L’ensemble des bourses mondiales ont passé leur journée à baissoter tranquillement en attendant d’en savoir plus sur l’élection présidentielle. Nous étions dans une salle d’attente. Comme chez le dentiste, à feuilleter des magazines qui datent de l’été 2021 pendant qu’en arrière-plan il y a une musique répétitive et ennuyeuse au possible. La seule chose qui change avec une séance chez le dentiste, c’est qu’en plus des magazines et de la musique, on a en plus le bruit des experts en élections américaines qui passent leur temps à vomir sur Trump sans vraiment oser encenser Kamala Harris. Quoi qu’il en soit la séance d’hier n’aura servi à rien et c’est pas sûr que ça soit mieux aujourd’hui.

L’Audio du 5 novembre 2024

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Une seule préoccupation ou presque

Comme je vous le disais hier, on dirait que le monde s’est arrêté et que personne n’ose publier la moindre information de peur de déranger l’attente dans laquelle nous sommes. Le pétrole bouge un peu en fonction des rumeurs de répliques iraniennes ou pas, les marchés s’effritent sans vraiment savoir pourquoi et mis à part les chiffres trimestriels d’une ou deux sociétés un peu connues, tout le monde à les yeux fixés sur les USA en se demandant de quoi demain sera fait. Une chose est certaine, ça ne sera pas mieux qu’aujourd’hui. La campagne qui se termine laisse donc entendre que la course est ultra-serrée et la plupart des médias publient déjà des sondages comme quoi « à priori » Kamala devrait gagner. Ou je devrais dire plutôt : Trump devrait perdre, puisque l’enjeu n’est pas tant de savoir qui va gagner, mais plutôt de ne pas avoir Trump à nouveau pour quatre ans.

Tout le monde sait pourtant que si Kamala Harris gagne, ça sera du Biden en pire pendant quatre ans de plus et ça n’est pas parce que la plupart des stars hollywoodiennes soutiennent Kamala Harris et menacent de quitter le pays en cas de victoire de Trump, que les choses vont s’améliorer. Depuis le début de la campagne – même avant que Biden se retire, les USA savaient qu’ils allaient avoir le choix entre la peste et le choléra. Et nous nous retrouvons à moins de 24 heures du verdict avec exactement la même situation, mais on ne sait toujours pas si l’on préfère l’un ou l’autre. Quoi qu’il en soit, les marchés hésitent, ne font rien et attendent de savoir si l’on va savoir ou si l’on va rester dans l’attente d’un recomptage pour décider qui sera Président à la place du grabataire.

L’incertitude

Parce qu’il ne faut pas se leurrer, la seule chose qui peut faire du mal au marché, c’est le cas où le nom du nouveau Président n’est pas connu demain matin. La seule vraie chose qui dérange les intervenants ; c’est de ne pas savoir. Le reste on a bien compris que l’on préfère anticiper les bonnes nouvelles et faire comme si les mauvaises n’existaient pas. On préfère anticiper une croissance à deux chiffres pour la tech dans les 25 prochaines années, plutôt que d’envisager une récession éventuelle. Actuellement, la seule chose qui nous angoisse un peu, c’est de ne pas avoir de réponse sur la présidentielle demain. On trouve cependant encore des gens qui espèrent que l’arrivée à la Maison Blanche de l’un ou l’autre des candidats va « apaiser » les divisions entre les Américains, mais cela reste de l’utopie totale.

Pour le moment nous sommes dans notre salle d’attente et on attend de savoir et peu importe qui sortira de la boîte à surprise, ça ne devrait pas changer grand-chose à nos vies dans l’immédiat – tant que quelqu’un sort de la boîte. En attendant les marchés ne font rien et même si certains d’entre-nous bossent à fond sur « les secteurs qui pourraient bénéficier de l’arrivée de l’une ou l’autre », les autres attendent juste pour voir, sachant pertinemment que l’effet d’annonce sera de courte durée et qu’ensuite on va se concentrer sur « l’attente de la FED » qui va annoncer sa décision sur les taux jeudi soir. Là aussi, c’est un non-event, puisque 100% des experts s’attendent à une baisse de 25 basis points et qu’il paraîtrait improbable que Powell craque sous la pression et baisse les taux de 50 BP pour rassurer un marché qui souffrirait soudainement d’un évènement exogène lié à l’élection. Il est donc plus que probable que l’on se retrouve dans la même situation que l’on vit depuis des mois, à chercher l’information qui nous permettra de déterminer la direction que va prendre le marché et si possible l’information positive qui permettra de continuer à surfer le bull market, oui parce que les mauvaises nouvelles on n’aime pas trop. Bref. On en saura plus demain !

En attendant

Beaucoup de bla-bla pour ne pas dire grand-chose à la fin. La séance d’hier aura donc été à la limite du très pénible à vivre, puisqu’en dehors de l’élection de ce soir, personne n’est capable de parler d’autre chose. Ce qui est d’ailleurs assez compréhensible. Néanmoins, il y avait quand même deux-trois choses à noter. À commencer par Nvidia qui a brièvement passé devant Apple comme « plus grosse capitalisation boursière mondiale », mais en fin de séance, Apple conservait quand même sa couronne. Pendant que Nvidia jouait avec le trône, les médias américains se sont plongés sur ce que l’on peut dorénavant appeler « l’affaire Super Micro ». Je vous passe les détails, mais de plus en plus d’experts commencent à s’inquiéter d’un éventuel délisting – même chez Wedbush qui sont généralement plutôt enclins à être optimistes sur la tech, on commence à s’angoisser du fait que maintenant que Ernst&Young a claqué la porte, plus personne ne voudra reprendre le job. En effet, il faudrait être suicidaire pour prendre le risque de leur succéder sans savoir ce qu’il s’y trame.

Le Barron’s a commencé à fouiller dans l’histoire et au-delà du fait que ça ne serait pas la première fois que Super Micro se ferait délister, il semblerait qu’il y aurait un gros problème de conflits d’intérêts familiaux avec le CEO de Super Micro – Monsieur Liang – qui maintient des liens un peu trop serrés avec sa famille. Sa femme siège également au board et a déjà eu plusieurs jobs à l’interne, y compris trésorière. Ses frères sont les CEO’s de deux sociétés qui sont les principaux fournisseurs de SMCI – Ablecom et Compuware – et que « curieusement », une troisième société dans laquelle siègent les deux frères de Liang vendrait des produits qui correspondent trait pour trait aux produits de Super Micro. La pelote de laine est impossible à démêler actuellement, mais le temps joue contre eux puisque si la société n’a pas rendu des comptes d’ici au 16 novembre, elle risque le délisting de la part du Nasdaq. Ce qui pourrait être fâcheux et rappeler soudainement aux actionnaires de Nvidia que Super Micro est tout de même leur troisième client en termes de volumes…

L’Asie, la Chine et le Japon

Ce matin nous nous retrouvons donc à passer en revue le millième sondage qui donne la victoire à Kamala Harris ou à Trump, tout en ne sachant pas trop quoi en faire, puisqu’entre vous et moi, même si je savais à 100% qui allait gagner ce soir, je ne saurais même pas où investir pour « profiter de l’annonce ». On sait tous qu’il y a des secteurs qui vont profiter de Trump et d’autres d’Harris, mais il n’est de loin pas évident d’imaginer surperformer le marché sur quelques jours en fonction d’une victoire Républicaine ou Démocrate. Dans le doute, l’Asie tente de se démarquer et l’ensemble des marchés sont résolument dans le vert. La Chine et Hong Kong sont en hausse de 1.8% et 1.24% respectivement. Shanghai grimpait dans la foulée d’un PMI bien au-dessus des attentes et qui laissait à penser que ça allait un peu mieux du côté économique, sans oublier que les attentes autour du stimulus et détails qui pourraient être annoncés cette semaine, sont grandes. Le Nikkei est en hausse de 1.24% après un week-end prolongé. Pour l’instant, les marchés asiatiques semblent un peu plus confiants que le reste du monde, à moins que ça ne soit que du désintéressement le plus total.

Du côté du baril nous sommes toujours autour des 71.50$ et le brut est capable d’aller dans tous les sens en fonction des déclarations d’intentions des uns et des autres du côté du Moyen Orient. Ça en devient presque pénible. L’or est à 2’744$ et le Bitcoin s’échange autour des 68’500$. Du côté des nouvelles du jour, il faut absolument noter que Palantir a fait mieux que les attentes et a affiché un optimisme incroyable par rapport à l’Intelligence Artifcielle. Les déclarations du CEO ont eu l’effet d’une décharge électrique sur les intervenants. « Nous avons absolument éviscéré ce trimestre, sous l’effet d’une demande d’IA implacable qui ne ralentira pas », a déclaré le CEO Alex Karp, puis il a continué en disant : « Il s’agit d’une révolution de l’IA menée par les États-Unis qui a pris toute son ampleur ». Je ne sais pas ce qu’il entend par « éviscérer » le trimestre, mais ça à l’air très appuyé comme imagerie. En tous les cas, les chiffres de Palantir mélangés aux déclarations de Karp ont ravi les analystes et fait exploser le titre after close. Palantir était en hausse de 14%.

Pour le reste

Côté nouvelles du jour, mis à part le fait que la Corée du Nord tire des missiles dans tous les sens pour faire des tests ou pour saluer l’arrivée d’un nouveau Président aux USA, je ne sais pas et mis à part le fait que tout le monde se réjouit de voir rentrer Nvidia dans le Dow Jones dans quelques jours, le reste est définitivement scotché sur l’élection présidentielle et je crois qu’il n’est pas nécessaire de brasser plus d’air que cela, nous en saurons plus demain à la même heure et on espère que ça va se décanter, que l’on va pouvoir commencer à parler d’autre chose, parce que là tout de suite, ça frise l’écœurement qu’on nous donne Harris ou qu’on nous donne Trump, mais que l’on puisse revenir à des choses normales, comme attendre les chiffres du CPI pour savoir si l’inflation est vraiment vaincue !

Pour ce qui est des chiffres économiques, il y aura tout de même l’ISM Non-Manufacturing PMI et le Trade Balance aux USA. Il y aura même Madame Lagarde qui parlera, mais ensuite il faudra se brancher sur CNN et attendre que le temps passe. Il me reste donc à vous souhaiter une excellente journée et que votre nuit devant la télé ne soit pas trop dure. Nous on se revoit demain pour faire le point avec – je l’espère – un peu plus de concret à vous donner que ce que nous avons actuellement.

À demain, dans un autre monde (ou pas) !

Thomas Veillet
Investir.ch

“In the stock market, the most important organ is the stomach. It’s not the brain.”

Peter Lynch