Le vent d’euphorie semblait se calmer hier et les marchés reviennent gentiment à la réalité. Tout le monde est (finalement) en tain de prendre conscience que l’arrivée de Donald Trump va AUSSI poser des problèmes pour les économies respectives de chaque région du monde et que tout ne sera pas forcément aussi rose que les marchés voulaient bien le laisser supposer depuis mercredi dernier. On ne va pas dire que « l’état de grâce » s’est terminé hier et que la réalité économique nous rattrape – même si les publications du CPI inquiètent tout le monde – mais on peut dire qu’un premier coup de frein s’est produit sur le marché et c’est encore une fois l’Europe qui cotise le plus.
L’Audio du 13 novembre 2024
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Le retour du spectre de l’inflation
Alors que les marchés américains entamaient la séance de la même manière depuis l’élection de Donald Trump : en se concentrant sur la théorie du Trump Trade et en arrachant les cryptomonnaies comme si le nouveau Président allait remplacer le Dollar par le Bitcoin et que Musk allait obliger ses clients à payer leur Tesla avec des DogeCoin, soudainement les choses se sont compliquées. Le vent de complication qui soufflait sur le marché provenait de deux directions différentes, que l’on soit en Europe ou aux États-Unis, mais ce qu’il faut surtout retenir, c’est que soudainement, nous avons remis sur la table des menus problèmes que l’on avait mis de côté depuis l’élection.
Aux USA, les gens se sont soudainement rendu compte que le rendement du dix ans continuait de monter de manière très inquiétante. Les bons du trésor offrent désormais un rendement de 4.43% contre 4.30% la veille. Ce qui laisse supposer que la FED pourrait baisser les taux un peu moins que prévu. Les projections actuelles laissent toujours supposer que Powell va baisser les taux en décembre, mais le nombre de personnes qui y croient est dorénavant passé en-dessous des 50%. La raison principale est un phénomène que nous connaissons bien : le phénomène de l’inflation et soudainement on s’y intéressait à nouveau hier. Il faut dire que la réflexion est assez logique : d’un côté vous avez Trump qui veut baisser les taux, augmenter les salaires, créer des emplois, faciliter l’accès à l’immobilier, en gros : injecter de l’argent à tout va et pousser les gens à dépenser comme des fous l’argent qu’ils gagnent et même à emprunter encore un peu pour dépenser l’argent qu’ils ne gagnent pas. Il faudrait être débile pour ne pas imaginer un instant que cette stratégie pourrait faire remonter une inflation qui ne demande que ça…
L’angoisse et la peur du douanier
Et ça tombe bien, parce que ce mercredi, le brillantissime Bureau of Labor Statistics qui a de la peine à faire des additions depuis quelques mois, va nous publier les chiffres de l’inflation. Donc si l’on tient compte du fait que le rendement du 10 ans part à la hausse à la vitesse d’une des fusées de Musk et du fait que la stratégie de Trump VA ramener l’inflation sur le devant de la scène, il n’y a pas besoin de se demander comment réagirait le marché si le CPI américain montrait la moindre intention de repartir à la hausse. Même s’il se contentait ne pas baisser, cela pourrait immédiatement pousser Wall Street à se remettre en question au niveau des projections de baisses de taux en 2025. Je dois dire qu’au-delà de ce qui va se passer politiquement et économiquement à partir de février 2025, on se réjouit de voir comment la relation entre le Président Trump et le Président Powell (le Président de la FED Powell), va se passer. Non parce que d’un côté on va avoir un gars qui veut BOOSTER le pays, peu importe les coûts, quitte à faire remonter l’inflation, mais qui veut aussi avoir des taux bas. Et de l’autre, on aura un type qui revient de la guerre contre l’inflation avec un Syndrome Post-Traumatique qui va tout faire pour l’empêcher de revenir. Quitte à monter les taux à nouveau. Je ne suis pas certain que les intérêts soient tous complétements alignés entre Make America Great Again et Make l’inflation rester basse again.
En Europe, depuis que Trump est élu, on se demande si l’on doit chanter les louanges de l’ancien-futur Président et profiter la future EXPLOSION économique américaine. Ou si l’on doit s’inquiéter de sa stratégie du « je vais taxer à tout-va tout ce qui va rentrer aux USA d’une manière ou d’une autre ». L’angoisse douanière était palpable sur les marchés depuis quelques jours et soudainement, la réalité nous a frappé de plein fouet juste entre les deux oreilles d’un coup sec et agressif. Ce « reality-check » est venu directement des bureaux de la BCE, l’équipe de Dame Christine ont jugé bon de publier un rapport qui laisse entendre que les tarifs douaniers qui seront mis en place par le Président Trump vont faire du mal à l’économie mondiale dans sa totalité. Alors bon, sur les places boursières européennes, il faut dire que l’on se fout pas mal du « reste du monde », mais en revanche on n’a pas trop aimé ce que cela laissait supposer pour NOS exportatrices à nous. Déjà que le luxe a de la peine à se remettre du fait que le stimulus chinois ne va pas assez stimuler les Chinois à acheter des sacs à mains de marque, l’idée que les taxes douanières empêchent les Américains d’acheter les excédents que les Chinois ne PEUVENT pas acheter, n’a pas aidé le bull market à s’installer dans nos contrées. Bien au contraire.
À la fin, le doute s’installe
En résumé, les Américains flippent à cause de l’inflation qui pourrait repartir et marquent une pause dans leur rallye post-électoral, ce qui nous montre que OUI, les bourses américaines peuvent AUSSI baisser sous Donald Trump 2.0. Et en Europe on comptabilise l’effet taxes douanières, l’effet stimulus mou et l’effet économique de l’Allemagne qui s’enfonce avec la France sur ses épaules – qui se confirme avec un ZEW qui laisse poindre la dépression dans les regards déprimés des Allemands – et du coup, les bourses européennes se sont effondrées comme le mur de Berlin. Le Dax reculait de 2.13%, le CAC plongeait de 2.69% pour dessiner un graphique qui ressemble de plus en plus au taux de popularité de leur Prési-Roi et l’Eurostoxx 600 abandonnait 2%. Aux USA, c’était bien moins violent, puisque la pire performance parmi les trois indices était à mettre sur le compte du Dow Jones qui reculait de près de 0.9%. Alors que les deux autres étaient à peine dans le rouge. Mais peu importe, ce qu’il faut retenir de la séance d’hier, c’est que le doute a été instillé dans la tête des traders : OUI, on peut aussi baisser avec Trump comme Président.
Ce matin la plupart des marchés asiatiques étaient en baisse, se contentant benoîtement de suivre les indices occidentaux. Les thèmes et les raisons de la baisse sont exactement les mêmes que nous avons utilisé hier : le retour potentiel de l’inflation, les craintes de voir la FED ralentir son cycle de baisse des taux (ou pire : de les voir tourner la veste) et le fait que les nouvelles mesures budgétaires de la Chine ont largement déçu. On peut même saupoudrer tout ça avec les angoisses que peuvent impliquer une présidence de Donald Trump pour les relations sino-américaines et le commerce mondial. Le Japon est en baisse de 1.52%, Hong Kong recule de 1% et la Chine est entre deux eaux, mais à l’heure où je vous parle, Shanghai est en territoire négatif de l’ordre de 0.2%. L’or est à 2611$, le pétrole est à 68.60$ et ne sait plus quoi faire, alors que le Bitcoin est toujours très proche de ses plus hauts de tous les temps, même si les choses font mine de se calmer à l’heure actuelle. Quand je me suis levé ce matin, le DogeCoin était en hausse de 7% après la publication d’un message sur X de la part de Musk qui publiait un logo pour son nouveau département, « Department Of Gouvernment Efficiency » – Acronyme, DOGE. Mais depuis tout s’est dégonflé et le DogeCoin est en baisse de 8%. On est bien peu de chose en ce moment.
Pas de nouvelles, bonnes nouvelles
Côté nouvelles du jour, on retiendra que Super Micro n’a toujours pas trouvé d’auditeur et que le compte à rebours prendra fin samedi. Lundi prochain risque d’être encore plus compliqué pour SMCI. Il y a aussi Nvidia qui faisait un peu de bruit, car même si le titre terminait en hausse hier soir après avoir vécu DEUX SÉANCES de baisse, certains analystes craignent que le Roi de la Cote nous annonce un trimestre de transition avec des taux de croissance qui pourraient être un poil moins stratosphérique. La date butoir prévue pour Nvidia est le 20 novembre. On retiendra donc que Trump a annoncé hier soir qu’Elon Musk et Vivek Ramaswamy dirigeraient le « Département de l’efficacité gouvernementale » dans le but de « démanteler la bureaucratie gouvernementale ». Vivek Ramaswamy est aussi un entrepreneur et si j’étais fonctionnaire aux USA, je commencerais à envisager de me reconvertir, surtout si mon job ne sert à rien.
Il y a également John Paulson – Hedge Fund Manager de son état qui pourrait devenir Secrétaire du Trésor. Le gouvernement de Trump va donc rapidement se transformer en gouvernement de milliardaires. Il y a aussi Rivian qui obtient encore un peu plus d’argent de la part de Volkswagen et after close Cava grimpait de 16 % alors que le concurrent de Chipotle se bat pour devenir la « prochaine grande cuisine culturelle » et a pulvérisé les attentes du trimestre. Cava est une chaîne de restaurants qui vend de la cuisine Méditerranéenne pour ceux qui ont vraiment aucune expérience de la cuisine Méditerranéenne. Jeff Bezos a vendu pour 1.2 milliards d’actions Amazon ce qui pousse l’addition de novembre à 3 milliards de dollars. Mais il n’a toujours pas de job dans l’administration Trump. Et puis, on terminera avec le fait que deux banquiers centraux américains se sont exprimés ces 48 dernières heures et ils ont été très clair sur le fait que la FED sera très attentive au sujet de l’inflation afin de ne pas se laisser déborder. Ça veut dire que si ça ne va pas dans le bon sens, ils peuvent encore monter les taux… Que l’on garde bien ça en tête, c’est peut-être de là que viendra la prochaine guerre civile : entre le Président et la FED.
Les chiffres du jour
Pour le reste, la BCE se réunit ce jeudi mais juste pour causer, il n’y aura pas de décision sur les taux, l’EIA communiquera également au sujet de l’avenir du pétrole et pour terminer, il y aura la publication du CPI américain et je n’ai pas besoin de vous dire que cela définira la fin de cette journée. Pour le moment, les futures sont en baisse de 0.2% et nous on se retrouve demain pour de nouvelles aventures !
Passez une très belle journée et à demain !
Thomas Veillet
Investir.ch
“Actually Wall Street thinks just as the Greeks did. The early Greeks used to sit around for days and debate how many teeth a horse has. They thought they could figure it out by just sitting there, instead of checking the horse. A”
― Peter Lynch