Le gros morceau des publications trimestrielles est donc derrière nous depuis hier soir. L’inflation est à quelque centimètres d’atteindre l’objectif que la FED s’était fixé, l’emploi est tellement en forme que s’en est presque indécent – enfin, si l’on veut bien croire les chiffres qu’on nous balance à peu près tous les jours – le pétrole retrouve des couleurs parce qu’on se rend compte que l’amour et l’amitié ne sont pas les préceptes principaux mis en place au Moyen Orient que ça pourrait quand même mal se finir à la fin et selon le dernier indicateur de Wall Street, Kamala Harris sera la prochaine Présidente Américaine. Mais hier il y a une chose qui dérangeait : les dépenses de l’IA.
L’Audio du 1er novembre 2024
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La prudence reste l’axe principal
La seule chose qu’il faudra retenir de la séance d’hier, c’est que les intervenants se sentaient un poil sous pression, qu’ils avaient besoin d’être rassurés sur l’avenir politique américain et qu’à quelques jours d’une semaine qui ne sera que dédiée à l’élection américaine et à la veille de la publication des chiffres de l’emploi qui ne manqueront pas d’être EXTRAORDINNAIRES, même si tout le monde sait qu’ils sont à peu près aussi fiables que l’élocution et la mémoire de Joe Biden, on n’avait pas très envie de prendre des risques surtout que depuis la publication des chiffres de Microsoft et de Meta, les deux géants de la tech, chacun dans son secteur, on fait prendre conscience aux investisseurs que les dépenses dédiées à l’intelligence artificielle commençaient à soulever quelques problèmes, pour ne pas dire quelques doutes.
On l’a compris, si vous êtes le dirigeant d’une société et que vous avez l’intention d’être à peu près concurrentiel d’ici la fin 2025, si vous n’investissez pas dans l’intelligence artificielle, autant vous saborder et demander à votre auditeur de donner son sac en déclarant que votre comptabilité est toute pourrie. Un peu comme l’a fait Supermicro. Le seul problème que l’IA est en train de générer, c’est que l’on se rend compte que pour le moment nous dépensons des sommes folles pour avoir son propre ChatGPT mais que l’on peine à voir ce que cela va rapporter concrètement à la fin. Pour l’instant la seule chose qui nous rend heureux c’est de voir que toutes ces dépenses qui se comptent par centaines de milliards vont (presque) directement dans la poche de Nvidia qui affiche du même coup une croissance délirante qu’absolument personne n’ose remettre en doute. Enfin, pas pour le moment.
Prise de profits et prudence de mise
Quoi qu’il en soit, hier les marchés ont craqué psychologiquement après les dépenses stratosphériques à venir qui ont été annoncées par Microsoft et Meta. En l’espace de quelques nanosecondes, l’intelligence artificielle des marchés – à moins que ce soit de la vraie intelligence humaine, denrée qui est devenue presque aussi rare que la Kryptonite – ou l’une ou l’autre a donc ressenti comme un coup de froid le long de la colonne vertébrale et s’est dit :
« Putain, mais ça va servir à quoi tout ce pognon investi dans cette thématique que l’on ne comprend pas toujours très bien ??? »
Puis on a ajouté :
« Quand est-ce que ça va VRAIMENT rapporter du pognon ? Non parce pour amortir des centaines milliards, il va en falloir des abonnements à ChatGPT avant que les ordinateurs prennent le pouvoir et que Skynet décide d’exterminer la race humaine de la planète en envoyant des Terminator qui ont l’apparence d’un vieil acteur de 77 ans qui parle anglais avec un fort accent autrichien »
Les intervenants se sont donc rués sur ChatGPT pour lui poser ces deux questions et à voir le résultat sur les marchés, ça n’a dû plaire à quelqu’un. Quelqu’un d’artificiel ou pas. Quoi qu’il en soit, c’est devenu le terme à la mode depuis une grosse trentaine d’heure, puisque tout le monde s’inquiète de ces excès de dépenses, ce qui a provoqué la baisse des marchés hier. Alors moi j’ai été poser la question à ChatGPT pour voir ce qu’il pensait du fait que « pour le moment on engloutit des sommes folles qui ne rapportent pas grand-chose ». Et quand je vois la réponse de politicien qu’il me sort, je comprends mieux pourquoi les gens ont vendu la tech hier. La réponse est tellement floue que je ne suis pas loin de penser que l’argent investi dans l’IA va directement sur le compte de Monsieur Chat GPT pour qu’il puisse partir en vacances sur un plage pendant tout l’été – ou en tous les cas sur ce qui ressemble à une plage dans son monde virtuel.
La réponse
En gros, quand je lui dis : « Quand est-ce que ça va vraiment rapporter de l’argent si l’on tient compte du fait que des centaines de milliards ont été investis et que ça ne rapporte pas grand-chose ? », il m’a répondu :
« l’intelligence artificielle… C’est un peu comme un ado qui coûte une fortune à élever et dont on espère qu’il finira par décrocher un job bien payé. Pour l’instant, les centaines de milliards investis dans l’IA ne rapportent pas encore énormément parce que, soyons honnêtes, on en est encore à la phase « gros travaux » : développement coûteux, défis techniques et adoption lente.
Mais ne désespérons pas ! Certaines applis d’IA, comme les recommandations de Netflix ou la pub ciblée de Google, font déjà du cash. Le reste ? Ça viendra, probablement vers 2030, quand les gains de productivité seront vraiment au rendez-vous.
En gros, c’est un investissement à long terme, comme parier que votre ado d’aujourd’hui sera le futur PDG de demain… mais en attendant, ça siphonne encore pas mal le portefeuille. »
Alors bon, je ne sais pas s’il me prend pour un con ou s’il se fout de ma gueule, mais toujours est-il que c’est pour ça qu’hier les marchés baissaient et que spécifiquement, la tech baissait. On notera quand même qu’il y a deux-trois choses qui allaient dans la bonne direction : les chiffres du PCE qui sont PRESQUE à 2% comme prévu par Powell, les Jobless Claims qui sont en-dessous des attentes du marché et qui laissent présager d’une publication des NFP cette après-midi qui devrait être orgasmique, puisque les USA vivent dans un miracle économique quasi-miraculeux. On retiendra aussi les très bons chiffres de la Société Géniale qui a fait tout juste pour plaire aux investisseurs, le titre montait de plus de 10%, pas comme son rival avec le logo vert qui eux, on fait tout l’inverse et baissait de 4,2% après avoir publié des chiffres que les experts ont qualifiés de « mou du genou ». En Suisse Geberit était le seul titre qui terminait la séance dans le vert avec un SMI qui commence à ne plus ressembler à grand-chose. Le support des 12’000 est en train de disparaître au loin dans le rétroviseur, heureusement que la BNS a fait un bénéfice de 62 milliards grâce à ses positions en or et au fait que ça reste le plus gros hedge fund du monde.
Et maintenant, on fait quoi ? On achète et on attend le mois de mai ?
Il ne reste donc plus qu’à se concentrer regarder, devant et espérer qu’hier n’était qu’un accroc dans le plan qui ne devait pas en avoir (d’accroc) et que nous vivons tout simplement effectivement dans un miracle économique et que c’est juste une opportunité d’achat. Kamala Harris va prendre les rênes du pays et une fois qu’elle aura compris la différence entre l’inflation et la recette des pancakes aux fraises, on devrait pouvoir reprendre notre marche en avant et aller chercher les 6’000 comme c’est prévu dans les livres. Ce matin le Japon est en baisse de 2.5% parce qu’on dépense trop dans l’IA et que la BOJ va augmenter le salaire minimum, ce qui devrait faire monter l’inflation et, à terme, faire monter les taux aussi. C’est dans très très longtemps, mais visiblement le Nikkei a décidé de tout « pricer » la même journée, comme ça c’est fait. La Chine et Hong Kong sont en hausse de respectivement 0.3% et 1%, mais pour être franc, là tout de suite, la Chine n’est plus la préoccupation centrale.
Du côté du baril, comme je le disais en ouverture de cette chronique, le baril repasse les 70$ en montée. Actuellement, ça vaut 70.65$ et le manque d’amour et d’amitié entre toutes les parties impliquées au Moyen Orient va peser à nouveau sur le prix de l’essence. L’or est 2763$ et le Bitcoin est à 69’900$ après avoir à nouveau échoué sur les résistances historiques. Même le fait que Microstrategy va lever 42 milliards pour acheter des Bitcoins n’a pas fait broncher la crypto à la hausse. Vous vous rendez compte ? Une boîte comme Microstrategy qui pour business plan d’acheter du Bitcoin et d’acheter du Bitcoin, qui vaut actuellement 49 milliards dollars, va emprunter quasiment l’équivalent de sa marketcap et le pire, c’est qu’on va lui prêter l’argent. Bon, il faut aussi noter que le jour où le Bitcoin vaudra 1 million, 42 milliards de dollars de dette, ça ne fera pas grand-chose.
Les deux mammouths du jour
Hier soir il y a eu les chiffres trimestriels d’Apple et d’Amazon. Comme hier avec Microsoft et Meta, les deux ont publié de bons chiffres. Les perspectives sont correctes et on a juste trouvé que chez Apple « le reste des produits, en dehors de l’iPhone » étaient un peu décevants au niveau des ventes. Ce qui explique que le titre était en baisse de 1.7% after close et ce malgré des ventes de 95 milliards sur le trimestre et un bénéfice par action de 1.64$ qui était bien au-dessus des attentes. Quand on est une boîte énorme à ce point-là, avec des chiffres énormes à ce point-là, ça devient difficile de faire plaisir au marché. En revanche, du côté d’Amazon l’action était en folie after close, portée par les chiffres du Cloud et un bénéfice net de 15,3 milliards de dollars qui a nettement rassurés les actionnaires sur le sujet de la rentabilité et ce, malgré – je vous le donne en mille : « l’annonce de dépenses croissantes dans l’intelligence artificielle » – quand je vous dis que c’est LE THÈME du moment !
On notera encore qu’Intel a annoncé des pertes énormes mais qu’ils ont rassuré avec des prévisions optimistes, sachant que les pertes de plus de 16 milliards n’étaient une surprise pour personne. Intel était en hausse de 7% hier soir tard. Pour le reste, on commence s’inquiéter beaucoup des conséquences d’une victoire de Kamala Harris, puisque si, comme tout le monde le prédit, elle remporte l’élection, certains observateurs se demandent si les USA ne pourraient pas basculer dans la guerre civile. Ce qui serait moyennement agréable pour l’économie et les marchés, même si l’on pourrait tout même en retirer de l’optimisme en se disant qu’au moins cette fois ils n’ont pas été foutre le bordel à l’étranger. Il faudra aussi se souvenir que durant le troisième trimestre de 2024, BYD le constructeur de voitures chinois a fait mieux que Tesla en termes de ventes pour la première fois. Oui, mais eux ils ont pas des fusées.
Les chiffres du jour
Pour les chiffres du jour, on attendra donc patiemment cette après-midi pour avoir la confirmation que les USA sont un miracle économique soutenu par le Bureau of Labor Statistics, les Non Farm Payrolls sont attendus à 106’000, ça ne va vraiment pas être difficile de faire mieux, histoire que Kamala puisse revendiquer le bilan merveilleux de son patron qui sait de moins en moins ce qu’il fait. Le taux de chômage sera de 4.1% ou moins et la Suisse va aussi publier son CPI, chiffre qui ne manquera de rendre le SMI soudainement très excitant et séduisant.
Les futures sont en hausse de 0.3% parce qu’hier c’était quand même une super opportunité d’achat et que dès ce soir on va pouvoir racheter pour jouer la thématique de l’intelligence artificielle, parce que fondamentalement on s’en fout de l’argent qu’on donne à Skynet, tant que le S&P500 est en hausse. Passez un excellent week-end et on se revoit lundi pour faire le point sur le monde merveilleux dans lequel nous vivons !
À lundi !
Thomas Veillet
Investir.ch
“Stocks aren’t lottery tickets. Behind every stock is a company.”
Peter Lynch