédiatement exprimé pour dire que ça ne sera pas EUX les plus impactés, mais surtout les vendeurs de voitures électriques étrangers. Dans le doute Tesla s’est quand même pris 5% dans les dents, tout comme Lucid, alors que Rivian plongeait de 15%. Ford et GM ne faisaient rien, mais en même temps, leur département « voitures électriques » sont des gouffres à pognon, alors un peu plus ou un peu moins, ça ne change plus grand-chose.

Les chiffres du jour

En ce qui concerne les chiffres du jour, nous aurons le PPI en Suisse, le CPI en France, les ventes de détail aux USA, ainsi que le NY Empire State Manufacturing Index. Pour le moment, les futures sont en baisse de 0.3% et les marchés se posent des questions. Heureusement qu’on va avoir le week-end pour y penser.

D’ailleurs, à ce propos, je vous souhaite un excellent week-end et on se voit lundi pour voir si Trump n’a pas nommé John Rambo à la tête du Pentagone. Très bon café et à lundi !

Thomas Veillet
Investir.ch

« But man is not made for defeat. A man can be destroyed but not defeated. »

Ernest Hemingway